Bagan, ça autruche

Il y a deux endroits qui nous ont incités à venir en Birmanie : avant même que l’on ne connaisse quoique ce soit du pays, de sa (ou ses) cultures, de son climat politique… les images que l’on avait eu de la vieille ville de Bagan et des pêcheurs glissants sur la surface totalement plane du lac Inle faisait naître des étoiles dans nos yeux. Il y a plus de onze mois déjà, on ne voulait aller en Birmanie que pour ça.

Depuis on pense avoir un peu grandi dans notre tête, et on a découvert la Birmanie sous d’autres aspects qui n’ont pas à rougir de ces deux prestigieux sites touristiques.

Et quand on dit « touristique »…
Comme déjà dit plus tôt, le tourisme est en plein boom dans ce pays (croissance du nombre de touristes à deux chiffres), mais l’offre – notamment d’hébergement et de transport – confère un certain monopole à ceux déjà installés.
Aussi, quand on arrive à Bagan, on va taper à la porte des premières auberges… qui sont soit complètes, soit trop onéreuses, soit les deux… bon bon bon… finalement au bout du bout de la route, après peut être 1h30 de prospection, on arrive à trouver une chambre bruyante pour 20$, faute de mieux… On est fâchés, mais on changera d’auberge le lendemain.
Il fait nuit, on a faim yala !

aparte :
* En Birmanie, le mec qui a fait le tableau des horaires de bus a certainement dû quitter tôt l’école.
Les bus de nuit ont toujours la bonne idée de partir en milieu fin d’après-midi, pour arriver à destination… en milieu de nuit !
Et comme nous demandons toujours les chambres les moins chères, on a souvent le privilège pour 15$-20$ d’avoir des chambres :
– petites
– avec des murs en contreplaqué
– aux fenêtres isolantes peu ou pas (parfois aveugle) (parfois, il en manque un morceau)
– à deux mètres de la réception
(le choix n’est pas limité)
…et donc vers 3-4 heures du matin, les voyageurs arrivent, demandent si y’a des chambres, râlent des prix trop élevés, mais prennent tout de même les chambres, puis prennent des douches…et s’endorment.
… puis vers 6-7 heures du matin, les premiers voyageurs se réveillent pour aller découvrir les splendeurs birmanes, ou faire le check out, ou prendre le petit déj’…
Enfin voilà, les nuits sont courtes, mais on l’a bien intégré.

 

On s’obstine, on tient tant à visiter Bagan !DSCF3922 DSCF4291 DSCF4241 DSCF4213 Stitched Panorama DSCF4170 DSCF4169 Le site est énorme, 42 km² entre 3-4 villages (dont les habitants ont gentiment été sommés de déguerpir pour laisser plus de place aux hôtels et aux touristes) et au milieu…. Une IN-FI-NI-TE de temples/stupas/pagodes plus ou moins en ruines, avec plus ou moins de gens autour.
Parfois des étrangers, et surtout des pèlerins (enfin, c’est ainsi qu’on nommera les touristes locaux qui s’entassent dans les bennes des camionnettes et qui nous saluent tous le sourire aux lèvres).
Et nous comme tout le monde, on est en bicyclette, et on a parcouru de long en large tous les petites pistes, on s’est ensablés, on a traversés des champs, mais le site est si grand que malgré la promiscuité dans les auberges, on arrive à passer des heures sans croiser personne (si ce ne sont quelques chèvres, leur berger ou un chariot à bœufs). Et si certains grands temples sont plébiscités, pour la plupart, on se retrouve seuls avec le gardien d’un temple toujours accueillant et qui nous ouvre la grille avant de retourner à ses tâches domestiques dans sa hutte en palme tressée.IMG_7349 Stitched Panorama Stitched Panorama IMG_7326 DSCF4147 DSCF4138 IMG_7286 DSCF3910 DSCF3907 DSCF3905 DSCF38941 DSCF3882 DSCF4145 Stitched Panorama Stitched Panorama DSCF4206 Stitched Panorama

On passe à travers des hameaux, dans lesquels les gens n’ont pour seule richesse que leur vache. Les enfants cul-nus nous lance de grand mingalaba, et leur parents, de grands sourires (combien de fois avons/allons-nous utiliser ce mot plus que jamais caractéristique de ce pays ?!!)… Ils sont beaux les Birmans, ils sont beaux de partout.

