Sur la Lune, ça pue et ça fume

C’est épuisés de notre aventure que nous arrivons à Bengkulu. Les heures de molek, le manque d’information, le doute, l’inconfort et le non-anglais font que cette quête de l’or était finalement assez fatigante. Mais malgré tout« que c’était génial ! »

Du coup, notre séjour à Bengkulu sera vierge de motivation et rempli d’une immense flemmardise. On ne fera RIEN.
Enfin, rien, rien… Blog, tri des 3000 photos, vidéo du molek, problème administratif en France à régler à distance tant bien que mal, lessive et films.
Nous sortons pour nous nourrir, d’un délicieux pece lele, d’un jus d’avocat, d’un copieux nasi padang ou d’une glace au KFC pour bénéficier d’un peu de wifi quand l’électricité vient à manquer le soir de l’envoi de l’article sur Kerinci.
On va dire qu’on a rien fait. Mais on ne s’est pas non plus trop bien reposés.
C’est surtout ici que nous achevons notre séjour à Sumatra. Nous embarquons le troisième jour dans un bus AC a priori très confortable (et tant mieux !) pour 30 heures de voyage, afin de rejoindre l’île de Java, et la ville de Bandung plus précisément.
Nous nous sommes interrogés longuement sur le fait de nous arrêter ou non à Jakarta, mais tout le monde nous dit que cette ville est incroyablement trop grande, trop peuplée, trop bruyante, trop.
Et après ce qu’on vient de vivre, on n’a pas envie de « trop ».

C’est ainsi que dans notre bus, bien installés, nous roulons vers l’extrémité orientale de cette immense île. Le paysage défile, on repense à notre périple ici, à Sumatra, remplis de belles rencontres, et de moments intenses.DSCF5777 DSCF5779 DSCF5794 S0055801

Le bus, lui ne s’arrête jamais. Enfin, on n’a pas compris son timing. Ainsi, nous nous arrêtons pour manger à 15h, mais comme nous avions faim, tous nos biscuits étaient déjà ingurgités, faisant de cette pause repas un « raté ».
Et puis, après, c’est à 3h de matin, que nous nous arrêterons pour dîner. Trop tard ou trop tôt, on ne sait plus trop. Mais trop fatigués, c’est sûr.
On s’est bien arrêté 90 bonnes minutes au milieu de nulle part à la tombée de la nuit… mais pour réparer la fixation rompue du bras de suspension de notre bus pourtant tout neuf… en vain, cela fera « clang clang clang » tout le reste du voyage.
Bref, ce bus était confort, mais pas tellement non plus.

On arrive à l’aube au bout du bout de Sumatra.
L’embarquement sur le ferry pour rejoindre Java se fait sans encombre, et nous passons 2h sur le bateau, un peu déboussolés et claqués. Et nostalgiques des moments qu’on vient de passer. S0065802 DSCF5821 DSCF5833 DSCF5836L’eau est limpide. On aperçoit au loin la côte javanaise. Malheureusement, le temps est brumeux, et les nuages dans le détroit de la Sonde ce matin-là nous empêchent de voir l’effrayant volcan Krakatoa*.

Le ferry tarde à entrer au port. Il y a du monde qui fait la queue il faut dire. Nous réalisons doucement que nous venons de quitter une île peu peuplée pour arriver sur celle-ci, hyper peuplée. Des usines sont installées sur les côtes, on entend le pin pon des sirènes au loin, le  tak tak tak d’un chantier, le béton et les échangeurs sont omniprésent sur cette partie plate de l’île… et le vert de la jungle a disparu.
Bienvenu à Java, une autre île, un autre monde !

Un petit déj’ (ou un déjeuner, on ne sait pas trop) vers 11h, on traverse le « trop » JakartaDSCF5841 et nous poursuivons notre route à vive allure (« clang clang clang ») sur les 2 fois 3 voies javanaises en direction de Bandung, pour une arrivée prévue à 16h.DSCF5852 Enfin. Il était temps.

Bandung est la première grosse ville indonésienne dans laquelle nous nous arrêtons. Il y a du monde partout. Les minibus ou angkot sont compliqués à prendre (et à comprendre). On se fait aider par deux jeunes, qui finalement se trompent et nous nous faisons déposés au mauvais endroit.
Après deux bonnes heures de transport, de marche, de prospections vaines d’hôtel bon marché, nous déposons nos affaires dans une auberge, dont la chambre dispose d’une salle de bain et et et… d’eau chaude !!!
Depuis le départ de Singapour – ou avant ça de Jocelyne – nous n’avions pas expérimenté ce confort.

