Un avant-goût du désert à JiaYuGuan.
Comme son nom l’indique évidemment, JiaYuGuan se situe à l’embouchure ouest du corridor du Gansu.
C’était une base arrière Chinoise et la dynastie Ming, vers 1370 y avait construit un fort et une des branches occidentales de la Grande Muraille de Chine.
Nous nous accrochons à cette Route de la Soie et imaginer cette forteresse se dresser au milieu de ces étendues immenses s’enfonçant vers le désert de Gobi nous attire grandement.
Pour ne pas connaitre la même déconvenue qu’au lac de Chaka, on se renseigne sur ce qu’est devenu ce site historique.
Cette fois-ci, nous abdiquerons. Les commentaires sur l’état de restauration du fort, les boutiques de souvenirs, les attractions, le musée sans traduction et avec des répliques d’objets plus ou moins bien reproduites, le ticket dispendieux, … La muraille ressemblerait à un mur fraichement plâtré, et l’amusement a, encore une fois, été privilégié sur le côté culturel.
Tant mieux pour nous, nous allons nous reposer, travailler le blog et nous balader dans le désert environnant.
Les plaines caillouteuses et arides s’enfoncent à l’infini. Des grosses masses montagneuses se dressent et on aperçoit au loin le tronçon de la Grande Muraille, serpentant le long des flancs, cols et brèches de la montagne.
On se balade ainsi quelques heures, attirés par ces grands espaces.
Ici et là, se dressent quelques tombes, surement liées à la présence des nomades de ces plaines.
La ville n’a pas grand intérêt, mais l’absence de grandes tours et de ponts autoroutiers fait du bien.
Les gens nous font bon accueil, les bâtiments sont bas, quelques étages seulement, les ruelles larges et presque calmes, et une immense halle couverte, attenante au marché, accueille des dizaines de petits restaurants de nouilles et brochettes – chichlek. C’est très vivant.
À défaut de pouvoir voir ce vieux fort pluri-centenaire, on pourra bien manger.
Nouilles torsadées, poivrons et tomates marinées, poivre et oignons, baozi de pommes de terre, flan de tofu, chichlek d’agneau et de bœuf, nous savourons cette nourriture si différente de celle du Sud de la Chine.
Voilà, ce n’est qu’une étape.
Douze heures de train de nuit en « couché-dur » plus tard, nous arrivons à Urumqi, capitale de la région autonome ouïghoure du Xinjiang – aussi appelé le Turkestan Oriental par les dissidents.
Le Xinjiang, textuellement la « nouvelle frontière », mériterait à lui seul un voyage de plusieurs semaines. Cette province grande comme 3 fois la France possède une histoire riche et une multitude de minorités (Hui, Kazakh, Mongol, Mandchou, Tadjik, Kirghiz, Xibe,…) dont la plus importante et connue, celle des Ouïghours.
Ces ethnies ont été au fur et à mesure assimilées par le rouleau compresseur Han.
(les Han n’étaient dans la région que 5% en 1950, ils sont désormais plus de 40% (46% pour les Ouïghours)).
Nous savions que cette région avait été fortement militarisée, policée, contrôlée depuis notre passage en octobre 2014, mais la réalité est triste à voir.
Dès notre sortie du train, un tri est fait pour passer les portiques de sécurité et scanner les papiers d’identité.
Parce que les Ouïghours ont des faciès plus proches des Turcs que des Chinois, ils sont facilement identifiables et c’est tout naturellement que les Chinois – probablement Han – passent tranquillement entre les mailles des contrôles, les Ouïghours quant à eux, sont systématiquement scannés/fouillés/photographiés.
Nous passons dans la troisième file, avec un contrôle approximatif d’un jeune militaire qui ne sait pas ce qu’il doit chercher, photographie le visa indien de Marion, la couverture du passeport de Brice et le tampon du Laos. Voila…
Dans le train de nuit déjà, nous avions eu le droit à un contrôle de nos passeports/visa.
Et les deux flics de passer 20 min, sans peur du ridicule, à rechercher le mot de passe de l’application « scanner les papiers des loawai ».
