Cure de campagne et de riz collant

Ça y est. De petits frissons dans le bas du dos se font ressentir, les épaules commencent à s’échauffer. On s’étire, on se prépare.
En moins de temps qu’il n’en faut pour ranger la chambre, notre sac-à-dos est fait.
Nous partons pour quelques jours de vacances, profiter du Mékong et explorer le Nord-Est de l’Isan.

Un bol de nouilles sur une chaise en plastique à la Gare de Bangkok, nous attendons notre train de nuit sous un coucher de soleil enchanteur.IMG_20160726_182241 Stitched PanoramaPas d’assis-dur, ni de condition draconienne et rudimentaire pour nous cette fois, il n’y a qu’un train de nuit AC pour nous mener à Nong Khai.
Heureusement que nous avions prévu les chaussettes, les pulls et les foulards. Ça caille fort dans ces trains frigidaires.

Nous arrivons au petit matin, apostrophés par quelques chauffeurs de tuk-tuk souriants et peu insistants. Une navette sur laquelle est écrit « Laos » attend les voyageurs. Ce pays est juste en face, de l’autre côté du « pont de l’amitié ».

Nous rejoignons à pieds le centre-ville de Nong Khai qui se réveille à peine.
C’est paisible et le soleil du matin réchauffe nos corps encore engourdis.

En déambulant, on organise doucement notre journée, le planning de notre séjour n’est pas encore arrêté. Il y a en effet dans la région plus de sites que nous n’avons de temps pour les voir.
Et finalement, on se dirige vers la gare routière pour prendre un bus qui nous dépose quelques 180 km plus à l’Est, à Bueng Kan.
On a entendu parler d’un temple bouddhiste, juché sur un raide plateau qui se détache nettement du paysage.DSCF5293aIl a l’air difficile d’accès. Pas grave, on va louer une moto.
Mais c’était sans compter l’absence de loueur de motos, et le monopole des tuk-tuk qui en découle (à moins que ça ne soit le contraire ?).
Et pourtant, on a tout essayé : louer la moto de la mamie des nouilles pour l’après-midi, celle de la gérante du seul hôtel de la bourgade, celui des garagistes et du monsieur de l’auto-école.
Non, personne ne veut nous prêter sa moto. Même contre de l’argent.
Dommage… Nous devons nous rendre à l’évidence. C’est en tuk-tuk que nous allons devoir y aller, nous délestant ainsi d’un exorbitant montant.

On se dit que ça ira, c’est à 45km d’ici. Oui, mais en tuk-tuk, la vitesse max’ avoisine les 32km/h. Autant dire qu’on a bien eu le temps de voir le paysage.DSCF5280Mais quelle agréable surprise à l’arrivée dans ce site atypique.
Une fois les acouphènes passés, nous découvrons qu’il règne au temple un calme et un silence d’or. Le rocher monolithique est posé au milieu d’une large plaine du bassin du Mékong.
Suspendue à ses flancs, une frêle et étroite passerelle de bois en fait le tour sur plusieurs niveaux.Stitched Panorama Stitched Panorama Stitched Panorama Stitched PanoramaOn comprend assez vite que plutôt qu’une attraction touristique, le site est un lieu de pèlerinage.
Nous nous élançons le long des escaliers qui mènent à la structure de bois et nous nous engageons sur ce chemin de ronde, où çà et là, sont installées des cabanes d’ermite.
Tout autour, le paysage est incroyable. La vue est infinie et le vertige est aussi bien vertical qu’horizontal.Stitched Panorama Stitched Panorama Stitched PanoramaÀ perte de vue, les denses forêts d’hévéas s’étendent jusqu’à l’horizon.
Le paysage vert foncé est parfois nuancé des couleurs claires des plantations de bananiers et d’étangs épars dédiés à la pisciculture.
C’est ainsi que nous tournons. Doucement, fébrilement et avec soulagement lorsque la passerelle vient retrouver le plat du rocher. La structure semble pourtant solide, mais entre les planches de bois nous surplombons de 150 m le plancher des vaches, et nos muscles sont raidis par la peur.Stitched Panorama DSCF5403 DSCF5417 Stitched Panorama DSCF5427 DSCF5433 DSCF5447 Stitched Panorama DSCF5488 DSCF5465 Stitched Panorama DSCF5473 Stitched Panorama IMG_20160727_151205Nous déambulons au-dessus du vide. Entre le Ciel et la Terre.
Cette expérience est éprouvante et fascinante. On se laisse malgré nous, happer par la ferveur inhérente du lieu.
On apprend à apprécier l’équilibre précaire de cette promenade, à surmonter nos peurs et avancer sur ces lattes grinçantes croisant de rares pèlerins étonnés de nous rencontrer.

