un vaste Hampi-re

Nous quittons la gare placide, en ces heures matinales, de Badami, direction Hosapete, à quelques 190km only.
Comme depuis le début de notre séjour au Karnataka, nous louons le service des bus rouges, et la qualité de conduites des chauffeurs. Nous ne savons pas s’ils sont vraiment meilleurs que dans les autres états de l’Inde, ou si nous sommes simplement plus détendus dans une région moins densement peuplée et donc, qui nous est plus confortable. La suite nous le dira.

Nous arrivons pour l’heure du déjeuner à Hosapete. Parfait pour nos estomacs qui se régalent d’une dosa et d’un énorme puri bien gonflé dans une cantine proche de la gare.

Notre première impression de cette ville est bonne. Pas de surpopulation, le trafic est raisonnable et pas abrutissant. On nous avait longtemps vanté le Sud du pays comme étant le meilleur de l’Inde sans tous ses désagréments, et pour l’instant nous ressentons que cela va dans le bon sens.
C’est ici que nous devons changer de bus pour rejoindre le village de Hampi.
Car malgré sa renommée, Hampi n’est qu’un petit village, posé au bord de la rivière Tungabhadra, et qui aujourd’hui ne vit que du tourisme.

POINT HISTOIRE
Hampi était, au XIVème siècle, la capitale du l’Empire de Vijayanagara (1336-1565).
À son apogée, il s’étendait dans tout le Deccan, de la mer d’Arabie au golfe du Bengale, occupant toute la partie Sud de l’Inde.
La ville était prospère (notamment dans la culture du coton et des épices).
Centre économique et administratif important sur tout le plateau du Deccan, elle favorise le développement d’activités artistiques et entretient une armée solide.
Probablement la ville plus riche de l’Inde et l’une des plus grandes cités du monde de l’époque, elle s’étendait sur plus de 4100ha. L’administration de Vijayanagara investissait dans les routes, les installations hydrauliques, l’agriculture, les bâtiments religieux et les infrastructures publiques, et attirait ainsi des commerçants persans et portugais.

Rempart méridional contre les invasions des Bahmani, puis des Sultanats du Deccan, le royaume se défend tant bien que mal durant près de deux siècles, avant d’être défait par une coalition des Sultanats lors de la bataille de Talikota en 1565. La ville fut mise à sac, puis abandonnée par ses habitants signant la fin du dernier empire hindou d’Inde du Sud.
Les ruines d’Hampi seront oubliées pendant plus de 300 ans, avant d’être redécouvertes par les archéologues et historiens du Raj britannique au XVIIIème siècle.

Hampi regorge ainsi de forts, temples, ensembles royaux et sacrés, sanctuaires, mandapa (salle à colonnes située entre l’entrée du temple et le saint des saints), marchés, monuments commémoratifs, passerelles, postes de contrôle, écuries, …
Le site est multiconfessionnel et cosmopolite. Les monuments hindous, musulmans et jaïns se trouvent côte à côte. L’architecture du royaume de Vijayanagara est une combinaison du styles architecturaux ayant existés pendant les siècles précédant le royaume : celui de la dynastie Chalukya (de Badami), de la dynastie Hoysala (de Hassan – un prochain article en parlera), de la dynastie Pandya et de la dynastie Chola.
On y trouve même des éléments d’architecture indo-islamique, alors que le royaume était en conflit avec les Sultanat musulmans.
Un mélange architectural riche, qui témoigne de la puissance du Royaume et des influences reçues du sous-continent et du monde Oriental.

Le bus emprunte une charmante route de campagne, sinuant à travers les cultures et quelques temples. Au loin, de larges et imposants cailloux en granit prennent une jolie teinte rosée en fin de journée.

Nous sommes déposés dans la minuscule gare de bus. Le site est certes touristique, mais la pression des premiers instants n’est pas aussi éprouvante que nous le redoutions.
Nous rejoignons le temple de Virupaksha-Pampa, principal temple vivant de Hampi, que nous contournons pour atteindre les berges de la rivière.
Car nous avons décidé d’aller nous installer dans le village de l’autre côté de la Tungabhadra.
D’après les renseignements que nous avons eus, l’endroit serait plus calme. Cela nous convient mieux.

