Tour-ticoli

Notre visa chinois expire jeudi 4 Mai.
Il nous faut passer la frontière avant cette date pour sortir du pays.
Techniquement parlant, pour quitter la Chine on peut aller à Hong-Kong.
Mais Hong-Kong c’est pas la Chine ?
Et bien non, Hong-Kong ce n’est pas la Chine.
Et notre court séjour sur ce territoire nous le fera bien comprendre.
Rien n’y est pareil… en y réfléchissant ? non, rien du tout.

Ce simple passage de frontière annonce toute la complexité administrative et culturelle qu’il existe entre la Région Administrative Spéciale de Hong-Kong de la République Populaire de Chine et le mainland China.
À une petite centaine de mètres de la gare de ShenZhen, de l’autre côté d’un étroit cours d’eau, se trouve le terminus du métro de Hong-Kong qui mène directement au centre du territoire.
Mais avant ça, bien sûr, nous passons par deux guichets d’immigration, à la signalitique datant de l’époque anglaise. Un tampon de sortie pour la Chine et un petit papier volant comme « visa » d’entrée à Hong-Kong, nous pouvons y rester 90 jours.

On ne développe pas trop la partie historique de cette aberration, mais pour résumer :
– Suite à la Guerre de l’Opium, Hong-Kong devient anglais après la signature du traité de Nankin en 1842.
– En 1997, 155 ans plus tard, le territoire est rétrocédé à la Chine.
– Se met donc en place le motto « 1 pays, 2 systèmes », avec toutes les difficultés que cela comporte pour deux peuples ayant vécus dans deux mondes différents aussi longtemps : ils ne parlent pas la même langue, ils n’ont pas évolué de la même façon, ils n’ont pas la même culture, et surtout, ils ne s’aiment pas.
Hong-Kong a conservé la loi anglaise, sa monnaie*, son système politique, et gère elle-même son immigration.
– à partir de 2047, Hong-Kong devrait faire partie intégrante de la Chine. C’est ce qui est convenu dans la déclaration sino-britannique de rétrocession.

Donc, finalement, Hong-Kong est en Chine, mais Hong-Kong ne ressemble en rien à la Chine.
Voilà qui annonce un séjour intéressant.

Nous arrivons en fin d’après-midi chez Kim – une ancienne collègue de Brice – et son mari Jonathan.
Ils sont installés à Hong-Kong depuis belles lurettes et comme souvent, nous sommes accueillis avec plaisir de retrouvailles et grand confort.
Ils habitent un petit appart au 10ème étage seulement, d’un vieil immeuble qui n’en compte pas plus.
Le roof-top est la cerise sur le gâteau.Stitched Panorama Stitched PanoramaC’est un quartier parfait, plein de vie. Et on s’y installe pour 5 jours.
Nous sommes au cœur de l’île principale de Hong-Kong, à une encablure du Victoria Park, entre autoroutes aériennes, voies dédiées aux ding-ding (ces fameux tram’ à impériale), métro et bus, resto’ en tous genres et petites boutiques… et surtout entourés de buildings qui s’élancent vers le ciel.DSCF3370 DSCF2138 Stitched Panorama Stitched Panorama Stitched Panorama Stitched Panorama DSCF2186 DSCF2191

Car l’architecture ici est impressionnante.
Les parcelles sont petites, les terrains constructibles peu nombreux du fait de la topographie accidentée du territoire. Malgré la rétrocession il y a déjà près de 20 ans, et l’afflux d’argent du mainland suite à la crise des années 2000, le gouvernement Hongkongais n’a pas encore cédé à la pression des lobbies de la construction comme c’est le cas chez leurs voisins. Et on trouve encore de beaux espaces verts. Le territoire compte plus de 250 îles.
Les régions les plus denses sont l’île de Hong-Kong (la première colonisée par les Anglais), et la péninsule de Kowloon qui lui fait face (6357 hab./km2 de moyenne, et on estime que dans le quartier de Mong Kok, la densité atteindrait 130 000 hab./km!).

Ainsi, pour pallier au manque de surface, on construit en hauteur. Les immeubles ressemblent à d’étroites tours, qui s’étirent tout en long vers les cieux. Cela donne une impression de fragilité, d’un château de carte qui pourrait s’écrouler avec le vent. Une sorte d’empilement précaire qui tient le coup. Stitched PanoramaStitched PanoramaStitched Panorama Car ici, les immeubles sont des belles factures, maintenus, régulièrement repeints. Rien à voir avec la RPC. Et ne nous trompons pas. Si les échafaudages sont en bambou, les immeubles sont faits pour durer, les matériaux bien choisis, bien assemblés, dans des conditions de sécurité et des qualités de fabrication occidentales.
On comprend pourquoi les apparts’ sont ridiculement petits… et incroyablement onéreux.

