Canton sous la pluie

En quittant les campagnes verdoyantes de l’arrière-pays, nous nous lançons dans un nouveau défi : celui des mégalopoles asiatiques.
Cela fait trois mois que nous avons quitté Bangkok, et Guangzhou se profile devant nous avec ces quelques 13 millions d’habitants intra-muros, sans compter sa banlieue tentaculaire qui s’étend, jusqu’à Shenzhen et Hong-Kong au Sud-Est, et ZhongShan et Macau au Sud-Ouest.

Il y a presque deux ans, à Machhad en Iran, nous avions rencontré Taka et partagé la languissante attente avant de passer la frontière avec le Turkménistan. Après trois ans et demi de vadrouille, il a finalement mis un terme à son voyage (à moto, des États-Unis à la Malaisie, en passant par Ushuaïa et Samarkand) et a repris une vie sédentaire à DongGuan, en périphérie de GuangZhou.

Ce week-end, il doit justement faire la présentation de son long road-trip lors d’une petite conférence dans un « bar de voyageurs » de la ville.
L’occasion était immanquable de célébrer à la fois nos retrouvailles et son voyage incroyable.

Le TGV nous dépose à la gare de DongGuan. C’est ici que nous retrouvons Taka venu nous chercher.
Embrassade et plaisir de se revoir ; l’Iran semble bien loin et pourtant nous nous étreignons avec joie.DSCF0545La soirée se passe, entre mise à jour de nos vies respectives et viandes, légumes et fruits de mer au barbecue… on étanche quelques bouteilles de bière, avant d’être redéposés chez lui, mais sans lui.DSCF0547Taka bosse dans une boîte japonaise, et comme au Japon, il travaille beaucoup.
Même le samedi.
Donc, il dort sur place, dans une petite chambre mise à disposition pour les employés.
Ça nous attriste un peu de le voir pris en étau dans ce schéma dont il s’était si brillamment affranchi. Aujourd’hui, sa vie de motard, routard et libre d’aller où bon lui semble est désormais bien loin.

Nous profitons en parallèle de quelques jours à GuangZhou pour découvrir cette ville. Malheureusement pour nous, les deux premiers jours sont très pluvieux et très humides, les épisodes de bruine froide étant parfois entrecoupés d’averses subites.
Mais entre deux ondées, nous nous perdons – comme nous l’aimons tant – dans les ruelles encaissées et habitées du vieux quartier.DSCF0453 Stitched Panorama DSCF0319 DSCF0310Stitched Panorama DSCF0326 DSCF0320 DSCF0334La canopée épaisse des arbres antiques qui couvre ces rues protège efficacement de la pluie, mais donne une atmosphère étrange tant la lumière peine à traverser le feuillage dense.
Quelques veilles maisons, d’un style années 30, persistent. Sous les épaisseurs de linge qui sèche, de câbles électriques et de mousse verdoyante, l’architecture de ces bâtisses nous rappelle la richesse de cette ville à l’histoire cosmopolite.DSCF0276 Stitched PanoramaCanton a en effet longtemps abrité de nombreux comptoirs occidentaux installés par la force suite aux guerres de l’Opium. Cette histoire tumultueuse a permis à cette ville maritime protégée au cœur du delta de la Rivière des Perles d’accueillir depuis de nombreux siècles des marchands du monde entier.
Une ville de camelots où l’on trouve de tout ; de la pompe industrielle au sac de 60.000 badges « Minions », de la tôle, des boulons, ou même des produits manufacturés, tout ça au gros ou au détail, tous ont pignon-sur-rue.
Et il est commun de voir des portefaix dans la rue qui ronquent dans leur chariot dans l’attente d’une course. Il y a du business à faire dans cette ville. DSCF0351 DSCF0697Et encore aujourd’hui – d’ailleurs aujourd’hui : lors de notre séjour – la ville accueille deux fois par an une énorme foire mettant directement en relations les fournisseurs des puissants ateliers du GuangDong et les négociants du monde entier.
Géographiquement aussi, Canton et sa région ont longtemps été isolées du reste de la Chine.
Par conséquent, la culture y est forte et les Cantonnais en sont fiers*.
La langue y est différente, la nourriture y est moins épicée, mais pas pour autant moins variée – ahhhh bah voilà enfin la vraie nourriture chinoise de chez nous. On trouve des stands de bouffe et des tentations à tous les coins de rue. Et sur ce point, GuangZhou nous a très agréablement surpris. C’est bon, c’est fin.DSCF0231 DSCF0455 Stitched PanoramaDes goûts et des textures que nous n’avions pas encore connus en Chine.
La panse constamment remplie, il nous semble impossible de quitter cette région affamé.
Et enfin, pour une mégalopole aussi monstrueuse, les habitants de ces quartiers sont incroyablement accueillants, nous gratifiant de grands sourires lors de nos déambulations dans les étroites venelles.DSCF0142 DSCF0129 DSCF0080