Le niveau de la rivière est suffisamment bas, en cette période de l’année, pour que nous la traversions à pieds. Nous retirons nos chaussures, retroussons nos bas de pantalons, et nous élançons à tâtons, dans les eaux douces de la rivière, faisant attention de ne pas nous prendre les pieds dans les quelques sari et autres offrandes qui jonchent le fond du lit.
L’eau nous arrive tout de même au-dessus des genoux, mais ce bain de pieds nous rafraichit dans la torpeur de l’après-midi. Et nous atteignons la rive opposée en quelques minutes.

Organisé le long d’un axe principal, le village n’est aujourd’hui qu’une succession de guesthouses, shops, et restaurants, le tout habité par une large population de touristes, en majorité israéliens plus ou moins bruyants… On a retrouvé la trace du Houmous Trail

Passé la déconvenue, nous trouvons une auberge – un peu trop rapidement – dans laquelle nous posons nos affaires. Notre choix n’est pas le meilleur, on part se balader en quête d’un endroit un peu plus sympa pour les prochaines nuits, que nous trouvons en nous éloignant, à travers un joli chemin qui longe les rizières et les cocotiers, au pieds d’énormes rochers de granit.

C’est quand même beau cet endroit. Il y règne maintenant une atmosphère paisible. Et puis on ne peut s’empêcher de penser géologie et du pourquoi de la formation de ces cailloux arrondis.

Nous nous installons sur le dessus d’un de ces rochers, en silence.


Autour de nous, une mer de granit, les cultures vert fluo, les palmiers et le gopuram couleur crème du temple Virupaksha accompagné de la sempiternelle litanie des prières.
Les couleurs évoluent rapidement à mesure que le soleil s’enfonce à l’horizon.
Paisiblement, nous nous posons. Ce calme fait du bien. La douceur de l’environnement aussi.

Dans la sérénité de notre belvédère, nos yeux contemplent ces amoncellements minéraux de formes massives qui s’enchevêtrent et se superposent dans un fragile équilibre. Certaines semblent avoir été empilées, tel un cairn qu’un géant en balade aurait disposé pour retrouver son chemin, d’autres ont peut-être roulé les unes au-dessus des autres, alors que certains cailloux se sont fendus, brisés ou éclatés.
On dirait la côte de granit rose, mais sans la mer*…

Le lendemain, réveil de bonne heure. Après un petit-dej’ dans le seul buibui du coin, nous rejoignons notre nouvelle auberge, dans laquelle nous posons nos sacs pour les 4 prochains jours.
Installés autour d’un jardin à la pelouse rase et sous de hauts cocotiers bien alignés, quelques bungalows en pisé bordent le terrain.
Au centre, un chapiteau dans lequel il fait bon se poser, lire et bouquiner avec nos voisins. L’ambiance est tranquille. Les gens sympas. On se sent plus à l’aise.

Impatients d’aller voir ce qu’il se passe du côté du village de Hampi, nous partons nous balader, alors que le soleil chauffe déjà la pierre à nue.
Les temples s’enchainent, les ruines aussi. Nous prenons alors conscience de la grandeur du site et de la quantité non négligeable de monuments.Nous prenons de la hauteur sur le tertre jouxtant le grand temple et découvrons avec étonnement l’architecture robuste mais rustique faite d’empilement simples et précaires des pierres pour former les colonnes et les toits des édifices. Ici, comme souvent dans les constructions hindoues, pas d’arc-boutement pour affiner les architecture, faire rentrer la lumière, ou supporter de grande coupole ou dôme massif. Les colonnes et les fermes, si elles sont ouvragées, sont droites, et supportent des plafonds plats. Pas d’étages à supporter, au mieux, le sanctuaire est situé sur un piédestal.
Mais nous notons que les sculptures, elles aussi, paraissent grossières. Notamment pour une société postérieure à la construction des cathédrales gothiques monumentales et contemporaine de la Renaissance européenne. Car en effet, le royaume Vijayanagara n’est pas si ancien (XVème siècle).

Mais on comprend que la dureté du granit rendait la tâche difficile, empêchant la finesse du détail. Ainsi, pour combler ce défaut, les artistes recouvraient les surfaces d’un enduit, qui était ensuite peint de couleurs vives.
Aujourd’hui, seul le travail du granit a subsisté.