Nous sommes assez impressionnés par cette ville, et on ne sait pas trop par quel côté commencer.
En se baladant, nos yeux sont en permanence tournés vers le ciel.
Les enseignes rouillées par l’humidité débordent largement des façades au-dessus du trafic**, les clim’ coulent,… et ça nous donne vertiges et torticolis.DSCF2256 DSCF2293 Stitched Panorama Stitched Panorama DSCF2430 DSCF2436 DSCF2438 DSCF3411 DSCF2472 DSCF2473 DSCF2510Assis au deuxième étage de notre ding-ding, la vue panoramique est impressionnante. Il y a des néons partout, des affiches, des immeubles, des boutiques, des pancartes, et du monde.
Il y a beaucoup de monde à Hong-Kong, et ça se ressent… mais jamais pourtant nous nous sentons bousculer, il n’y a pas de cohue. Les Hongkongais sont organisés. Devant les arrêts de bus, de longues files s’allongent, mais il y aura toujours un passage réservé aux piétons ou personne ne double. Et on pensait encore être en Chine…

Kim et Jonathan se plient en 4 pour nous faire découvrir cette île-pays.
Samedi, après un petit dej’ dans un bui-bui local d’une bonne soupe de nouilles aux herbes médicinales, nous partons nous balader au vert.
70% du territoire est recouvert de forêts, et les possibilités de rando’ sont nombreuses, dans un cadre préservé (et gratuit, en comparaison de… si vous voyez ce que je veux dire).
En 5min. de taxi, nous sommes déposés au pied d’un sentier qui s’enfonce très rapidement dans une dense forêt d’arbustes, à l’abri du bruit de la ville. Incroyable de s’imaginer si proches et pourtant si protégés de l’activité incessante de la dynamique Hong-Kong.Stitched Panorama DSCF2952 Stitched Panorama DSCF3488 DSCF3489 Stitched Panorama Alors que nous grimpons, un coup d’œil en arrière nous laisse voir la forêt de flèches de béton digne d’un film d’anticipation.Stitched PanoramaRandoEn face de nous, la forêt émeraude s’étend à perte de vue, avant de plonger dans la Mer de Chine Méridionale. C’est beau, c’est pas mal, silencieux, peu fréquenté… et à seulement quelques minutes de la maison.

Au loin, des grappes d’îles apparaissent (d’après nos hôtes, il y a aussi de très belles plages quasi désertes, de vrais joyaux à découvrir, et accessible d’un coup de bateau).Stitched PanoramaDSCF2932Notre sentier continue à grimper, descendre et re-grimper.
Il fait hyper chaud, le soleil brille sur un fond uniformément bleu et le taux d’humidité est très élevé sous les tropiques. Autant dire qu’on transpire.
Mais que c’est joli.

Cette balade nous fait du bien.Stitched PanoramaOn arrive au village de Stanley, dont le bord de mer, bo-bo à souhait, tranche avec notre look sportif-dégoulinant.
Nous profitons du coucher de soleil sur la baie. La lumière est belle et on a du mal à se dire qu’on est dans cette même mégalopole, à 40 minutes en bus de la maison.Stitched PanoramaStitched Panorama

Et puis les jours se suivent, mais nous ne nous lassons pas de déambuler dans la ville.
Nous explorons les différents quartiers, en marchant, marchant et marchant.DSCF2238 Stitched Panorama DSCF3403De l’autre côté du bras du mer, nous découvrons les vieux quartiers, plus animés, très colorés et bruyants de la péninsule de Kowloon. Moins cosmopolites que Hong-Kong Island la financière, Kowloon est plus Chinoise.
Ici, ça clignote de partout. Pancartes, enseignes lumineuses, publicités et calligraphies en tout genre, on ne sait plus quoi regarder. C’est tellement graphique et coloré. Géométrique et anarchique. Bordélique et organisé.
C’est beau !Stitched Panorama Stitched Panorama DSCF2579 DSCF2602 DSCF2605 Stitched Panorama DSCF2658 DSCF2661 DSCF2671 Stitched Panorama Stitched Panorama Stitched PanoramaDSCF2893 DSCF2747 DSCF2750 DSCF2755 Stitched Panorama DSCF2767 DSCF2797DSCF3480 DSCF2819 Stitched PanoramaOn s’arrête pour quelques croquis, des photos, un thé et pour regarder la vie qui se déroule : les camions qui chargent et déchargent, les taxis rouges au look si rétro, les queues qui se créent pour attendre le minibus ou pour traverser la rue au son du bipbip pour non-voyant, …
C’est un spectacle incessant, et on ne peut s’empêcher de se dire que nous sommes ici à des milliers de kilomètre de la Chine que nous connaissions.

