Mort sur le Gange

Départ de Siliguri à l’extrême orient du sous-continent indien, on fait un saut vers l’Ouest, en plein pays Hindi. Entre les deux, il y avait bien la région du Bihar. Mais tous les Indiens rencontrés, nous ont déconseillés d’y passer : « ouhhhh y’a rien à y voir », « c’est dangereux », « c’est pauvre et la surpopulation n’arrange rien », « il y a des pirates » … et le summum : « Bihar ? do not go there, it is Hell ». Bon, donc sur ces bon conseils, on fait un bon de plus 700 bornes jusqu’à Varanasi.
DSCF3817La première étape, et pas des moindre, et de sortir de la gare en évitant les 30 chauffeurs d’autorickshaw, qui nous harcèlent. Et ça, si c’est pas l’enfer, ça doit être le purgatoire.

On essaye de ne pas s’énerver, ce qui n’est pas facile… et on arrive, tant bien que mal à rejoindre les ruelles agitées de la vieille ville (il n’est pourtant pas encore 8 heures du mat’).
DSCF4460 DSCF4387Varanasi est construite le long des rives du Gange. Enfin, première surprise… sur l’UNE des deux rives, car l’autre est complètement déserte.
DSCF3832Seconde surprise… c’est calme.
Certe, les rues de la ville nouvelle sont agitées, chaotiques…indiennes.
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Mais dans le méandre de ruelles de la vieille ville on retrouve l’activité des petites échoppes et du quotidien des habitants.
DSCF4363 Stitched Panorama DSCF3899 DSCF3825 DSCF4365DSCF3928 DSCF3922 IMG_8224 DSCF3952 DSCF3992 DSCF4017 DSCF4026 DSCF3945 DSCF4033 DSCF4050 DSCF3985 DSCF4038 DSCF4389 DSCF3834Et sur la rive, une réelle quiétude demeure, religieusement interrompue par les cérémonies quotidiennes de puja (des danses avec des cobras en feu) et les quelques cris des enfants qui barbotent dans l’eau du fleuve.
DSCF4084 DSCF4091 DSCF4075Sinon, pas de tumulte, aucun véhicule (les bateaux sont pour la plupart à rames) – et on arrivera à faire abstraction des motos.
L’atmosphère paisible est soulignée par la douce sérénité du fleuve (à cette saison). Aucune vague ni aucun courant ne semblent agiter ses eaux.
Il y fait très chaud aussi. Passées les 10 heures du matin, mieux vaut fuir les ghat (nom donné aux différents quais), pour déambuler dans les ruelles, les temples et n’y revenir qu’après 16 heures.
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Le long des quais, la vie s’est installée.
Au pied des magnifiques palais construits par les maharaja ou de riches familles, la ville se réveille tôt.
DSCF4195Les habitants descendent les raides escaliers donnant sur les berges pour faire leur toilette. Savon, paréo pour les femmes et slips de bain pour les hommes, chacun procède à son rituel matinal.
DSCF4112 DSCF4121 DSCF4118 DSCF4119DSCF4128 DSCF4111 DSCF4158 DSCF4167 DSCF4136 Stitched Panorama IMG_8250 DSCF4227 DSCF4249 DSCF4330 Stitched Panorama DSCF4353 DSCF4451Les ablutions font parties du moment. Et hop, 3 fois la tête dans l’eau. Certains en boivent même une gorgée… Beurk…
Mark Twain disait du Gange :
« Aucun microbe qui se respecte ne saurait vivre dans une eau pareille. »

Parce que oui, l’eau du Gange est polluée. Et pas qu’un peu. Rejets chimiques, industriels, domestiques, cendres des cadavres jetées dans le fleuve, et ceux partiellement incinérés, excréments, etc… Bref, on a lu que le taux de bactéries serait 3000 fois supérieur au taux limite accepté par l’OMS… mais les Hindus n’en démordent pas : l’eau du Gange est pure, c’est comme ça !
Nous, on fera l’impasse sur le bain de minuit.
Même si franchement, on ne se rend pas vraiment compte qu’elle est si dégeu’ cette eau…

On passe des heures à errer sur les ghat à observer ces morceaux de vies. A l’heure des premiers rayons de soleil, les lavandiers frottent le linge, les pieds dans l’eau… du Gange. Alors oui, ils utilisent du savon… mais l’eau là… elle n’est pas vraiment propre…
Taies d’oreillers et serviettes de bain des hôtels, pantalons et longs sari… Tout ça est posé par terre, sur les murs et sur de longs fils tendus.
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A côté, quelques buffles prennent leurs bains, brossés et savonnés eux aussi.
DSCF4397 DSCF4410Puis à mesure que le soleil s’élève, et passée la première vague de pèlerins venue à l’aube, les jeunes et moins jeunes viennent se rafraichir.
Sortis des rues aux échoppes « à touristes », les vendeurs de pâtisseries côtoient ceux des bracelets. Tandis que ceux qui préparent le lassi (sorte de yaourt, servi lui aussi, dans un bolinette en terre) discutent avec les tailleurs et vendeurs de sari parfois devant une vache et son veau.