Le centre de Bandung regorge de petits quartiers plutôt sympas, de venelles labyrinthiques et aux locaux affables. Il est même agréable de s’y balader grâce à l’ingénieuse adjonction de trottoirs bordant la chaussée. DSCF5854 DSCF4664 DSCF4666 DSCF5868 DSCF5870 DSCF5875 DSCF5876 DSCF5879Pas de conférence pour nous, mais on redécouvre aussi les supermarchés, et les gens ont un regard moins soutenus sur deux bule en-bourlingue.
Nous rencontrons cependant quelques badauds qui essayent de discuter avec nous.

Aparte.
Cela commence souvent par les mêmes questions, parfois même avant un facultatif hello, ce qui donne :

  • Where do you come from ?
  • Prancis (France).
  • Ah Zinedine Zidane ! Thierry Henry! Karim Benzema ! muslim ! good !
    (à croire que la coupe du monde 98 est la dernière en date)

  • Are you muslim ?
    On répond non, christian. C’est plus simple et ça évite d’autres questions.

  • Are you married ?
    On répond oui. C’est plus simple et ça évite d’autres questions.

  • Do you have children ?

  • Belum (pas encore).
    …et là, ils ne comprennent pas, et demandent si Marion prend la contraception, ou si nous avons consulté un médecin pour parler de ce problème…

Et ça c’est au moins une fois par jour !
Fin de l’aparte.

Mais il faut dire que nous passerons encore beaucoup de temps sur l’ordi avec une internet cahin-caha, à tenter de donner des directions à notre séjour à Java, gérer un petit pépin de santé (rien de grave) dans une super clinique et écrire encore de longues heures pour le blog (un énorme article sur une course à l’or)…
pfff… on a du mal à prendre le rythme…

Finalement, on se bouge les fesses pour rejoindre la ville de Garut, à 3h de bus (bien pourri, bien chaud, bien serrés, bien lent) pour voir le volcan Papandayan.
Nous sommes logés chez Latifah et sa fille Zaira, avec qui nous passerons du bon temps.
Elle est prof’ d’anglais à l’école primaire, enceinte jusqu’aux dents et ravie de nous avoir avec elle. Zaira nous a adoptés et nous papotons bien. Elle en indonésien, nous en français.
Et puis le beau-frère de Latifah, Randi, nous accompagne au volcan avec ses copains (un peu nunuch’**) dans leur voiture tunée qui n’avance pas malgré la pot-d-échappement-séctomie qu’elle a subie.

Papandayan est encore très actif. Stitched PanoramaLa dernière grosse éruption remonte à 2004. Elle avait nécessité le déplacement des habitants de la vallée, et sa coulée de lave avait alors détruit une grosse partie de la forêt.
Aujourd’hui, le site fume toujours. Ça sent le soufre, très fort. La roche est jaune, beige, rose et blanche.DSCF4678 DSCF5937 DSCF6092 DSCF4852 DSCF4681DSCF4849À plusieurs endroits, des cheminées laissent échapper une épaisse fumée blanche qui se mêle aux nuages présents dans le ciel.
L’odeur puissante d’œuf pourri est omniprésente et monte à la tête à la limite de l’acceptable.

Nous commençons notre ascension, Randi et ses deux potes, et nous. Pause photo et contemplation de ce paysage.
Il n’y a personne. C’est calme et magique.DSCF5941 DSCF5948Stitched Panorama DSCF5952Notre marche est poussiéreuse, et pentue. Mais nous arrivons sur un plateau, où poussent des edelweiss. Les plantes sont hautes et fleuries. Ça sent bon. DSCF5961 DSCF5967Nous nous faufilons à travers, suivant un léger sentier avant d’arriver dans ce cimetière aux silhouettes brunes d’arbres calcinés.

Ici, c’est le désert, ou la Lune. On ne sait plus.
Un sol blanc et jaune, l’odeur nauséabonde du soufre et des arbres morts partout.
Ces derniers rendent le lieu étonnement paisible.
DSCF6015 DSCF5987 DSCF4753 DSCF6040 DSCF4735 DSCF5980 DSCF4733DSCF6072 DSCF4738 DSCF5990 DSCF6045 DSCF5983 DSCF4744 DSCF4747 DSCF5995 DSCF4765 DSCF6021 DSCF4805Une extrême puissance émane toutefois de ce paysage. C’est comme si on avait passé un coup de gomme. On efface et on recommence.

Parce que plus bas, quelques arbres ont repoussé. Doucement.
En aujourd’hui encore, le volcan fume toujours.
Et nous observons ce monstre terrestre respirer.DSCF4852 Stitched PanoramaOn le redescend avec des pensées plein la tête, des images plein les yeux… et du soufre plein le nez.

Le lendemain, on fait notre sac et on se carapate, on a une longue route à faire.
On devrait pourtant s’y habituer, on se fait surprendre à chaque fois : les horaires des bus, les départs des bus, la gare de bus, le temps de trajet du bus, …
En gros, ça n’est jamais comme on nous dit, comme on a prévu.