Parce qu’à Hong-Kong les gens parlent anglais, et bien mieux que nous.
La seconde langue officielle est le cantonais. Mais qu’ils écrivent en chinois traditionnel, version plus alambiquée des sinogrammes simplifiés sous l’ère Mao***.
Autant dire qu’avec un peu de fierté, les Hongkongais n’aiment pas cette dernière version qu’utilisent les Chinois du mainland, nous expliquant qu’ils ont su garder leurs origines et leur histoire, eux.

Cette histoire de langue se rajoute à la liste des fiertés soulignant « qu’ils ne sont pas les mêmes ».
Et à travers toutes les comparaisons que nous ne nous empêchons de faire, on découvre cette cité-état, aux multiples facettes.
Il y a énormément d’étrangers à Hong-Kong, des Occidentaux venus profiter d’une vie d’expat’, dans un pays où on trouve tout : des cafés branchés au camembert au lait cru, des piscines publiques aux concessions de voitures de luxe.
La politique d’immigration n’est pas vraiment équitable.

Les Hongkongais peuvent aller au mainland comme bon leur semblent grâce à la carte/visa – officiellement qualifiée par la propagande centrale – de « retour à la maison ».
Alors que dans l’autre sens, les Chinois du mainland ne sont autorisés qu’à un court séjour de 7 jours (pour rappel nous autres laowai, pouvons y demeurer 90 jours renouvelables). Et pour obtenir le précieux sésame, il faut retourner dans sa préfecture de naissance****. Mouai…
Bon, ils sont tout de même 1 milliard et demi de l’autre côté de la rivière, Hong-Kong ne peut pas tous les accueillir.
D’autant que ça ne plairait pas non plus à Beijing.
Ici, l’accès à l’information et aux médias est illimité, et cela pourrait donner des idées aux Chinois mainlanders de passage.

Toutes ces différences du quotidien inquiètent les Hongkongais qui redoutent (d’après ce qu’on a compris et ceux à qui nous avons discutés) cette absorption chinoise future.

Hong-Kong c’est un peu Londres avec des yeux bridés, un climat nettement plus chaud et de la nourriture comestible.
Les gens sont cultivés, il y a des galeries d’art et des lieux urbains de culture, de design et de créations.
Dans les rues pentues du quartier huppé de l’île, c’est un ensemble de petites boutiques, toutes mieux décorées les unes que les autres, au look parfait et aux détails maitrisés.Stitched Panorama DSCF2896 DSCF3521 Stitched Panorama DSCF3020 DSCF3106 Stitched Panorama DSCF3134 DSCF3180Et puis au milieu de tout ça, nous découvrons la gastronomie Hongkongaise, melting pot du monde entier.
D’un bol de nouilles à la sauce cacahouètes, au petit Bô Bun au resto’ vietnamien, nous enchainons les variétés culinaires.
Dans la cohue de Kowloon, Jonathan et Kim nous introduisent dans un bui bui indien installé dans un appart’, au 8ème étage d’un vieil immeuble. Stitched PanoramaTables côte-à-côte, rideaux fermés et dans une ambiance bonne franquette, nous savourons nos curry et dhal aux saveurs si imprégnées dans nos mémoires, avant de terminer la soirée au 35e étage, dans le bar sympa et branché d’un hôtel chic qui domine la baie. Hong-Kong, une ville des extrêmes.

Mais rien ne vaudra le petit déj’ dans une des « maisons de thé » cantonaises dans lesquelles les familles ont l’habitude de bruncher.
C’est comme ça qu’on appelle ces cantines archi traditionnelles. De grandes tables rondes sont disposées et on remplit les trous.
Vous êtes 4 ? ok là, on va serrer les papys, ça va passer.Stitched PanoramaEt puis au milieu de tout ça, circulent de serveurs, poussant des chariots à roulettes remplis de DimSum, de vapeurs et autres bouchées.
Tout le monde se lève et se précipite pour être le premier servi quand le serveur approche avec ses denrées fraiches. Les moins affamés restent assis et lui font signe, mais chacun repart avec son assiette, et son papier de commande tamponné.DSCF3038 Stitched PanoramaEn quelques minutes, le chariot est vidé, avant qu’un nouveau plateau, remplis de nouvelles saveurs, fasse son entrée à son tour.

