Si tu passes à Passu

Au matin de notre départ de Sost pour Passu, nous ne savons toujours pas comment rejoindre ce village, si il y a un bus…
On se laisse porter.
Chacun y va de son conseil, va par ici / non va là-bas / attends, je t’emmène,…
On décide donc de démarrer notre action-départ par un chai.
Monsieur Chai et son pote Monsieur l’épicier sont très contents de nous voir et c’est assis à boire notre chaude tasse de thé au lait qu’encore une fois nous nous laissons porter.
Quelques invectives plus tard, nous chargeons nos sacs dans un minivan, puis nous nous faufilons à l’intérieur du véhicule, avant que l’ensemble des occupants nous fasse comprendre qu’il faut que Marion soit à la fenêtre et Brice entre elle et l’autre passager – mâle.

Quelques allers-retours dans la ville, avant que le chauffeur démarre enfin sa folle descente vers Passu. En 45min le trajet est bouclé.

Alors qu’on avait déjà été étonnés par Sost, qui n’était qu’une rue, Passu est un village, vraiment minuscule.

On pose nos affaires chez Hassan, qui tient l’unique guesthouse du village.
Nous sommes invités à séjourner dans la maison de famille, une grande pièce fait office de chambre, et surtout, un jardin qui fait face aux Cônes de Passu.



Ah ces Cônes… On ne se lasse pas les observer.
Que c’est beau ! Chaque demi-heure, la lumière change et les ombres que projettent ses éperons rocheux nous offrent un nouveau paysage, et une nouvelle extase.
Comme Monet, nous nous sommes plu à prendre en photos ces géants de pierre à différents moments pour différentes lumières.
S’élevant à 6000/7000 mètres, ces majestueuses montagnes nous narguent de leur grandeur.
Les échelles sont perturbées.
Seuls quelques arbres, en contrebas, parviennent à nous ramener à la vertigineuse réalité et nous faire comprendre l’immensité de ce décor.







En nous baladant dans les quelques sentiers de Passu, nous observons ces robustes maisons, faites d’empilement de pierres et enduites de torchis. Peu d’ouverture.
Les toits sont plats et souvent percé sur le dessus, permettant à la lumière d’inonder l’unique pièce, et à la fumée du poêle ou du foyer de s’échapper.
On retrouve encore des pommiers et d’autres arbres fruitiers dans les vergers.
C’est aussi la saison des fourrages, et les habitants fagotent la paille avant de l’entreposer pour l’hiver.








Notre promenade nous mène en bas du village, au bord de l’immensément large rivière d’Hunza, aux eaux gris-bleu et aux graviers noirs.
Tel un étonnant labyrinthe sinueux, la rivière prend de multiples chemins qui se séparent et se rejoignent, créant un fabuleux motif charriant ces eaux sédimenteuses.
Ici encore, il n’est pas possible de réaliser le gigantisme qu’occupe le lit de la rivière sans prendre une peu de hauteur. La rivière semble alors mesurer plusieurs centaines de mètres de large avant de creuser ses rives aux pieds même des imposants colosses de pierre qui nous font face.

Alors que nous sommes assis dans une admiration contemplative, un habitant du village vient nous faire la conversation dans un très bon anglais puis de nous offrir d’aller cueillir des pommes dans son jardin.
Encore une fois, ces gens habitent au bout d’une route, dans un village d’une trentaine de maisons où il fait -10°C l’hiver et un vent à ne pas sortir de chez soi pendant plusieurs jours… et cet homme possède en Master en Histoire et Sociologie.

Face au village de Passu se tiennent donc les majestueux Cônes (6160m) aux allures de cathédrale gothique et le Passu Sar (7478m).

Le village est abreuvé par les torrents de deux glaciers, celui de Batura (5eme plus long glacier du monde) et celui de Passu que nous entreprendrons de voir.
Une belle balade dans des paysages de rocaille et de sable où seules les ronces et arbustes arides survivent.









De peur de nous perdre et redoutant les chutes de pierre dues aux récentes intempéries, cette première tentative nous gardera à distance du glacier.
On remettra néanmoins le couvert quelques jours plus tard, par un autre chemin.
Longeant une abrupte falaise, un chemin d’ardoise serpente le long de la montagne pour arriver par le dessus du glacier et découvrir sa longue langue blanche.

Nous resterons quelques minutes à contempler cette imposante masse de glace qui craque sous ses mouvements lents et avançant à petits pas.

Réveil émerveillé le second jour.
La nuit passée a été le théâtre de fortes pluies dans la vallée, et les sommets nous entourant s’en retrouvent en conséquence chapeautés de neige.