Depuis cette rocheuse colline, nous flânons, enjambant les quelques sillons creusés dans la pierre et contournant les retenues d’eau. Ici et là, quelques courageux arbres ont réussi à pousser dans l’aridité et la pauvreté du sol.

Nous sommes ravis de notre exploration, qui nous mène de temples en temples, à travers des forêts de colonnes plus ou moins ouvragées.
Et puis, midi approchant, nous sommes les seuls à nous balader sous la chaleur torride de ces champs de ruines n’offrant qu’une d’ombre négligeable.
Nous passons par le monument de Sasivekalu Ganesha, qui accueille en son centre un imposant monolithe de Ganesh, haut de plus de 2.5m.

Nous rejoignons les sanctuaires dédiés à Shiva (le linguam est lui aussi un monolithe) et à Narasimha (homme-lion – quatrième avatar de Vishnu) en position yoga. Cette dernière statue porte encore les traces du vandalisme qui fit suite à la bataille de Talikota.



Juste à côté se tiennent les restes d’un grand temple dédié à Krishna, où nos yeux s’arrêtent sur chaque pilier et bas-reliefs, tentant alors de reconnaitre un animal, une scène de danse, un arbre, un fruit, un mythe ou simplement un motif abstrait, floral ou géométrique.



Tout près du temple, les arcades des ruines d’un marché entourent un réservoir (pushkarani ou baori), ensemble architectural assez commun dans l’ancienne capitale.



Nous découvrons le temple Kadalekalu, un autre édifice dédié à Ganesh et qui abrite une énorme statue monolithe de 4.6m du dieu pachidomorphe entouré de colonnes richement décorées de scènes mythologiques, que de nombreux enfants, en sortie scolaire et studieusement accroupis en face de l’idole, viennent étudier.



Nous enchainons les kilomètres sous un soleil de plomb, contents de notre balade malgré la chaleur qui nous épuise. Après nous être rafraichis dans un ancien temple mettant en parallèle les clichés pris lors de la « redécouverte » du site et l’époque actuelle, nous gravissons une colline pour dominer puis rejoindre le temple d’Achyutaraya.


Afin de nous offrir une pause ombragée, nous nous posons dans le silence incroyable de ce complexe de temples isolés mais néanmoins en excellent état de conservation.
Il n’y a personne. Le jeune gardien s’improvise guide, le temps de nous pointer certaines sculptures immanquables, mandapa et gopuram décorés, le tout agrémenté d’informations historiques et religieuses. Il est content de tuer un peu de temps et d’améliorer son anglais, nous sommes ravis d’apprendre ce qui lui semble être des évidences.
Puis nous nous installons dans une coursive, profitant pleinement de la sérénité du lieu, des couleurs chaudes de la pierre, des écureuils qui chahutent dans cet infini terrain de jeux, et des bas-reliefs qui nous entourent.




Le moment est parfait pour un peu de repos et quelques croquis.

Nous prenons doucement le chemin du retour. Un temple ici et encore un autre-là.
Nos déambulations s’attardent près du temple Kodandarama dédié à Hanuman où les villageois des bourgades alentours viennent prier. Le cadre est sublimé, s’il en avait besoin, par les lumières de fin de journée. Ici, la rivière placide incurve une boucle aux eaux bleues au pied de ce qui ressemble à un énorme tas de cailloux.

Notre longue marche – nous ne comptions initialement que visiter le grand temple – se termine par un chai salvateur, baigné de ce soleil couleur or qui enveloppe le paysage de douceur réconfortante.

Cette première journée était incroyablement dense, et pourtant nous n’avons marché que 10km.

Et ce n’est pas fini.
Pour le lendemain, nous avons loué les services d’un guide et d’une paire de vélos, afin d’obtenir plus d’informations sur le patrimoine de la riche civilisation Vijayanagar.

