Comme à la MeiZhou

Et c’est parti pour notre dernier voyage en assis-dur !
6 heures durant.DSCF0758On se dit que si notre séant s’est habitué à ces conditions de voyage en train relativement peu confortables (« relatives » car bien meilleures qu’en Inde ou Birmanie pour le coup), on s’est aussi fait à ces interminables voyages, regardant le paysage, les passagers nous regardant, les aller-retour des contrôleurs et des vendeurs ambulants de chinoiseries.
Car les trains lents ont également l’intérêt de proposer une activité distrayante : la vente de kit de couture, de coupe-ongles ou de rasoirs électriques-étanches-qui-fait-lampe-torche.
Parce que oui, dans le train, pendant une vingtaine de minutes et à plusieurs reprises, les contrôleurs se transforment en vendeurs de Télé-Matin.
Blagues et longs discours, tout le monde est amusé et écoute les informations qualitatives de tel ou tel produit, avant de repartir avec son lot de 15 brosses à dents.

Nous arrivons ainsi tranquillement, en fin d’après-midi, dans la charmante ville de ChaoZhou (ville jumelée avec… le XIIIème arrondissement de Paris pour l’anecdote !).
Nous trouvons logis dans un hôtel bui-bui comme on les aime… juste pour une nuit (tongs impératives aux pieds sur la moquette antédiluvienne), avant d’avoir demandé 5 fois au préalable, si les loawai peuvent rester ici, ce que le patron nous confirme 5 fois. Parfait.

Les touristes viennent principalement y contempler les fortifications de la ville, le pont flottant antique, bien que « retouché »* et se délecter des boulettes de bœuf locales.Stitched Panorama DSCF0785 DSCF0794 DSCF0804 Stitched Panorama DSCF0809Mais nous déambulons aussi dans les ruelles du centre-ville, entre petites échoppes pleines de vie, un frais jus de canne à sucre aux lèvres, boazi toutes chaudes dissimulées sous un panache de vapeur, vieille pharmacie de médecine traditionnelle aux multiples pots et boutiques de vêtements bariolés.DSCF0812 DSCF0816 DSCF0821 DSCF0826 DSCF0830 DSCF0839 DSCF0844 DSCF0866 Stitched PanoramaLes maisons sont basses et en début de soirée, chacun profite d’un repas en famille, assis sur le devant du magasin. La télé est allumée, les badauds (nous) saluent au passage, les portes restent ouvertes.

Le lendemain, nous quittons cette paisible ville pour le village de SanRao, chez les Hakka (Kejia en langue Han), une ethnie Han fière de sa culture qui a essaimé en de nombreux points d’Asie.
C’est pour voir ces campagnes que nous sommes venus dans la région, nous échappant un temps de la tumultueuse GuangZhou.
Ces maisons, les tulou, sont des maisons collectives. Stitched PanoramaEt on découvre que cette mise en commun des forces et des outils, ainsi que le flou qui existe dans la limite familiale qu’entraine la vie en communauté en Chine, ne date pas seulement des soixante dernières années de communisme, mais est le résultat d’une longue pratique de vie en collectivité chinoise.
Pour simplifier la vie en fédérant les efforts, mais aussi pour se protéger des agressions de la nature ou des bandits. C’est pourquoi ces maisons fortes, si massives, présentent peu d’ouverture sur l’extérieur.
On en trouve dans les plaines du Sud-Est chinois, sur une bande s’allongeant du GuangDong oriental au FuJian septentrional.
Le tulou de SanRao est particulier. C’est le dernier de forme hexagonale. Cela lui donne un air d’arène dans laquelle la vie se déroule sous les yeux des voisins.  DSCF0948 Stitched Panorama Stitched Panorama Stitched Panorama Dans la cours centrale, on retrouve théoriquement le lieu de socialisation.
Un grand espace qui accueille le temple en son centre et un ou deux puits permettant aux habitants d’être autonome en eau en cas de siège.
Derrière les épais murs d’argile, les habitations en bois construites sur plusieurs étages sont en périphérie, chaque famille ayant un secteur avec sa cuisine, et une ou deux chambres.Stitched PanoramaDSCF1011

La porte, commune à deux maisons, s’ouvre sur un plus petit patio, de fait, triangulaire, qui se sépare en deux. Le toit est ajouré pour récupérer l’eau de pluie.DSCF1061DSCF0907À l’étage, les petites fenêtres donnent sur une longue coursive, qui relie chaque maison entre-elles.
Les planches de bois sont patinées, les portes encadrées de lourdes pierres, les affiches rouges contrastent de leur vive couleur avec le bois sombre, les tuiles anthracites et vertes de mousse donnent le rythme. Stitched PanoramaL’ensemble est harmonieux et quiet.