Les vaches, il y en a partout. Plus encore que dans les autres les villes indiennes. Enfin, d’autant plus que les ruelles sont si étroites qu’elles prennent parfois toute la largeur, obstruant la circulation des personnes, des chariots à bras et des vélos. Mais on ne peut y toucher, elles sont sacrées. Elles sont donc simplement klaxonnées, à de nombreuses reprises.
DSCF4418 DSCF3982 Stitched PanoramaLe reste du temps, on profite de la terrasse de l’auberge pour observer la vie du Gange. On se perd dans les ruelles étroites et colorées de la vieille ville. On évite les bouses de vaches qui les parsèment et on s’arrête pour grignoter un samosa. Le thé est servi dans des bolinettes en terre cuite, qu’on balance à la poubelle dans un bruit de casse.
Du coup, on croise également les vendeurs de bolinettes !

Les berges de Vanarasi semblent être figées dans le temps, les vieillards, les marchands, les vaches, les ruelles… la vie devait être la même il y a cent ans, et le front de rivière inchangé depuis des siècles voit toujours les mêmes rites et traditions se dérouler.
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Varanasi est fondamentalement empreinte de religion, de sacré.
C’est, pour nous, l’occasion de se plonger dans l’hindouisme.
Essayer de comprendre le flot de pèlerins qui viennent ici, au plus proche des eaux du Gange. Certaines femmes se rasent la tête alors que nombre d’entre eux rapportent de l’eau dans des bidons. Tout le monde se baigne, certains se noient (…vu en direct lors de notre séjour…), d’autres jouent et tous se prennent en photos (avec ou sans nous).
Essayer de comprendre le mode de vie de ces sadhu, tout habillés d’orange, longues barbes et le corps recouvert de cendre et de peinture.
Essayer de comprendre Brahma, Krishna, Vishnu, Shiva, et tous les autres.IMG_8240Et c’est pas simple !

Les Hindous de toute l’Inde viennent ici effectuer leur dernier voyage. Mourir à Varanasi, c’est mettre un terme à l’infernal circuit sans fin des réincarnations. C’est être libéré pour ne pas se réincarner en l’une des 840 000 espèces vivantes… C’est un grand mouroir.
Sur les berges, deux endroits sont privilégiés pour les crémations. Jours et nuits, à toute heure, des préposés à la mort, drapés de blancs, portent des sortes de civières en bambous, sur lesquels repose le corps du défunt, recouvert d’un drap satiné, et coloré. Un dernier plongeon dans le Gange (dernière purification), et le corps est déposé sur le bûcher. Les membres de la famille en font 5 fois le tour (il n’y a pas de femmes, elles sont trop sensibles nous dit-on) tandis que l’un d’eux part se raser le crâne – ne conservant qu’une petite houppette – pour revenir avec dans sa main des brindilles et une braise du « feu de Shiva » (qui brûlerait non stop depuis 3500 ans soit dit en passant). Il peut enfin allumer le brasier…
DSCF4335 On apprend tout un tas de caractéristiques techniques : il faut 3h pour brûler un corps, le bois coûte 100Rs le kilo (voire plus si c’est du bois de Santal), il en faut environ 350kg, il faut également acheter des encens, des huiles qui sentent bon etc…

Bref, au bout des 3h, la famille récupère des cendres et les dispersent dans le Gange.
Enfin, sont exemptés de l’incinération publique, les sadhu (les vieux sages), les enfants, les lépreux, les femmes enceintes, ceux mordus par un cobra et les vaches (!!). Ils sont en effet considérés comme étant déjà purs.
Leurs corps sont donc tout naturellement attachés à un caillou et coulés directement dans la rivière.
Pour ceux qui n’ont pas assez de sous pour acheter le bois nécessaire à la crémation, un édifice macabre s’est échoué sur la berge et possède un four électrique, c’est moins ésotérique, mais c’est comme ça.

