Badoumbadami

Changement de programme de dernière minute.
Nous ne nous attendions pas à tant découvrir au Nord du Karnataka, et après de longues réflexions concernant notre itinéraire et notre planning pour rejoindre le Sud de l’État, nous décidons de suivre le sentier « culturel et historique » de l’intérieur du pays, plutôt que celui du « farniente détente » de la côte.
Cette feuille de route nous permet de découvrir et comprendre les civilisations hindoues du Sud du Pays, contemporaines du Sultanat de Delhi, des dynasties des Bahmani, du Deccan, puis des Moghols.

C’est ainsi que nous ajoutons Hampi à notre trajet.
Cet immense site, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, est le nouvel étendard touristique de l’Inde nationaliste de Modi, le fier BJP voulant que ce site, au demeurant extrêmement intéressant, supplante le Taj Mahal, pas assez hindou, comme symbole touristique.
Mais avant de rejoindre les impressionnantes ruines Vijayanagar, nous choisissons de faire halte à Badami.


La nouvelle ville n’est qu’une rue poussiéreuse et bruyante bordée d’un bazar chaotique et empruntée par un flot incessant de camions aux klaxons tonitruants et aux moteurs rugissants.
La minuscule partie ancienne, aux façades blanches et aux ruelles beaucoup plus calmes, est accolée au réservoir et aux collines de grès rose orangé.
Le bus nous dépose au cœur du petit bourg tumultueux.Le premier hôtel dans lequel nous entrons fait l’affaire.
Aussi bien que le premier resto’ dans lequel nous nous asseyons.

 

POINT HISTOIRE
Badami, autrefois appelée Vataapi, était la capital du vaste royaume Chalukya du VIème et VIIIème siècle. Cette dynastie régna du VIème au XIème siècle du Centre au Sud de l’Inde.
La domination des Chalukyas – et notamment ceux de Badami – marque une étape importante dans l’histoire de l’Inde du Sud car ils parviennent à unifier la mosaïque de petits royaumes hindous constamment en conflit en un empire organisé.
Pour la première fois, un seul royaume contrôle la région entre les fleuves Kaveri (vers Maheshwar) et Narmada (vers Bangalore).
La grandeur de cet empire entraîne la création d’une administration efficace, le développement du commerce intérieur et des échanges outre-mer, et d’un nouveau style architectural dit « architecture Chalukya ».
C’est dans ce contexte qu’apparaissent les grottes de Badami.

Un fort installé sur un promontoire naturel domine la ville, le lac artificiel d’Agastya, au bord duquel se trouvent palais et temples dans le plus pur style dravidien (la culture dravidienne est à mettre en opposition avec la culture hindi du Nord de l’Inde). La colline lui faisant face est le lieu de quatre sanctuaires rupestres, attraction principale du site.

Et bien que ce ne soit pas le week-end, nous sommes apparemment en période de vacances scolaires et des bus entiers déversent des flots d’ados bruyants aux pieds des grottes.
Pour temporiser, nous déambulons dans les venelles du quartier, derniers vestiges du vieux village.
À cette heure, le soleil a tout juste passé le zénith et tout le monde s’est réfugié derrière les épais murs blancs des maisons. Seuls les cochons grouinent sous la torpeur.




Nous nous arrêtons sur les marches du ghat pour observer les femmes au travail, lavant à grandes eaux les longs sari colorés et battant le linge sur les pierres qui entourent le bassin.

Excavées à la fin du VIème siècle (durant la dynastie Chalukya), les grottes, juchées à flanc de falaise surplombent la ville et offrent une très belle vue sur le réservoir et les ruines qui l’entourent et plus loin, les paysages sauvages et arides de grès rouge ponctuée de pompons verts.
La plupart des pigments qui recouvraient les grottes ont disparu avec le temps, mais les sculptures des différentes déités, les bas-reliefs relatant la mythologie hindoue et les colonnes ouvragées sont encore en excellent état. Tout ceci n’est pas sans nous rappeler le travail dantesque des plus imposantes grottes d’Ellora. Mais ici, les marbrures de la roche rajoutent à l’élégance des sculptures. Les courbes des veines colorées entrainent une continuité inattendue, rappelant aux visiteurs que rien n’a été rajouté, tout a été excavé.