Et puis quand on grimpe au sommet d’un temple, la magie du site se révèle à nous.
L’immense plaine bordée par le puissant fleuve Irrawady, quelques arbres, au loin les montagnes, et partout les pointes des temples dépassent plus ou moins. Ca émeut beaucoup beaucoup beaucoup (comme une autruche), et c’est encore mieux le dernier jour, quand le mauvais temps laisse place aux rayons du soleil, baignant cette atmosphère de bout du monde (si on regarde dans la bonne direction), on pourrait rester des heures à contempler ce paysage.IMG_7263 DSCF4113 DSCF4071 DSCF4045 DSCF4040 Stitched Panorama DSCF3977 DSCF4077 DSCF3972 DSCF3960 DSCF3947 DSCF3945 DSCF3939L’intérieur des temples n’est pas en reste. Si pour de nombreux, on se demande où part l’argent des subventions (UNESCO, UE… ou les 20$ only foreigners), certains ont encore de belles peintures.

Le patrimoine bouddhique à Dunhuang (Chine) était bien travaillé et conservé (1400 ans dans l’obscurité d’une grotte, ça aide), mais au mur se succèdent des épisodes de la ville du Bouddha, ou de grosses représentations dans différentes positions… les couleurs sont parties, ou se sont affadies, mais il en émane une grande piété.DSCF3998 DSCF3868 DSCF3872 DSCF3873 DSCF3878

Donc, 3 jours à biclou à sillonner la région, c’était beau – malgré le temps qui ne l’était pas toujours, et Marion resté alitée un jour… (régime qui suit à base de riz/banane/coca/immodium/smecta)

 

…mais notre séjour à Bagan reste mitigé.
On est dans un lieu attirant les touristes et au pied des certains temples, des paysans remisent leurs outils pour vendre des peintures, des fringues, des objets en laques… la plupart – notamment les adultes – sont corrects et peu insistants, donc pourquoi pas, après tout.
Mais les plus jeunes commencent à comprendre que Blanc = Dollars… et en deviennent maladroitement agressifs. Les petites filles de 4-5 ans ne connaissent de l’anglais que candy ou one thousand quand elles veulent nous vendre leurs gribouillis (pour info : 1000kyats = 1$ = 2 repas dans un buibui)… mais quel est le premier connard à leur avoir filé un bonbon quoi !?!

Sans conteste, les gens autour continuent de nous sourire, les ado’ dans la rue ne cessent de nous interpeller mingalaba mingalaba
Mais le fruit commence à se gâter. Ça nous a beaucoup déçu, affectés aussi.
Affectés car bien que nous pensions bien faire (du moins avoir un comportement plus responsables que certains), nous sommes tous les deux, que nous le voulions ou non, protagonistes. Nous sommes bien heureux de venir à l’autre bout du monde, et de rajouter une pierre à l’édification du tourisme en Birmanie (ou au Kirghizstan… pour citer des endroits plus reculés), mais on est en train de se poser pas mal de question sur notre responsabilité dans tout ça, et puis notre manière de voyager…

Pas très simple dans ce pays, il est difficile de se mêler aux locaux, de voyager comme eux, de manger avec eux…
Pour quitter Bagan (pour le lac Inle en l’occurrence), « il n’y a » qu’un bus (flambant neuf, climatisé…etc) dans lequel voyagent 95% de touristes qui y paient le prix fort…
Pas d’alternative ? Tout le monde nous dit que c’est la seule option. Pas de pick-up, pas de bus pourris pour les locaux ? et puis c’est fatigant de se battre ainsi à chercher un transport « normal » (moins cher certes… mais aussi plus proche des Birmans).
Donc voilà, pour la première fois depuis le début de notre voyage, on est dans une bus avec que des laowai, séparés de la plèbe birmane, à devoir s’arrêter au resto’ route à touristes où l’on paie 2-3 fois plus cher que partout ailleurs – et les locaux autour nous assure si si, c’est le prix normal, on paie pareil.
Il y a même des toilettes only tourists, les Birmans vont 50 mètres plus loin … mais on est pareil ? notre caca, c’est le même, on reste tous des êtres humains…
Pourquoi tient-on tant à nous séparer comme ça ? Pourquoi on ne veut pas nous montrer la vie des Birmans ? Y’a quelque chose qui cloche un peu dans ce pays.
Est-ce seulement pour des raisons financières ?
Cet isolement des étrangers fait un peu penser à Cuba, où il y a même deux marchés distincts (comme s’était le cas aussi ici il y a quelques décennies).
Ou peut-être à Harry Potter et le monde des moldus… On sait que « la porte » pour aller de l’autre côté est ici, sous nos yeux … mais on n’arrive pas à la prendre…

Allez, on se dirige vers le Lac Inle, lui aussi ultra touristique. On veut le voir, on est aussi là pour ça, on se blinde, on se prépare… !
Et puis, comme à Bagan, on espère en prendre plein les mirettes !