La veille de notre départ, nous comprenions qu’il y aurait « plein » de mini-bus pour rejoindre la ville de Tasikmalaya, de laquelle il y aurait « plein » de bus pour rejoindre Wonosobo (notre destination), mais en même temps, on nous avait dit qu’il n’existait qu’un seul bus à 9h30…

Au réveil, nous prenons un peu les devant, et comme dans ce pays, tout le monde se lève avant les poules (et qu’il fait déjà jour), nous sommes à 6h30 assis dans le mini-bus pour Tasikmalaya.
Après avoir embrayé la seconde, on ralentit. Et puis on roule à 2km/h pour trouver des gens et remplir le mini-bus. Et puis on s’arrête, le chauffeur fume sa clope. On attend, on repart. On s’arrête de nouveau. Le copilote part acheter de l’eau. On réembraye la seconde, mais finalement, ça va trop vite. Donc on roule au pas de nouveau. Le copilote crie le nom de la ville par la porte (qui reste ouverte), mais personne ne veut monter…
Et c’est ainsi, qu’au pas, nous arrivons à 9h35 à Tasikmalaya, ville située à 45km de Garut !

Bien sûr, nous ne sommes pas déposés à la gare de bus, mais « ailleurs »… et on saute dans un angkot pour les quelques kilomètres qui nous séparent de la gare pour enfin se ruer au comptoir et demander si le bus pour Wonosobo est déjà parti…
– around 10.00, it’s ok.

Soulagés, nous posons nos sacs et attendons le bus qui arrivera à 11h…
Mais la récompense est là, un bus de super qualité. Le top.
Nous sommes ainsi ravis de pouvoir passer les 8 prochaines heures qui nous séparent de Wonosobo, pour enfin arriver à la nuit tombée, accueillis par Hary chez qui nous allons passer les 3 prochains jours.

 

  • Krakatoa est un volcan de cendre hyper vénéré ici. C’est un des volcans explosifs les plus vénèr’ du monde, ces éruptions sont pas très marrante.
    Pour preuve, en 1883, il est à l’origine de la plus grosse éruption enregistrée. Des dizaines de milliers de morts, un tsunami dont les vagues auraient été ressenties en Europe (46 mètres de haut sur la côte javanaise), une colonne de vapeur et de cendres s’élevant à plus de 80 kilomètres dans le ciel et dont le panache abaissera la température de la Terre d’une quart de degré, une explosion entendue à plus de 4000 km de là en Australie (et à 160km, encore 180dB), l’équivalent de 13 000 Little Boy et dont l’onde de choc parcourait encore le globe 5 jours plus tard. Rien que ça.

** Car ici, quand les jeunes – ou moins jeunes – sont en groupe et qu’ils voient passer deux bule, ils se marrent comme des idiots en lançant des « Oï, Mister » (quel que soit le sexe du destinataire d’ailleurs), des « My name is » (oui oui, sans rien derrière), ou des « What is »…avant de s’enfuir en gloussant comme des oies…
Pas facile la vie de célébrité.

10 thoughts on “Sur la Lune, ça pue et ça fume

  1. Vous vous souvenez la fois où on joué au trivial poursuit et Brice m’a posé, rigolant d’avance que je saurais jamais répondre, la question « quel volcan indonésien a fait des milliers de mors en 1883??? » et quand j’ai vaillamment répondu le Krakatoa, oh la tête, j’ai senti comme une incompréhension totale genre mais « comment c’est possible  » !!!
    Bisous et reposez-vous, hahahahaha !!!

  2. Cool, le retour des venelles!
    Karim était jeune en 98′ et comme nous en Jordanie, je pense que les locaux font plutôt référence à 2006 pour le coup de boule de zizou qui a fait plusieurs fois le tour du monde…

  3. à la première photo des arbres calcinés, j’ai pensé que ma grand’fie sortirait son carnet de croquis
    et bin, paf !, elle a sorti son carnet de croquis
    c’est beau, hein ?

    le krakatoa… il y avait une bd de Zig et Puce où ils se barraient vite fait parce qu’il y avait une éruption soudaine
    c’est dingue, personne n’y est allé, enfin presque, mais tout le monde a quelquechose à dire, enfin presque

    après l’or, le soufre, vous êtes devenus alchimistes…

    bonnes bises

  4. I am Back

    Sentiment de puissance et d’apaisement sur ces photos, notamment la photo ou Marion dessine. Pour l’odeur j’avais un des gars avec moi sur le volcan en Ethiopie qui était tombé dans les pommes. C’est plus dangereux qu’on le pense l’œuf pourrit…

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