La première grotte est dédiée à Shiva, la seconde et troisième à Vishnu, et la dernière aux Tirthankaras, figures vénérées du jaïnisme, toujours représentés nus.
Mais la plupart des visiteurs, qui n’ont payé que quelques rupees l’entrée du site, ne semble pas l’apprécier à sa juste valeur et préfère brailler dans les grottes, prendre des selfies, ou invectiver continuellement les quelques occidentaux de passage comme des bêtes de foire. Oui, ce moment de visite a été un peu éprouvant…
Car, surprenamment, nous croisons ici quelques laowai. Peut-être est-ce dû à notre proximité avec Hampi ?
Le fait est que nous n’en avions pas vus autant (cela reste une poignée, mais localisée sur un petit espace) depuis notre départ de Bombay.

Nous essayons de nous concentrer sur les ornements, tentant de faire abstraction du bruit et de la foule, mais nous peinons à trouver l’apaisement méditatif auquel la visite de telles grottes s’adapterait plus.
Malgré tout, nos yeux s’arrêtent régulièrement sur les piliers et les murs sculptés, notamment sur Vahara, le troisième avatar de Vishnu sous la forme d’un sanglier – que nous n’avions jamais remarqué auparavant.





Faisant face au lac, en contrebas des grottes, le très beau complexe des temples de Bhutanatha, est en excellent état de conservation. Construit les pieds dans l’eau au VIIème, puis au XIème siècle, ce lieu pittoresque et reposant nous apaise instantanément du vacarme fatigant des grottes (si tant est que nous ne soyons pas dérangés par une énième demande de selfies).




Nous profitons des lumières de fin de journée et partons nous balader sur le dessus du plateau, dans un décor de western, baignés par une atmosphère incroyablement sereine.
Juste derrière un petit hameau aux façades pastelles, le chemin grimpe vers un paysage en bichromie de vert et orange sur le fond bleu.

Nous remontons le sentier caillouteux, nous enfonçant sur ce vaste plateau-canyon.
Nous nous perdons dans les gorges, remparts naturels creusés par le temps et suivons un sentier vernaculaire évoluant le long des épais murs subsistants du fort et désormais seulement emprunté par le berger et son bétail.


Sur les hauteurs, un temple hindou trône fièrement au-dessus de la ville. Le soleil doucement se couche, et nous rentrons par les ruelles du vieux quartier, où le rythme tranquille de ce début de soirée se fait ressentir.

Nous finissons la soirée avec une bière (achetée avec les poivreaux du coin au WineShop) et un plateau-repas dans notre chambre, quel luxe!

Le surlendemain, après une journée de travail au blog, nous quittons Badami, direction Hampi.

7 thoughts on “Badoumbadami

  1. Je suis surpris qu’il n’y ai pas de singe. C’est typiquement le genre d’environnement dans lequel ils ont tendance a s’installer. Faisait il particulierement bon dans les grottes? Est-ce que vous n’allez pas vous retrouver pris dans la mousson bientot?

  2. Au-delà de l’impression de grandeur et la travail colossal que l’excavation a du demander, c’est quand même magnifique. Les zébrures de couleurs noir, bleu… donnent du relief à l’ensemble.
    J’aime toujours autant le doré renvoyé par l’ocre et les rayons du soleil.
    La ville a l’air assez propre dans l’ensemble, les ruelles et les maisons bien tenues

  3. Coucou les amis !!!

    Très beau site !!
    Les couleurs de la roche sont incroyables, et donnent une légèreté aux piliers qui magique, car malgré on sent bien qu’il doivent soutenir le poids de toute la montage.

    Bisous !

  4. Superbe site!
    Et la ballade seul sur les hauteurs au moment du couché de soleil, ça devait être un moment un peu spécial après la cohue non? Les photos de ce moment sont magnifiques.

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