Bain de boue

Le SiChuan nous a réservé bien des surprises. Tout le monde vante la diversité culturelle et paysagère du YunNan, mais le SiChuan n’est pas en reste.
Quand on pense qu’il y a peu de temps, nous étions encore sur les hauts plateaux tibétains…
Aujourd’hui, les plantations et parcelles agricoles occupent le paysage. Les rizières sont en eaux, les jeunes pousses sortent de terre sur des terrains géométriquement dessinés.
On se dit qu’ici, les paysans qui travaillent les pieds nus dans la boue, doivent vivre en autonomie, chacun cultive un peu de tout, du riz, du chou, des salades, et autres cultures extensives.

Mais en quittant LuoBiao, nous entrons également dans le GuiZhou. Nous avons décidé de nous arrêter à ChiShui, une petite bourgade (de 300 000 habitants), située sur la rivière éponyme bordant le SiChuan.
Au terme d’une longue journée de stop (3 voitures, un camion et une demi-douzaine de personnes nous empêchant de rester au bord de la route, et expliquant en chinois qu’il faut prendre un bus, ou que ça n’est pas comme ça qu’il faut faire, ou même ayant appelé un taxi pour nous), nous arrivons, fiers de nous, à ChiShui. Nous sommes épuisés.DSCF9455

La ville est tranquille et bénéficie d’une rive aménagée sur la rivière, et de quelques « salons de thé en terrasse ». C’est un point de chute idéal pour aller se balader dans les environs.DSCF9458 DSCF9460La région regorge de cascades, de roches rouges sculptées par l’eau et l’érosion, de grandes forêts de bambous et de fougères.

Le soir de notre arrivée, il pleut des trombes. Ça faisait vraiment longtemps qu’on n’avait pas eu autant de pluie.
Mais au réveil, nous découvrons un beau ciel bleu, dégagé de tout nuage ou brume. Juste bleu.
Nous partons en direction des danxia, une formation géologique de roches rouges et de cascades.Stitched PanoramaC’est parmi les nombreux sites des alentours celui qui nous tente le plus.
À la gare, la moitié du bus nous fait globalement comprendre dans une cacophonie incompréhensive que nous ne pouvons y aller, que c’est fermé, que quelque chose est fermé, et qu’on devrait plutôt aller « là-bas » parce que c’est bien « là-bas »*.
On essaye de discuter, mais les Ting Bu Dong (je ne comprends pas) fusent. De notre côté comme du leur. Il comprend pas. Tu comprends ? Comprend pas …

On finit par s’agacer, parce qu’on se dit que s’ils ont « arrêté l’exploitation du site », ça veut dire qu’ils sont en train de construire un immense parking payant, avec des nouvelles guitounes à souvenirs, des mamies qui vendent des trucs et un ticket cher (pire : qu’ils montent un télésiège horrible pour gravir les quelques centaines de mètres !). Mais bon, on est têtus, on se dit que les fainéants de touristes Chinois veulent pas marcher en dehors des clous (et des sentiers bétonnés), mais qu’après tout, nous pouvons marcher un ou deux kilomètres ou escalader une barrière pour voir ce truc, d’autant qu’il parait que c’est vraiment sympa.
Bref, après 10min, nous réussissons à rester dans le bus, malgré la pression des autres passagers.
Après tout, un site naturel, ça ne disparait pas du jour au lendemain.
Le bus démarre, c’est parti.

Nous sommes finalement déposés à 6km de l’entrée, parce que la route est en travaux.
Pas de problème, on peut marcher.
Bon, ce qu’on n’avait pas prévu, c’est qu’avec le déluge de la veille, la route en travaux est presque impraticable à pied.DSCF96101 Stitched PanoramaDe la boue à n’en plus finir.
Une épaisse et lourde couche de terre rouge, mélangée à de l’eau. Beaucoup d’eau.
Ça coule sur les côtés, et quand on croit que la couche est sèche et que notre pied s’enfonce de 10cm dans cette vase, on regrette de ne pas avoir de bottes en caoutchouc.

On marche sur les côtés, lorsque les cailloux nous le permettent. On s’enlise et on s’embourbe. On tape des pieds pour retrouver de l’adhérence. On marche sur le muret fraichement fini. On salut les travailleurs, qui sont dans cet enfer boueux toute la journée. On s’arrête pour regarder les quelques motos qui tentent le passage, les roues à moitié enfoncées. On admire les tractopelles qui ne redoutent absolument pas ce coulis marron clair.
On se dit qu’on a peut-être fait une connerie, que ça fait long à marcher dans ces conditions, et puis, il fait beau… très beau, et donc très chaud – ah, les Français, cette race entêtée et jamais satisfaite.