Bon, ça n’est pas hyper sympa mais ça nous a beaucoup questionnés. C’est déroutant ce rapport à la mort.
Sur les quais, les badauds sont installés. C’est comme si on allait boire un café en terrasse. Ni plus ni moins.
Devant ces bûchers enflammés (parfois 5 ou 6 corps brûlent en parallèle), les pieds grillent, les crânes apparaissent sous leur linceul calciné, et les gens discutent… et personne ne pleure (même pas Marion).
DSCF4625 Finalement, le corps n’étant qu’une enveloppe et l’âme étant déjà « ailleurs », pas besoin d’en faire tout un plat !
Croire à la réincarnation a peut-être du bon…

Pour profiter des eaux du Gange et avoir plus de recul sur le fabuleux patrimoine bâti sur ses rives, on embarque sur le bateau de Mahindra pour 2h de balade.
DSCF4202 DSCF4213 DSCF4218 DSCF4232 DSCF4245 DSCF4254 DSCF4272 DSCF4247 DSCF4240 Stitched Panorama DSCF4291 DSCF4306 DSCF4322DSCF4310 DSCF5748 DSCF4326 DSCF4315 DSCF4353 Et comme on papote bien, qu’il est sympa (et qu’il sent qu’on a un bon karma !), il nous invite chez lui.
On découvre la modeste mini maison d’un batelier, sa femme et ses trois enfants. On prend du temps et on savoure le bon repas qui nous est offert.
Il nous dévoile des photos de sa famille, son frère au Japon, sa sœur malade…
Sa femme dessine au henné sur le bras de Marion pendant que Brice et Mahindra font la sieste devant Pokemon en Hindi.
Stitched Panorama DSCF4582 DSCF4616 DSCF4623Bref, un dimanche en famille. Très simple, très spontané, très chouette.

On quitte les ruelles de Varanasi en direction de la gare. On s’était tellement préparé à souffrir du monde, de la mendicité, des vaches et du trop plein touristique qu’on est agréablement surpris de l’ambiance qui règne ici. Alors oui, on nous demande parfois des sous ou à manger. Et oui, on nous demande 300 fois si on a besoin d’un rickshaw… et il faut dire que nous ne sommes restés que dans la vieille ville.
Néanmoins, à part ça (et quelques autres trucs), on quitte l’intemporelle Bénares avec une très bonne impression.

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Note 1: Les occidentaux en quête de spiritualité, les guru yogi ou les vieux sadhu dormants sur les quais ont tous en commun une longue barbe qu’ils ne coupent jamais… Dans la rue, Brice se fera parfois interpeller par le respectueux et affectueux « baba » … un guru croisé au détour d’une rue lui lancera même un « make it grow more ». La classe !

Note 2- Dans la ville, de nombreux chiens errent…
On a l’impression qu’ils ont tous la lèpre tellement ils sont moches… à moins qu’ils ne soient baignés dans le Gange…

17 thoughts on “Mort sur le Gange

  1. Je crois que je l’ai déjà dit, mais elles sont belles vos photos!
    Sympa le sponsoring des bateaux bleus par Bank of India et des rouges par Vodafone 😉

  2. J’allais dire que y’avait beaucoup de photos sur ce post et pas une de vous mais la balade en barque sur le Gange m’a fait mentir 🙂 vous avez bonne mine et ça fait plaisir

    1. Indeed! If you sent your comment at 4:00 in the morning it means you were captivated by our blog: thanks dost!
      We did not try bhaang this time, after our Tezpur experience we will wait for a while! 🙂

  3. « des danses avec des cobras en feu »….. pardon? Je suis le seul que ca derange de lire cette phrase? Une expliquation ou une photo peut etre?
    Ou alors un croquis au moins, parce que il faut dire ce qui est, tes croquis ils sont ouf Rionma.
    Sinon, le Gange est le seul endroit au monde ou la bacterie du Cholera existe en permanence.

  4. coucou, on sent bien que le Gange prend toute la place, même dans le post
    c’est assez curieux cette ville posée sur une seule rive et rien sur celle d’en face
    c’est sans doute parce qu’il faudrait un pont pour y aller…
    et comme sur tous les ponts, on verrait des rickshaws, des vaches sacrées, des jeteurs de cadavres lestés, autant le faire dans traverser, en restant avec les autres

    ah oui, tiens celle-là: il n’y pas de poissons à pêcher, sauf le sandre…hi hi
    allez, continuez à choper de belles photos mais pas de maladies…

    bonnes bises
    évouzétoulà

    1. Ba si, si tu dois te réincarner c’est que tu n’as pas atteint le niveau correct de conscience et que tu as pas réussit à te détacher des choses de se bas monde. Se réincarner c’est avoir rater sa vie en gros, puisque tu n’as pas accès au Nirvâna et que tu reste dans l’enfer de la vie terrestre. Et quand on connaît les villes indiennes on comprend bien la citation : l’enfer c’est les autres…

  5. c’est quoi cette histoire de danse de cobra en feu ???
    et dis donc tes croquis sont MAGNIFIQUES !!!!!!
    et je suis tellement heureuse pour vous que vous rencontriez des personnes si charmantes ! vous le méritez ! ENJOY

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