Au bout de deux heures, il est temps de redescendre sur Terre, le corps tétanisé.
Ah… la Terre ferme !
Notre tuk-tuk nous a attendus, c’est reparti pour le long chemin de retour.
On s’enfonce sous un bas plafond nuageux noir d’orage.
Les deux derniers kilomètres se font sous des trombes d’eau, le moteur de notre engin toussetant tant l’air est humide.
Non, les tuk-tuk n’ont pas de fenêtres, et le vent de face nous le rappelle bien.
C’est ainsi que littéralement trempés de la tête aux pieds, nous embarquons dans le minivan frigorifié, que nous attrapons de justesse sur le bord de la route inondée par le déluge qui s’abat sur la région.
Assis sur la banquette arrière, on se change, espérant ainsi ne pas attraper une pneumonie… mais ravis d’être au sec, en route pour Nong Khai.

Nous y avions récupéré le contact d’un loueur de moto. Ainsi, au réveil, après avoir avalé notre petit dej’ isano-lao « sticky rice + barbecue de poulet » sur le coin de l’étal d’une mamie, nous récupérons l’engin qui nous conduira les 4 prochains jours le long de la vallée du Mékong.

La route remonte le fleuve vers l’Ouest, et on aperçoit, sur la berge opposée à quelques centaines de mètres, les plaines du Laos. Les habitants des villages installés sur les rives vivent au rythme tranquille de ce fleuve majestueux.
Son débit est important et rapide, mais d’une constance placide. Une quiétude languissante émane de ses eaux boueuses.

On se ballade parmi les champs de cannes à sucre, d’ananas, de tapioca, et bien sûr les immenses tapis verts fluo des rizières. Stitched Panorama DSCF5582 IMG_20160728_150834 Stitched Panorama DSCF5551Nous sommes en pleine saison du repiquage du riz, les paysans travaillent les pieds dans l’eau, à l’ombre de leurs larges chapeaux de paille et de leur cagoule. On se fait une cure de campagne à passer par les petites routes.DSCF5659 DSCF5662 DSCF5695 Stitched Panorama DSCF5724 DSCF5835 DSCF5836 Stitched PanoramaDSCF5838Il fait bon vivre.
On profite du paysage, du calme, de cette vie simple et isolée.

Un stop dans la « capitale de la nouilles ». Ça, on ne peut pas le louper.
Ici, ce sont les rois de la pâte pour faire les nems qu’ils font sécher sur des plateaux en bambou.DSCF5502 DSCF5523 DSCF5507

En chemin, nous nous arrêtons pour voir quelques cascades et visiter un ou deux wat (mais on avoue, les temples bouddhistes, on sature un peu), avant de nous arrêter à SangKhon.DSCF5685 DSCF5764 DSCF5977 DSCF5973 DSCF5986 Nous y dénichons une petite cabane en bois et bambou toute simple, au bord du Mékong.

Le toit fleuri, quelques fleurs exotiques, des toke toke énormes pour nous tenir compagnie, nous posons notre sac dans ce havre de paix.Stitched PanoramaD’ici, nous pouvons observer les allers et venues des barques motorisées venant du Laos pour profiter du marché et des produits thaï.
Il n’y a pas de frontière, pas de contrôle.
Après tout, il n’y qu’une centaine de mètres qui nous séparent du Laos.