Après 1h30 de marche – et l’aide d’un pick-up qui, s’il roulait au pas, nous a permis de ne pas nous soucier d’où nous mettions les pieds, nous arrivons à un petit village (il y’a des gens qui doivent subir cette enfer pour rejoindre leur habitation ?) anciennement tranquille et dont on est en train de doublé la capacité d’accueil en y construisant une énorme barre de béton.
Quelques centaines de mètres plus en amont de la rivière, nous arrivons à l’entrée du parc.
Naturellement le guichet est fermé, mais les portes grandes ouvertes.
Super, on ne sera pas dérangés.
Le chemin s’enfonce dans une luxuriante forêt. Stitched Panorama Stitched Panorama DSCF3097 Stitched Panorama DSCF3107 DSCF9492 DSCF9508 Stitched Panorama DSCF9516 Stitched PanoramaLes pierres qui le jonchent sont recouvertes de mousse, très glissante**, de feuilles et de plantes, trop contentes de s’épanouir dans cet environnement riche en humidité.
Nous grimpons le long des très nombreuses cascades qui jalonnent le sentier. Le flux brumise l’atmosphère de légères gouttes fraîches. C’est très vert ici. Nous sommes seuls et la balade nous donne l’impression d’être immergés dans la nature, et lorsque nous arrivons au sommet du chemin et longeons le flanc de la montagne, nous sommes parmi les cultures en terrasse, les rizières, la campagne.Stitched Panorama Stitched PanoramaL’histoire dit que certaines de ces plantes dateraient de l’ère jurassique, d’où la présence évidente de dinosaures dans le parc. Ahhhh… c’est donc pour ça…DSCF9465Alors que nous sommes entourés des bambous et autres fougères, un immense bloc rocheux se dresse devant nous. C’est donc ça les danxia. Ces roches aux strates multicolores qui s’allongent et se creusent.Stitched PanoramaDSCF3154 Stitched PanoramaUne fine cascade coule de son sommet. La végétation y est verte et contraste merveilleusement bien avec ce camaïeu de rouge. L’endroit est paisible. Nous profitons de cette étonnante sculpture, accompagnée du bruissement de l’eau.

Après 3h de balade, l’idée de devoir se refaire le parcours du combattant-de-la-boue-de-la-mort nous enchante qu’à moitié.
Mais après tout, on était prévenus. DSCF3179 DSCF9618 DSCF3184 Stitched PanoramaLes gens du bus nous avait dit ce matin « la route est mauvaise »… Nous sommes bien heureux d’être raccompagnés en auto pour la moitié du trajet.

Dimanche matin.
Au réveil, il pleut de nouveau des cordes, retour à la normalité.
Nous nous accordons un vrai jour de repos. Grasse mat’, skype et blog, et organisation de la suite du voyage.
Un bol de nouilles, quelques fruits, un aller-retour au supermarché, nous sommes reposés et prêts à repartir, direction le Sud, toujours.

On parvient, le lendemain, à se faire déposer à l’entrée de l’autoroute qui rejoint GuiYang la capitale.
Et coup de chance, on trouve aussi un gros 4×4 qui fait l’aller-retour dans la journée.
Le trajet se fait beaucoup plus rapidement qu’escompté, il faut dire que l’autoroute fraichement construite évolue à plus de 300 mètres au-dessus de la vallée, tout en tunnels et viaducs, nous laissant voir un paysage magnifique. Et malgré l’une des passagère sujette au mal des transports (très vite le flanc droit sera moucheté), nous arrivons beaucoup plus tôt que prévu à GuiYang.
Nous comptions faire étape dans cette ville – dites – lambda.
Déposés au bord de l’autoroute, la gare n’est pas si loin.DSCF9635 DSCF9639 Nous avons alors le temps de rejoindre notre destination… d’un coup de TGV !
Ahhhh la Chine qui grandit à toute allure est définitivement la championne des trains à grande vitesse. Comme chez nous, cela se fait au profit des trains lents qui disparaissent mais pour le même prix qu’un « couché dur » de 8~10 heures, on peut parcourir les quelques centaines de kilomètres en moins de deux heures, en assis-mou !
Le luxe pour nous.
D’autant que les gares des lignes à grande vitesse sont dignes d’aéroports calmes et propres, nous sommes loin des halls bruyants et humides.DSCF9644DSCF97091Un s’installe dans notre grosse limace blanche (propre : il y a même du savon dans les toilettes !) et on n’a même pas le temps de s’endormir, de bouquiner ou de faire quoique ce soit que nous sommes déjà arrivés. DSCF9650 DSCF9663 DSCF9666 DSCF9674 DSCF9688 S0069703 Les ¾ du voyage se font en tunnel, dommage, le paysage qui file à 250 à l’heure avait l’air joli !
‘* Les gens, ici, n’ont pas la même façon qu’en Occident de réfléchir dans les choix de la vie quotidienne.
Nous voulons acheter ce t-shirt bleu, il est joli, il nous plait. Mais on ne le trouve pas en taille M.
Le vendeur va dans un premier temps rechercher dans le rayon s’il n’y a vraiment pas de M, puis va soit proposer un autre t-shirt bleu en M, ou avec une autre motif, ou même totalement pas du tout le même t-shirt… Après tout, c’est un T-Shirt.
C’est un peu la même chose dans cette situation : « Tu voulais aller voir un site touristique. Tu ne peux pas aller voir A. Et bien va voir B, il est totalement différent, mais bon… ça reste un site touristique non ? »

** On arrive au limite d’adhérence de nos baskets, ce n’est pas la boue, la pierre polie, la glace ou la neige qui est la surface la plus glissante, mais bel et bien la mousse, une fine mousse de moins d’un millimètre d’épaisseur, à peine visible mais à la capacité de glissement incroyable. Un brevet qu’on va déposer.

8 thoughts on “Bain de boue

  1. cela se fait au profit des trains lents qui disparaissent!!! Vous vouliez certainement dire au détriment n’est-ce pas? Sinon rassurez nous, dans le train à grande vitesse, on peut quand même cracher?

  2. Qu’est ce que vous êtes entêtés.
    Mais vous avez raison. Vous êtes parvenus à votre fin et de mon smartphone je trouve que l’effort en valait bien le résultat. C’est beau!

  3. Vous avez eu raison de faire les parisiens relous, le site est super beau !
    Ahahah bricksman, je reconnais bien ton sourire de loutre (Martin…Luther…King…)

  4. Bien joués les baroudeurs. Parfois, ça paie d’être têtus. Vous n’avez pas embarqué de la terre rouge pour faire une poterie ? Je suis sûr que c’est dans les cordes de Marion.

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