Aujourd’hui, sur les 600 personnes que peut normalement accueillir cette imposante bâtisse, seule une petite centaine persiste, profitant et souffrant (peut-être ?) de cette proximité imposée.
Chacun vaque à ses occupations parmi les poules qui s’y baladent, les enfants qui jouent et certaines mamies occupées à trier et équeuter les haricots ou étendre le linge.
Au sein de cet enclos, la vie semble ralentie.Stitched Panorama

Pour partir de SanRao, les possibilités sont multiples et un peu compliquées. Nous optons donc pour le stop.
Nous sommes chanceux. Nos conducteurs ont le temps et sont ravis de nous faire visiter la région. DSCF1082Ainsi, nous nous arrêtons régulièrement en cours de route pour aller visiter ces fabuleuses maisons collectives pas touristiques pour un sou. Personne ne s’arrête jamais ici pour passer la tête à travers la massive porte.Stitched Panorama Celles d’ici sont construites en U. On les appelle d’ailleurs les maisons en fer à cheval.
Le schéma est presque identique au précédent.
Ces hauts et épais murs d’enceinte encerclent véritablement ces phalanstères chinois.
À l’intérieur, la bâtisse est partitionnée en multiples espaces d’habitation.
On trouve ainsi des pièces de vie, comme le salon, la salle à manger ou même la salle d’eau, et de petites pièces privatives comme les chambres et les cuisines de chacun.
Quelle étonnante structure !Stitched PanoramaPetite pause photo, ah et tiens, on peut aller visiter ça aussi. Et là, tu veux prendre une photo ?

Enfin, nous arrivons à MeiZhou, notre destination, à bord d’une seconde voiture-stop dont le chauffeur, trop sympa, tient absolument à nous inviter à manger. Vous aimez la nourriture du SiChuan ? Et de voir nos têtes réjouies, nous finissons dans un super resto’, d’autant que les plats relevés nous manquent un peu.
Et nous n’avons pas été déçus, nous nous sommes régalés d’un poisson-bec de canard (鸭嘴鱼-yahuiyu) à la chair super tendre (on apprendra plus tard que cette espèce est en voie d’extinction… euh…).
Mais le top dans tout ça, c’est la préparation.DSCF1133Au fond d’un gros fait-tout en bois, de brûlants cailloux sont déposés.
Le poisson, fraichement coupé (il y a des aquariums dans l’arrière-boutique), est déposé sur les cailloux qui le saisissent instantanément. On y ajoute immédiatement le bouillon de légumes, de gingembre, et d’épices en tout genre**. Et en quelques secondes, le poisson est cuit, à point.
C’est hyper bon.
On ajoute bien sûr, les beignets et autres délicatesses que notre hôte veut nous faire goûter, et nous repartons repus, avant d’être déposés dans un hôtel pour les prochains jours.

MeiZhou est en plein pays Hakka. La ville nouvelle n’a que peu d’intérêt comme c’est souvent le cas en Chine où tout se modernise et s’uniformise très rapidement.DSCF1125 DSCF1407 DSCF1126Les vieilles rues se font donc de plus en plus rares. Stitched Panorama Stitched Panorama DSCF1448On déniche pourtant de belles maisons dont celle de HuangZunXiang, inconnu pour nous, mais plébiscité par les locaux pour être le précurseur de la poésie chinoise moderne. En tous cas, il avait une bien jolie maison.DSCF1356 DSCF1340 DSCF3358 DSCF1360 DSCF1368 DSCF3360