Passer ces premiers contrôles nous déposons nos affaires à l’hôtel (après avoir passé le portique de sécurité en bonne et due forme) et partons en direction du Musée Régional du Xinjiang, gratuit et en anglais. re-ouais !
La première partie de l’exposition se focalise sur les richesses préhistoriques et historiques de la région.
Momies du désert, sculptures en tout genre,…
Dans une seconde exposition, le musée souligne la richesse culturelle de la région, des nombreuses ethnies peuplant ses montagnes, ses steppes, ses déserts.
Une large collection de vêtements traditionnels sont exposés, ainsi que des outils et instruments de musique ou de la vie quotidienne.
Il est compliqué de rattacher ce pays à la Chine telle que nous la connaissons tant elle en est distante et différente.
Urumqi est plus proche de Bagdad que de BeiJing. Les Ouïghours ont une langue turcophone et est transcrite en alphabet arabe.
Les physiques, les comportements, les us, la culture ancestrale, l’empathie, la musique, la langue… Rien n’est commun avec la culture chinoise… pourtant la colonisation Han impose désormais ses lampions rouges, sa langue, et ses préceptes incohérents pour assoir sa domination (n’y aurait-il pas encore une histoire de ressources minières là-dessous ?).
Notre passage par Urumqi est de courte durée mais déjà nous ressentons une présence policière lourde et intensive.
Pour rejoindre la gare, nous prenons un DiDi.
Notre chauffeur est Ouïghour, et peut-être était-ce un simple contrôle aléatoire, mais il se fait contrôler à un carrefour deux minutes après que nous soyons partis, tout comme deux autres chauffeurs… qui n’ont pas la « bonne tête ».
En arrivant à l’énorme complexe de la gare flambant neuf, rebelotte : contrôle des documents de notre chauffeur… puis des nôtres, et de nos bagages*.
Nous remontons dans un train « couché-dur » pour vingt heures de trajet à travers les plaines désertiques du Xinjiang.
Ces étendues infinies sont stupéfiantes.
Il y a 4 ans, nous arrivions à Kashgar par la route du Kirghizstan. Nous étions tellement contents de revoir, si loin de la Turquie ces faciès aux traits fins, bruns aux yeux plus ou moins clairs.
Ces papys aux barbes blanches, ce marché de nuit et ces ruelles animées.
Aujourd’hui, tous les commerces sont verrouillés par des grilles.
Les ruelles de la vieille ville sont bloquées à la circulation – comme à Urumqi – perdant encore un peu plus de vie locale.
Les déplacements sont grandement entravés.
On ne peut marcher 50 mètres sans rencontrer des sentinelles policières, casquées, vêtues de gilet pare-balles et armées de pique. Des contrôles de documents se font à tous les carrefours de la ville, aussi les trop nombreux policiers zélés procèdent à des contrôles au faciès sur les scooters évoluant le long des avenues.
Que ce soit dans les passages souterrains, les accès aux galeries commerciales, aux gares… les Ouïghours doivent montrer patte blanche … partout de longues queues stigmatisent la population ouïghoure.
En parallèle, des files sont réservées aux « touristes » – de facto les Han – qui, encore ici, ne se font que peu importuner et n’y portent apparemment, que peu d’attention.
Cette discrimination rabaisse de surcroit les populations locales – pourtant encore en majorité ! – et le souvenir amère de notre expérience en Palestine nous revient alors.
Des milices citoyennes déambulent dans les rues armées de bâtons soudés de clous d’acier ou des longues battes de bois.
Cela rappelle les périodes honteuses qui ont traversées l’Europe des années 30.
Un apartheid consensuel, un racisme officialisé, où des ethnies se trouvent surveillées (leurs téléphones sont constamment sur écoute, les foyers sont investis parfois pour plusieurs jours par des inspecteurs du Parti qui surveillent que les bonnes paroles soient diffusées) et les plus récalcitrants à la culture du dominant sont envoyés dans les officieux camp de rééducation où ils subissent sévices et privations pour revenir dans le droit chemin.
Tout ceci au nez et à la barbe de la communauté internationale qui ferme les yeux sous peine de se mettre la Grande Chine Populaire à dos (les inspecteurs de l’ONU n’ont pas autorisation de visiter la région du Tibet comme celle du XinJiang).