Il est encore tôt alors que nous quittons notre chambre, prêts pour une nouvelle journée intense d’exploration archéologique.
Nous récupérons nos vélos peu après l’aube et retrouvons notre petit chariot buibui pour y avaler chai et dosa du matin. Puis nous nous élançons sur la piste, en direction du temple Vitthala, probablement le complexe le plus connu de Hampi.
Bien assis sur nos biclous, nous roulons à travers ce vaste territoire, où pullulent monuments en ruines, colonnes et temples, marchés couverts et bassins. Nous ne croisons que peu de monde si tôt le matin.
Les lumières matinales sont superbes, le granit devenant rose orangé intense.
Nous passons par le temple Hanuman de la veille, au-devant duquel quelques habitants lavent leur linge dans les eaux claires de la rivière.

Nous sommes sur un énorme morceau de roche, lisse, où quelques marches ont parfois été creusées dans ce dur matériau.
L’endroit est serein, le moment paisible.

Rapidement, nous arrivons au temple dédié à Vitthala (un avatar of Vishnu), où à notre plus grande joie, nous sommes presque seuls. Il règne ainsi une douce atmosphère, alors que nous prenons plaisir à découvrir ce magnifique lieu, extrêmement bien préservé (et restauré).
Au centre du complexe, un incroyable chariot en pierre, tombeau dédié à Garuda**, se dresse magistralement. Les sculptures et bas-reliefs habillent ce véhicule immobile, alors que les roues semblent en mouvement.



Tout autour, plusieurs mantapa attirent notre attention, tous décorés plus richement les uns que les autres.
Fleurs de lotus au plafond, guerriers, chevaux, représentations de Narasimha, cygnes et autres ornements floraux, chaque pilier, coin et recoin est superbement ornementé.





Le Ranga mantapa est connu pour ses 56 piliers musicaux. Chacune des colonnes produit une note distincte lorsque qu’on la frappe, rendant ce sanctuaire encore plus fascinant.

Chaque monument du complexe appelle à la contemplation. Nos yeux se promènent, on se raconte les histoires des sculptures, on s’arrête sur un danseur, une coiffure ou une fleur.
Un guide nous explique une des frises, pointant différents marchands et leurs chevaux, comme une preuve du cosmopolisme de Vijayanagar.

Nous quittons les lieux en direction le temple de Virupaksha-Pampa, où notre visite guidée commence.

Le temple, dédié à Virupaksha (autre forme de Shiva) et à Pampadevi (autre forme de Parvati) a été agrandi sous les dirigeants de Vijayanagar, en faisant un important et imposant sanctuaire et lieu de pèlerinage.
Shekhar notre guide, sympa au demeurant, nous explique l’histoire du Royaume, le rayonnement de la ville jusqu’à la destruction par « les Musulmans ».
Aïe, ça coince. On ne dit rien une première fois, une seconde fois, puis à la troisième fois, Brice lui demande de qui il parle précisément. « Les Musulmans » n’ont pas détruit Hampi. Un empereur ou une dynastie plutôt qu’une autre l’a saccagé, c’est certain. Mais pas « les Musulmans ».
Ces raccourcis sont dangereux, surtout à l’heure où un pays entier pointe du doigt une certaine communauté.

Nous poursuivons notre visite. Shekhar nous raconte le bâtiment, les symboles et pratiques religieuses. C’est un des rares temples vivant de Hampi. En effet, après la bataille de Talikota et la destruction de la ville par les Sultanats du Deccan, nombres de nandi, et représentations de dieux ont été vandalisés, entrainant de fait la désacralisation du temple***.
Un cloître à piliers, des portes d’entrée, des cours, des sanctuaires plus petits et d’autres structures entourent le temple principal, faisant de cet ensemble un lieu riche pour les pèlerins mais aussi les visiteurs que nous sommes.


Et il nous est agréable de parcourir ce temple hindou, un guide sous la main, afin de lui poser les dizaines de questions qui nous trottent dans la tête. Petit à petit, les informations rentrent. Doucement, l’hindouisme devient moins flou… mais quel vaste sujet.

Si les temples visités plus tôt – ceux de Vitthala, Virupaksha, Achyutaraya…- se situent dans la partie spirituelle d’Hampi, l’ancienne cité est localisée quelques kilomètres au Sud, ceinte d’épais remparts aux lourdes pierres grises admirablement ajustées.