11 thoughts on “Bagan, ça autruche

  1. Je comprends votre ressenti les copains.
    Je pense que ce phénomène est plus guidé par ce que recherchent les touristes que par la volonté des birman à gérer le tourisme de la sorte.

    Je trouve votre manière de voyager vraiment top. Ca devrait être un exemple je trouve. Mais vous faites partie à mon avi d’une infime minorité de touristes. Les autres cherchant plutôt ce que le tourisme birman met en place. Résultat le tourisme explose.
    Pour moi vous n’êtes pas protagonistes du mode de fonctionnement du tourisme birman. Vous en êtes victimes.

    Sinon j’ai l’impression que Marion a les cheveux super longs.
    Tu ne les a pas coupé depuis le début de votre voyage?

  2. Vous vous posez trop de questions à mon avis, sur un sujet dont vous n’êtes pas responsables 😉
    Le lieu est magnifique et ce n’était qu’une question de temps qu’il attire un tourisme plus ou moins massif. Ensuite, la question c’est comment juguler le tourisme pour ne pas abîmer le site. Avoir des hôtels et des bus pour touristes est une solution pour encadrer tout ça. C’est une solution simple et rapide. Développer un tourisme « responsable » ça demande plus de réflexion et c’est plus dur à mettre en place pour un pays qui s’ouvre à peine à l’extérieur. Combien de temps a-t-on mis pour protéger nos grottes de Lascaux (un peu plus de 20 ans, merci wikipedia)? Après ce sera patrimoine vs promoteurs. Le combat est inégal mais pourquoi pas…

  3. heureux de vous revoir
    les doutes qui vous assaillent donneront à vos réflexions la profondeur nécessaire à la compréhension de votre vie future et pour ça, le contact de civilisations vierges et leur fragilité au contact de la corruption est un choc salutaire pour les chanceux que nous sommes, ici, du bon côté du manche
    ps planant bagan

  4. eh bin
    en voilà des sujets éco-responsables
    ou vais-je, dans quel état j’erre…tout ça

    si je comprends bien, l’issue à cette explosion touristico-consumériste (c’est claââsse ce mot…) ne se profile ni facilement ni plaisamment, pour les birmans, je veux dire
    je pense même qu’ils n’ont pas fini d’en chier, et pas dans des chiottes de touristes, donc

    par ailleurs, je ne comprends pas cette quantité énorme de temples, stupas….
    ils ne se rappelaient plus qu’ils en avait déjà fait un à côté…, ou bien c’est chacun pour soi et c’était pas pour les touristes qu’ils les construisaient

    enfin, bon
    la Birmanie, c’est quand même ouaaah !
    mais maintenant on sait mieux qu’il y a du pouaah avec !

    bon lac, bons poissons…bonne Inle, bonne Inde aussi
    évouzétoula

  5. Touristes (et tourisme) envahissants n’empêchent pas que Bagan a l’air magnifique. C’est bien que vous preniez le temps de vous interrogez sur votre façon de voyager mais ne vous flagellez pas non plus
    @ Brice : tu fais bien intello sur la photo en haut du poste 🙂

  6. Les voyages ouvrent les yeux…! vous en faites toujours plus l’expérience.
    Je pense à ce scientifique dont j’ai oublié le nom qui a expliqué qu’il est impossible de prendre la température dans un verre d’eau puisque le seul fait de plonger le thermomètre dans le verre en modifie la température ! C’est ça que vous vivez !

    Et malgré tout on reste subjugué par tant de beauté et avec l’envie plus forte d’aller voir de ses propres yeux : tellement joli le bouddha allongé sur le quel on a posé une belle couverture.

    Bisous

  7. Et oui voila, la realite c’est moche parfois. Si vous etes si malheureux, vous avez qu’a creer un truc de tourisme responsable/durable/local/integre/jesais pas quoi d’autre. Aller aller, on arrete de se plaindre et on se bouge les fesses. Trop belle les photos, j’ai trop envi d’y aller.

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