Sauf que cette fois-ci, nombre de policiers et miliciens sont recrutés parmi les populations locales (les armes à feu demeurant néanmoins portées par des non Ouïghours).
On imagine la crise identitaire que cela va donner… ou la disparition de la culture ouïghoure.
Le marché de nuit, si coloré et vivant il y a encore 4 ans a reçu un lifting chinois, de beaux stands tous identiques, bien rangés, servent de grandes tablés de touristes. La variété des mets n’est plus ce qu’elle était et alors que l’effervescence dominait cette place désordonnée il y a encore 4 ans, aujourd’hui à minuit~une heure (heure de BeiJing) tout est rangé.
Le hasard de nos pérégrinations nous ramène aux abords de la vraie vieille partie de la ville, celle aux ruelles poussiéreuses et aux maisons en pisé et que nous avions pu visiter lors de notre séjour précèdent.
Les maisons étaient alors progressivement détruites à mesure qu’elles étaient abandonnées.
Cette fois ci, il nous est désormais interdit de pénétrer cette zone – déjà amplement entamée – avec comme promesse que la ville sera prochainement « rénovée ». On sait donc à quoi s’attendre.
Autre hasard encore une fois, nos balades nous font découvrir le mausolée de Apak Hoja (et 72 autres membres de sa famille) et les deux mosquées attenantes, le tout datant de 1640.
Coup de chance, le site n’est que classé AA ce qui signifie :
– que le billet d’entrée est peu onéreux
– que de lourdes « restaurations » n’ont pas été entreprises et que les faïences et peinture sont encore d’époque
– qu’il n’y aura pas de balade à dos de chameau
– et peu de touristes
La porte en céramique bleue ouvre sur la mosquée d’hiver, belle ouvrage rappelant une réduction du palais Kakh-e Chehel Sotun d’Ispahan avec ses nombreux poteaux en bois sculpté.
La mosquée d’hiver, si elle est dans un moins bon état, possède quant à elle des poteaux tous différents car chacun ouvragés par un artisan différent.
Et enfin le mausolée trône en face d’une esplanade de rosiers, dans un jardin empli de sérénité et du chant des oiseaux. Les céramiques bleues et blanches aux motifs variés sont de guingois, celles ornant les colonnes et la coupole sont en camaïeu de vert et de jaune.
Ce site est une bouffée de fraicheur pour nous, nous ne nous attendions pas à une telle quiétude.
Notre retour nous conduit à traverser le marché tumultueux, encore la chasse gardée des Ouïghours et à achever notre chaude balade par un rafraichissant yaourt glacé servi par un papy peu loquace, mais habile du pic à glace.
‘* Le couteau suisse – offert par Vincent – aura eu plus de chance de le précédent – offert par Matthieu – qui n’avait pas réussi le test du rayon X.
Mais aujourd’hui, il est midi et la fille qui contrôle le tapis à faim et se gratte l’œil !
‘** Mais que sont ces deux bâtiments, ultra sécurisés, avec deux ranges des fils barbelés, et des barreaux au fenêtres ?
Sont-ce des prisons ?
Et non ! Une crèche et une école primaire !
Pas réjouissant tout ça ,mais c’est bien que des bourlingueurs montrent la réalité et la triste évolution de certain pays
Bises
🙁
Mais belles mosquées
Même moi je ressens une tristesse et une banalité quant à la ville
et pourtant c’est de plus en plus oriental, mais la chine « lave tout »
les personnages de la vignette me font penser à ceux d’asterix et obélix qui élaborent la recette du pudding à l’arsenic !
Les Ouïghours pourraient en effet être considérés comme les irréductibles Gaulois de l’Empire chinois
Glop: les chaussures de retour vers le futur de Brice. Pas Glop: le reste
Coucou les jeunes !
Bonjour l’ascenseur émotionnel au debut… On va visiter uan fort perdu au milieu du désert…à bas en fait non 🙂 limite kpoulade !
Sinon Urumqi je crois que j’ai trop envie d’y aller.
Tristes humains.
Mais la mosquée d’hiver est magnifique. Ca me rappelle l’Ouzbékistan aussi.
Un abrazo