Seulement quelques bâtiments ont résisté au vandalisme et au temps. On y retrouve notamment le palais du Lotus Mahal et les énormes écuries aux éléphants entourés de jardins verts.




Plutôt qu’un style architectural purement hindou, on retrouve une belle alliance des inspirations, caractéristique du style indo-islamique. Les arcades joufflues, des voûtes complexes supportant des dômes gonflés rappellent les architectures mogholes, mais le plan du palais construit en étoile, évoque les temples hindous.
Ce mélange de styles souligne l’harmonie qu’il existait dans la ville cosmopolite de Vijayanagara.

Nous passons par un très beau puskharani (nom donné au baori dans le Sud) à 4 étages, puis par le Mahanavami, le Palais de la Victoire, dont la structure en bois de cet énorme édifice a disparu.

Il ne reste aujourd’hui qu’une imposante plateforme de base carrée et de plusieurs dizaines de mètres de haut, autour de laquelle de fabuleux bas-reliefs racontent les activités royales, et représentent éléphants, chevaux et chameaux. On y voit aussi des musiciens et des danseurs, des couples, ou simplement des scènes de vie – non sans nous rappeler les ruines bien plus anciennes encore de Persopolis.
Ce vestige monumental impressionne déjà par son gabarit. Il est difficile de s’imaginer à quoi cette salle d’audience, ressemblait à l’époque.

Mais à vrai dire, il est presque 14h, il n’y a pas un arbre pour nous protéger des rayons zénithaux. Ainsi notre attention est diminuée et notre faim grandissante.
Heureusement, notre tour inclus un délicieux déjeuner, incluant dhal, chapati, chutney, biryani et riz, préparé par la femme de notre guide et que nous dégustons à l’ombre d’un parc dédié aux pique-niques des visiteurs.Cette pause fait du bien.

En pleine digestion, nous nous arrêtons rapidement aux bains de la Reine, avant de rentrer tranquillement, par les chemins de campagne, longeant les cultures de canne et avec les gros rochers de granit en toile de fond.


Nous sommes enchantés mais épuisés. 22km seulement, mais la tête bien remplie.

Notre séjour à Hampi se poursuit en douceur, en visite, en balade, en méditation et en écriture assidue du blog – dont nous ne parvenons à rattraper le retard. L’endroit est propice, les couleurs belles, le silence d’or.
Assis sur notre caillou, surplombant la plaine, nous nous installons, contemplant les grues les pieds plantés dans les rizières en eau.


Aujourd’hui, c’est jour de fête.
On retraverse la rivière, les pieds dans l’eau.En effet, c’est la célébration des fiançailles de Shiva et Parvati au temple Virupaksha-Pampa.
Évènement très important dans la vie du temple, ces festivités sont partagées par un grand nombre de pèlerins qui affluent de loin pour les puja.

Il y a beaucoup de monde à Hampi. Dans la rue principale, de nombreux stands de nourriture et souvenirs se sont installés, alors que les badauds campent sur le parking de la gare.
Le musique et les chants répétitifs du temple résonnent dans tout le village.
Le bazar reprend vie. Pour un temps, leurs ruines sont habitées du brouhaha des chalands et des marchands. Cela donne un parfum de l’effervescence qui demeurait dans la Vijayanagara de l’époque.

Nous pénétrons via l’imposant gopuram (ces « pièces montées » de statues de divinités, architecture typique des temple du Sud), et nous dirigeons vers Laxmi, l’éléphant sacré et fatigué, qui de sa trompe, bénit les fidèles lui faisant une offrande, qui se pressent, une banane – et quelques billets – tendus vers le pachyderme.

Pour l’occasion, Laxmi est décoré, mais il nous semble qu’il n’apprécie pas autant les festivités que le reste des participants.
L’esplanade du temple grouille de familles entières venues célébrer l’anniversaire de mariage du couple mythique.
Au sol, des centaines de petites bougies forment des motifs, et brûlent de cette huile grasse sur laquelle nos pieds nus évoluent. Des femmes, fessent en l’air dessinent des rangoli.
Des encens, des pétales de fleurs, de la noix de coco, des graines, chacun y va de ses offrandes et gestes rituels pour célébrer Shiva et Parvati.