Enfin, pour peaufiner le tout, nos copains nous délecterons d’un barbecue sur le rooftop.
Avec du vrai charbon (avec SSdC en entrainement, Marion est la pro de l’allumage du barbecue !), des braises et du feu qui crépite.DSCF3223Des côtes de porc, du poulet mariné, et même des calamars séchés et un petit Pastis… c’est un régal pour nos papilles, nos estomacs et un bonheur de profiter de ce lieu si particulier, coincé entre les tours, isolé et si urbain, et pourtant ouvert à la ville. À Hong-Kong, on se sent en communion avec la cité.DSCF3206 DSCF3226Pour tout ça, merci encore Kim et Jonathan, merci de votre tolérance, votre écoute, votre patience, merci de nous avoir compris. Et un énorme merci pour votre accueil et la simplicité de nos relations.
Et même en étendant notre séjour – sous la pression de nos hôtes – nous ne pouvons que partir frustrés de n’avoir vu que la partie immergée de l’iceberg Hong-Kong.
Il nous faudrait y passer plus de temps pour explorer davantage et mieux comprendre ce territoire si spécial.

Le jour de notre départ, dernière petite escapade culinaire, nous retrouvons notre amie Hongkongaise Karen – rencontrée fugacement à Yubeng, essoufflée en haut de la montagne.DSCF3247Son anglais est parfait. Mais sa mère ne le parle pas. Elles communiquent entre elles en dialecte.
Pfff, on a encore des milliers de questions à lui poser.
Un bol de riz, de la viande cuite comme-ci ou comme ça, des nouilles sautées au poivre, un thé-au-café-au-lait-au-sucre-glacé, nous sommes reçus au resto’ familial, contents de ces nouvelles rencontres, avant d’aller chercher notre bateau.

Nous quittons Hong-Kong pour rejoindre Macau.DSCF3251 DSCF3266 DSCF3307Macau en Chine, mais pas vraiment en Chine non plus…
« 1 pays, 3 systèmes » ?

 

‘* Ici, on paie en Hong-Kong Dollar (cela n’aurait pu en être autrement dans cette place financière si importante), et la particularité est que chaque banque imprime ses propres billets, ainsi, on trouve des billets HSBC, Chartered Bank, ICBC, Bank of China… aux illustrations différents.DSCF2126

‘** La circulation se fait sans klaxon, dans le respect du code de la route – nous sommes les seuls à traverser en dehors de clous, et on conduit à gauche… enfin, tout le contraire de la PRC.

‘*** Séparés de leurs voisins pendant plus de 150 ans, taper à la machine ne se fait pas du tout par le même biais au mainland et à Hong-Kong. Si les communistes ont développé un système utilisant l’alphabet latin – le pinyin, les Hongkongais utilisent un clavier avec de nombreuses clefs de base permettant de construire le mot. Super compliqué !

‘**** Lors de notre passage à l’immigration de Kanding (dans le Sichuan), nous avions rencontré un couple de riches Pékinois qui souhaitaient se rendre à Hong-Kong.
Ils parcouraient ainsi plusieurs milliers de kilomètres pour éditer une autorisation pour lui, puis pour elle (2000km plus à l’est). Qui a dit que l’administration française était complexe ?

10 thoughts on “Tour-ticoli

  1. Ça a l’air tellement beau le HK sous votre objectifs….:). On dirait une autre ville! À la prochaine! Vous venez quand vous voulez!

  2. « les croquis, les croquis, les croquis » !
    oui, c’est étonnant cette ville chinoise, mais pas chinoise, c’est des chinoiseries tout ça, non
    bises bises

  3. Votre rando avait l’air sympa mais ne me donne quand même pas envie d’aller à HongKong pour mes vacances. Par contre, HK semble top comme hub pour vivre, travailler et voyager en Asie

  4. Vous donnez trop envie d’aller à Hong-Kong!!!! Vous êtes beaux et vous avez l’air heureux ça fait plaisir. Essayez de refaire un séjour pour le jour de l’an…. Une idée comme ça en passant! On vous y rejoindra! Les petits Oiseaux de l’autre côté de la rivière. Biz les amis

  5. En tout cas vous êtes enthousiastes ! Marrant, j’ai plutôt d’autres sons de cloches de gens y ayant vécu. Mais bon, c’est vrai que c’est un hub central pour l’Asie, ça vous ferait un bon point de chute si vous voulez rester dans la région !
    Bises

  6. ‘Hong-Kong c’est un peu Londres avec des yeux bridés, un climat nettement plus chaud et de la nourriture comestible’, vas y mais vous avez quoi contre les chips, la biere et les fish n chips? Et puis le temps est tres sympa a Londres, il y pleut peut etre tous les jours, mais il y fait aussi beau tous les jours. Bon Sinon, HK ou Macao, ca nous va aussi, ca a l’air cool comme ville (probablement chaud avec des enfants par contre).

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