Il existe de rares lieux sur lesquels le temps n’a pas d’emprise. Ces trois-quatre bicoques décrépites les pieds dans l’eau, en font partie.
Les toits de feuilles tressées ont une relative étanchéité lorsque les orages vespéraux éclatent avec violence, la vigne vierge et les plantes rampantes envahissent le terrain.
Mais cet environnement unique n’a pas de prix.DSCF5594 Stitched PanoramaDSCF5824 DSCF5624 DSCF5628 IMG_20160728_180214aCe fleuve est charismatique, comme le sont le YangTse, le Nil ou l’Amazone, il en émane une présence, un magnétisme, une hypnose qui attire le voyageur.
Tout comme ces fleuves transcontinentaux, le Mékong offre de multiples visages.
Large et paisible plus en aval vers Pakse, embrassant la resplendissante Luang Prabang plus en amont, plus étroit et tumultueux alors que nous glissions sur son tortueux ruban entre Chine et Thaïlande, et, plus proche de sa source, creusant son chemin au fond de gorges encaissées dans l’aride paysage du Yunnan.

Sur les hauteurs, derrière le village, un wat surplombe la vallée. DSCF5773 DSCF5815La vue est incroyable. Le Mékong sculpte le paysage et sépare cette immense plaine en deux pays.

Notre chemin du retour nous mène au parc historique de Phu Phra Bat, où d’étranges formations géologiques cohabitent avec une dense forêt et quelques temples bouddhistes en ruines.DSCF5842 DSCF5843DSCF5871 DSCF5931 DSCF5873 DSCF5881 Stitched Panorama DSCF5901 DSCF5909 DSCF5914 Stitched PanoramaUne très bonne surprise qui nous permet de marcher dans la nature une bonne paire d’heure, tout en faisant le festin des moustiques.

Cette région est une belle découverte, et à califourchon sur notre destrier, c’est avec plaisir qu’on avale les kilomètres, nous nourrissant des sourires bienveillants des habitants de l’Isan et du sticky rice local que nous apprécions tant.DSCF5941 DSCF5943 DSCF5950 DSCF5959 DSCF5961 DSCF5962 DSCF5968 DSCF5995

Nous sommes bien évidemment seuls.
Ahhhh… on n’est pas bien là ?!

Le train pour Bangkok nous attend. En route!DSCF6001 DSCF6005 DSCF6015

 

8 thoughts on “Cure de campagne et de riz collant

  1. pff, c’est même pas du riz, c’est des ananas
    incroyable avec tous vos voyages de confondre ça, vous avez des lacunes, revoyez vos bases
    oui, c’est beau ce fleuve mékong, cette majesté, ce magnétisme comme vous dites
    et ce temple perché
    cette envie des hommes d’aller se mettre tout la haut, près du ciel, des étoiles
    c’est tellement « plus grand, plus haut, plus fort »
    bonnes bises

    ps, vous n’avez pas perdu votre envie de vous balader, ça se sent bien, elle est intacte

  2. Un plaisir de voir vos images, des souvenirs, et fabuleux de voir tout cela dans une autre saison.

    Et puis savoir que nous avons a quelques mois d’intervalles partagés le même toit.

    Bises les amis

  3. Coucou !

    Très sympathique ce post.
    Facile ces vacances pour les bourlingueurs, tuk-tuk et moto, on se boboïse un peu là non ? 😉

    La photo avec les feuilles d’ un vert profond en forme de coeur qui sorte de la pierre rouge sang est MAGNIFIQUE !
    Vous n’avez pas perdu la main pour les photos… et pas non plus pour la narration.

    Je note ce paragraphe qui m’a particulièrement plu :

    « Les habitants des villages installés sur les rives vivent au rythme tranquille de ce fleuve majestueux.
    Son débit est important et rapide, mais d’une constance placide. Une quiétude languissante émane de ses eaux boueuses. »

    Au top !

    Bise !

  4. La vue depuis le temple au début devait être impressionnante avec ces dédales de passerelles semblables à nos plus beaux échafaudages 🙂 Dans un sens, c’est heureux que vous n’ayez pas trouvé de moto, sinon vous auriez pris encore plus la flotte que dans le tuk-tuk 🙂
    Les habitants parlent de sticky rise ? Je me disais que ça avait un nom en Chinois ou Laotien (et en Français, on parle bien de riz gluant) ?

    1. Sticky rice c’est du riz collant: un bon pain de riz, souvent servi dans de très joli petit panier en osier, et dont tu fais des boules avec les doigts et qu’on utilise comme le pain… et donc parfois pour saucer!
      (Kao hniew en lao/thaï… à peu de choses prêt)

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