Le temple est coloré, bruyant et festif. L’ambiance est spirituelle et heureuse. On sent la dévotion et l’importance de l’évènement.

Nous faisons le tour, et nous installons dans un coin, avant qu’une jeune fille ne vienne s’assoir à coté de Marion alors en train de croquer, et entame la conversation****. Sa famille et elle viennent tous les ans, et nous nous retrouvons à leurs côtés, partageant quelques photos autour d’une poignée de riz soufflé que ces parents offrent aux fervents les plus démunis.

Et puis nous quittons le temple, la foule est de plus en plus importante.






Nous passons par le réservoir puis par le marché où Marion se fait enfiler des bangles en verre, sous l’œil amusé des autres clientes. Un rêve se réalise, cela fait partie de ces échoppes où l’on n’osait pas entrer *****, et bien voilà, le hasard d’un sourire d’une marchande, et Marion se retrouve à genoux une douzaine de bangles au poignet, et la moitié d’autre brisés au sol******.



Un chai et des bananes plus tard, nous retraversons la rivière, les pieds dans l’eau fraiche, et rejoignons notre paisible auberge et les quelques copains de bungalows (dont un couple lisutano-australien rencontré à Pokhara) et une bande de trois potes voyageant en camion depuis la vallée de la Durance.Quelques jours de travail et de balades plus tard et notre séjour à Hampi prend fin.
Il était dense et intense, riche et sculpté.
Et c’est peut-être une des premières fois où nous prenons vraiment plaisir à voyager à travers l’hindouisme, et à accrocher notre regard sur ces dieux et pratiques complexes.
Mais il est temps de rejoindre Mysore et de préparer nos vacances. Parce que dans quelques jours, Cath’, la tante de Marion, nous rejoint pour les fêtes de fin d’année.

Un bus plus tard, une dosa dans le ventre et un autre bus, nous montons dans un train de nuit, direction Hassan quelques centaines de kilomètres plus au Sud.

‘* On comprendra plus tard que cette région était belle et bien au fond des océans avant la collision tectonique des plaques indienne et eurasienne.

** Garuda (du sanskrit signifiant « aigle ») est un homme-oiseau fabuleux de la mythologie hindoue puis bouddhiste.
C’est le véhicule (vahana) du dieu Vishnu. Il est aussi considéré comme le roi des oiseaux.
Garuda peut aussi être vu comme un aigle géant mythique, ennemi aérien naturel des nagas, serpents des eaux et de la terre. Mais Naga et Garuda sont en fait deux incarnations de Vishnu, les deux aspects de la substance divine, en qui ils se réconcilient.
On retrouve Garuda sur le drapeau thaï, comme symbole de la monarchie, ou comme emblème de l’Indonésie, sur les temples au Cambodge, les fresques au Tibet, ou en Mongolie – débordant donc du spectre hindou pour s’imposer dans le Bouddhisme comme défenseur des enseignement de Bouddha.

*** On a compris que le moindre bris sur une idole suffit à lui faire perdre son caractère sacré.

**** En Inde, il y a du monde, ce n’est pas nouveau. Et souvent, dès que nous nous arrêtons pour lire, pour un croquis, ou juste pour admirer une scène, nous nous retrouvons en moins d’une ou deux minutes avec de nombreuses paires d’yeux qui nous reluquent. Même si ici, dans le Sud, nous sommes beaucoup moins contraints aux selfies que dans le Nord.
Ce qui fait, il est vrai, que nous sommes souvent sur la défensive. Et cela ne nous plait pas non plus.
Bref, Marion trouve un coin d’où elle peut tranquillement commencer ses esquisses alors que Brice part faire un tour et prendre quelques clichés. Cette jeune fille et ses sœurs se callent derrière l’épaule de Marion pour jeter un coup d’œil au dessin en cours. Comme souvent, Marion referme alors son carnet, et entame la discussion afin d’aller au-delà de la simple curiosité « animale ».
Nous sommes ravis – tout autant que penauds – de découvrir que cette jeune fille est très gentille, tout comme ses parents… qui demanderont néanmoins de nombreux selfies, et à qui finalement, Marion prend le temps de partager ses croquis.
Tellement adorable qu’en partant, cette jeune fille revient discrètement, à l’abri du regard de ses parents, retirer la bague qu’elle a au doigt pour l’offrir généreusement à Marion.