Et puis en s’éloignant un peu, la campagne verte se dévoile à nouveau.
Et parmi les rizières, ces bâtisses atypiques.
Si quelques villages sont un peu touristiques, nous réalisons que ces habitations font parties intégrantes de la culture Hakka, et donc du paysage. Et nous demeurerons les seuls à arpenter les chemins traversant les champs.DSCF1220 DSCF1137DSCF1139 Stitched Panorama Stitched Panorama Stitched PanoramaIci, nous sommes en présence de weilongwu 围龙屋, les maisons en fer à cheval (ou des « dragons au pied de la colline »), en plus ou moins bons états.Stitched PanoramaLa plupart d’entre elles sont astucieusement disposées au pied de colinette, utilisant ainsi la déclivité pour permettre un écoulement naturel, et toutes ont, sur le devant, un bassin dédié, on l’imagine, à la pisciculture.Stitched PanoramaDSCF3352Nous poussons la porte de nombres d’entre elles, qui ont l’air abandonnées. La mousse a repris ses droits, les canards et poules du coin s’y sont installés. Les anciens locataires ont parfois construits une nouvelle maison, plus commode.
Mais encore une fois, on retrouve une multitude de petites pièces en périphérie, alors qu’au centre se tiennent le temple et les pièces à vivre. Le partage, c’est fini et nombre de ces habitations semblent menées à disparaître.DSCF1244 Stitched Panorama DSCF1296 Stitched Panorama DSCF1262 DSCF1265 DSCF1268 Stitched Panorama

Notre séjour au vert nous fait du bien, nous profitons d’un temps magnifique avant de retourner dans la jungle urbaine de la métropole cantonaise.Stitched Panorama

Retourner à Canton ?
Mais vous y étiez déjà la semaine passée ?

Surprise !

‘* Astucieux ce pont.
Constitué partiellement d’embarcations arrimées les unes aux autres en temps normal, le pont s’escamote et autorise le trafic aux bateaux.

‘** La cuisine asiatique et chinoise en particulier est pléthorique, et aux antipodes de celle que nous consommons dans nos pays.
L’une des particularités souvent retrouvée est l’usage de piment et d’épices pour relever les plats.
En Chine (notamment dans le SiChuan et ChongQing), il y a deux mots pour décrire la sensation épicée. On dit málà, 辣 est la sensation de feu (l’« épicé » que l’on connait), tandis que 麻 est une sensation assez spéciale de picotement puisqu’elle engourdi le palais et anesthésie la langue. Cet effet est donné par le poivre de SiChuan.

9 thoughts on “Comme à la MeiZhou

  1. Pluieures questions et reflexion suite a ce post:
    Il manqué quand meme un bout au pont, meme avec vos explications, j’appel pas ca un pont.
    C’est maison collectives c’est un peu comme chez nous avec vous
    Vous connaissez pas HuangZunXiang, la honte.
    Ils font du rugby dans la region?
    Tres beau et long post. Jolies photos.

  2. J’adore vos jeux de mots dans les titres des articles 🙂
    Ces maisons sont fabuleuses et je regrette de n’avoir pas eu l’opportunite de les voir lorsque j;habitais en Chine (mais bon, on ne peut pas tout faire et tout voir non plus, hein!).
    Magnifiques photos, comme d’hab.

  3. c’est supra-stylé vos tulou !!

    Et je suis d’accord avec Sev concernant vos titres marrants. Est-ce qu’on pourrait avoir une compile des meilleurs jeux de mots ? Par exemple, les 10 titres que vous avez trouvés le plus drôle à partager avec nous.

  4. Comme vous passez beaucoup de temps à manger,un livre de recettes serait pas mal
    Et bien sûr des repas à votre retour si……

  5. 2e titre d’affilée de haut-niveau !
    Je veux quand même défendre un peu mon XIIIe arrondissement natal: dans des restaus reculés du quartier, on trouve quand même de la « vraie » bouffe chinoise, où il n’y a pas de nems, pas de porc au caramel, pas de blancs et des serveurs parlant à peine français pas aimables pour un sou 😉 Et chez mon viet’ préféré, j’ai quand même vu un mec démonter un moteur sur une table du restau, au milieu des clients. La vraie vie !
    Bises

  6. Très sympa le post.
    Vous avez même utilisé le mot « phalanstère » !!!!
    J’ai quand dû faire appel à Wikipédia…
    Qu’ils sont cultivés ces Bourlingueurs 🙂

    1. C’est vrai que j’oubliais qu’on a une FAN de Napoléon dans la famille… Elle doit bien connaître les phalanstère 😉

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