Le marché est plein de couleurs et d’odeurs comme tous en Chine. Les morceaux d’alligators, les tortues à carapace molle, et les poissons étrangement découpés (tranchés dans la longueur, le cœur bat encore) sont disposés sur les étals, tandis que les anguilles s’agitent encore dans l’eau.DSCF0120 DSCF0185 DSCF0178 DSCF0673 DSCF0098 DSCF0100 DSCF0674 Stitched Panorama DSCF0085 DSCF0089Les différents sacs de riz côtoient les fruits et la vapeur des boazi envahit le devant des étals.

Nous nous arrêtons à la mosquée qui daterait de l’arrivée des premiers marchands arabes au XIIème siècle. DSCF1673 DSCF0055 DSCF0068 DSCF0061Son minaret penché depuis toujours servait de phare aux bateaux en approche du port. On a beau avoir passé la plupart de notre voyage en pays musulman, il est toujours amusant de voir se côtoyer construction locale et script arabe.
Tout aussi surprenant que de voir l’architecture néo-gothique de la cathédrale catholique en plein milieu du marché de fringue en gros.Stitched Panorama

Samedi soir.
Rendez-vous est donné avec Taka au bar 1874, dans le quartier moderne de la ville. Nous y faisons également la connaissance de Matsuo, un autre motard japonais.
Matsuo est un sacré bonhomme. Il a parcouru le monde pendant 15 ans sur son énorme moto.
…et il a 74 ans, et ne parle pas un mot d’anglais !
Ce qui ne l’a pas empêché de traverser les cinq continents sur son lourd destrier japonais.

Nous passons une super soirée entre les récits et les anecdotes de nos deux motards japonais et les discussions avec les amis de Taka qui gèrent ce bar et qu’il avait rencontrés au cours de ses pérégrinations.DSCF0565 mmexport1462183118287 mmexport1462183158061 DSCF0590 Stitched Panorama mmexport1462182983776Ils sont très sympa, et dès notre arrivée, nous sommes introduits dans ce cercle d’amis et invités à partager le repas.
Nous rencontrons Carrie qui a voyagé en Amérique du Sud (où elle a rencontré Taka), et puis Ada, et puis Peter, et puis Simon, et puis Léo, et puis…
La soirée se finit autour de quelques bières, avant que tout le monde ne quitte le bar.
Sauf nous, on reste là.
Taka habite trop loin pour rentrer, et puis il n’y a plus de train à cette heure si tardive.
Comme tous les weekends, il s’échappe de la cité dortoir de DongGuan pour passer la seule nuit qu’il a de libre dans cet endroit. Nous dormons donc tous les 3 dans le bar, sur le canapé et le matelas gonflable.

Le réveil est matinal car Taka nous emmène déguster un petit dej’ local, en compagnie de Matsuo et Carrie.
Thé au jasmin, friands, petites vapeurs, dimsum et autres délicatesses cantonaises, nous savourons chaque bouchée.DSCF0621 DSCF0626Puis nous partons digérer en se baladant dans l’un des vieux quartiers de GuangZhou, avant de finir au resto-chic-table-tournante, invités par Matsuo.DSCF0638 DSCF0640 DSCF0649 Stitched PanoramaDSCF0654 DSCF0683 DSCF0693Stitched Panorama S0090745 DSCF0752

Après ces quelques jours chaleureusement entourés et très riches gustativement et socialement parlant, nous quittons la ville pour la région de MeiZhou à quelques 6h en train lent et assis-dur à l’extrême Est du GuangDong.
Lors de notre séjour, GuangZhou ne nous a offert que grisaille et pluie.
Un besoin de se mettre au vert se fait ressentir.

‘*L’artisanat est fort.
Et si les réalisations ne sont pas forcément esthétiques, elles sont techniquement incroyables.
Comme dans le musée de la guilde des artisans du LingNan.Stitched Panorama DSCF0485 DSCF0471 DSCF3253 DSCF0498 DSCF0512
On peut, entre-autre, voir des défenses en ivoire et un tronc sculptés dans la masse.DSCF0496Stitched Panorama

8 thoughts on “Canton sous la pluie

  1. Vous avez pu manger les petits gâteaux fourrés à la pate de soja ? C’est un de mes mets préférés de la terre entière !! On en trouve normalement que chez les chinois de Paris, mais il me semble que maintenant ils en exportent aussi à Canton.

  2. il est bizarre le voisin de bistrot de Brice
    un bras et demi
    ils sont fous ces cantonais…
    c’est cool ce partage entre bourlingueurs du monde
    c’est vraiment cool, ces rencontres
    vous êtes beaux
    bises bises

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