Nous nous sentons cons d’être autant sur nos positions. C’est impossible de répondre à toutes les sollicitations, nous ne ferions que ça… mais notre garde nous fait passer à côté de nombreuses rencontres positives et enrichissantes. On a encore du boulot…

***** De la même manière, nous voyions souvent en Asie Centrale (ou même en Chine) des laveurs d’oreilles qui enfoncent leur auriculi d’acier ou de bambou dans les oreilles de leur patient confortablement installé sur un tabouret. Brice avait toujours eu peur pour ses tympans, mais dans le quartier laowai d’Hampi – de l’autre côté de la rivière, un artisan plus malin que les autres nous convainc de nous nettoyer les conduits auditifs. C’était super. On a beau avoir une bonne hygiène, 35 ans de crasse sont sortis du fond de nos oreilles, certains de nous avait même quelques cailloux.

****** On comprend que les bangles, ces bracelets de verre, s’ils existent en différentes tailles, sont dans tous les cas mis en place « pour durer ». Pas moyen de les retirer une fois enfilés, et c’est donc en force qu’ils sont glissés autour de la main, et se brisent souvent dans l’opération. Cela fait deux mois qu’ils sont en place et Marion en possède encore 9 parmi les 12 initiaux.

11 thoughts on “un vaste Hampi-re

  1. Un éléphant à vos côtés, du lavage d’oreilles par un inconnu… que de choses effrayantes

    Des écuries pour éléphants, ils rigolaient pas. Ca me rappelle Age of Empire où selon les dynasties que tu choisissais pour jouer, tu te retrouvais à affronter des éléphants avec tes soldats montés à cheval

  2. Dès que vous y retournez, je viens vous rejoindre. J’ai l’impression que je viens de voyager grâce à vos récits et photos mais maintenant j’ai trop envie d’aller plus loin

  3. Les bracelets c’est que pour les filles je suis certain? En fait votre tour à vélo c’était en groupe? Vous ne parlez pas des autres gens, ils étaient donc sans intérêt? Et la nourriture? Vous êtes dans le sud ça doit commencer à piquer un peu non?

    1. Trop de questions! Alors :
      – Seules les femmes portent des bangles, mais si tu veux en porter, tu peux toujours essayer de trouver une boutique qui aura des bracelets de plus grande taille. On t’en rapporte? 🙂
      – le tour était avec 6 ou 8 autres personnes, indiens et étrangers mélangés. Nous n’avons pas eu de grosses interactions, c’est pour ça qu’on n’en parle pas. Mais il y avait un russe installé en Inde puis 4ans, un américain en route pour le Pakistan, une hongroise en vacances, un indien voyageant à vélo depuis qques senaines, … Tous étaient sympa mais ça n’est pas allé plus loin que ça.
      – la nourriture est bonne, mais on n’est pas bien difficile de ce côté là. On ne trouve pas ça épicé, mais peut-être sommes nous habitués depuis le temps ! En revanche, les saveurs changent vraiment du Nord, et ça fait vraiment plaisir de les découvrir !

  4. Que dire, que tout est toujours étonnant et intéressant, et que nous en voulons encore …
    Mais bientôt, avec le retard des blogs, noël sera en mai !
    Bises chaleureuses à vous deux en remerciement !

  5. Incroyable tous ces rochers en granit ¡

    Il y a un coin à côté de Madrid, La Pedriza, avec des formations géologiques similaires. Je vous montrerai en Juin 😉

    Impressionnant tous ces temples. Que de colonnes, que d’ornements ¡! Et je ne sais pas si c’est moi, mais j’ai l’impression que le style est beaucoup plus “carré” en comparaison à ce que vous avez pu visiter en Inde. Est-ce aussi dû à la dureté du matériel, et donc aux techniques utilisées?

    Pauvre petit éléphant festif…vous l’avez libéré j’espère …

    Mais même pas en rêve il m’enfonce ce truc dans les oreilles ton pote 🙂
    Malgré cette petite frayeur sur cette dernière photo, ce poste est super agréable.

    Bisous

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