Nous partons nous balader pour une longue boucle de 14km qui nous permet de nous évader encore un peu plus.

Nous longeons un temps la Karakorum Highway – cette route qui traverse en partie le massif du même nom – pour rejoindre un petit chemin qui descend vers la rivière.
Quelques cairns nous aident à trouver notre route. Ce chemin est un local track, on nous dit.


Durant l’hiver, le bétail de Passu va passer les mois les plus froids dans les étables situées de l’autre côté de la rivière.
Ainsi, les habitants l’utilisent pour faire traverser leurs animaux.

Nous nous enfonçons dans les failles de la montagne, pour ensuite suivre la falaise, marchant sur un étroit chemin caillouteux qui frôle le ravin. On ne fait pas les malins. C’est vertigineux, et même si l’agglomérat de sable-cailloux-terre qui constitue le terrain semble stable, le passage ne fait que quelques dizaines de centimètre de large.




Quelques centaines de mètre plus bas coulent les eaux grises de la rivière dont la largeur augmente d’autant plus l’effet de vertige dont nous sommes pris.
Nous prenons notre courage à quatre mains et continuons d’avancer, et se collant à la « terre » ferme.

Nous descendons petit à petit avant d’apercevoir en contrebas, un peu plus loin, un frêle pont suspendu, trait fin reliant les deux berges de la rivière.
C’est lui que nous cherchions. C’est le pont de Passu.

Long de 250 mètres, ce pont accroché par quelques câbles nous parait bien fragile.
Mais il nous semble désormais impossible de faire marche arrière.
Si les planches, ou morceaux de bois plutôt, sont espacées de quelques 40 ou 50 centimètres, elles nous apparaissent finalement solides et en bon état, et surtout coincées entre d’épais câbles d’acier.
Une vingtaine de mètres en dessous, la rivière coule à grand flots bruyants. C’est tout de même assez haut…

Marion se lance la première. Go Go Go, on ne flanche pas.

Elle se parle en court de route, mais le pas assuré, elle parvient à surpasser ses peurs.
Il ne lui faut pas moins de 10min pour arriver à bout de cette traversée digne du meilleur des Indiana Jones.
Brice se lance à son tour. Les câbles de soutien sont très bas à mesure que l’on se rapproche du milieu du pont, et il lui faut presque s’accroupir pour les suivre de la main.

Une petite pause à mi-parcours pour se reposer et reprendre ses esprits avant de rejoindre Marion sur l’autre berge, falaise de terre et de roche creusée par la rivière au fil des temps.
Ouf !
Nous méritons bien un petit encas face aux sommets que nous n’avons de cesse de contempler.

Notre balade reprend de plus belle. Nous traversons d’immenses plateaux caillouteux nus qui semblent s’étendre à perte de vue à notre droite comme à notre gauche.






Devant nous une nouvelle masse noire s’étire vers les nuages sur plusieurs milliers de mètres.
On discerne bien les pentes enneigées, mais le chapeau de nuage nous laisse imaginer la taille de ces montagnes.
Quelques cairns ici et là nous permettent de ne pas nous égarer. Il y a donc bien des gens qui marchent ici. Il ne semble pourtant rien n’y avoir dans les environs.
À nombreuses reprises nous n’hésitons pas à nous retourner et admirer la beauté de cette nature sauvage. Ces couleurs, ce silence, ses immensités vertigineuses où l’œil essaie tant bien que mal à trouver un repère pour évaluer les dimensions hors norme de ces paysages.

Finalement, en nous rapprochant de la montagne, nous retrouvons un chemin vernaculaire, et rejoignons un regroupement d’étables, de champs en terrasses aménagées par l’Homme.
Des ballots de paille sèchent çà-et-là, et quelques paysans (des femmes pour la plupart) y travaillent, nous saluent et nous indiquent le chemin d’Husseini.
Que font ces gens si loin de tout ?








Le sentier nous conduit à nouveau dans des landes sèches entre montagne et rivière, pour longer de nouveau la falaise en suivant le cours de la rivière Hunza.
Nous redescendons vers son lit, marchant sur ce local track, fait d’empilement de pierres, et qui semblent parfois suspendu ou en équilibre au-dessus du cours d’eau.
C’est en nous retournant que nous nous rendons compte de l’architecture et de la technique constructive de ces escaliers et sentiers entretenus depuis des générations.






C’est ainsi que nous arrivons au pont d’Husseini, pont du même acabit que celui de Passu.


Un peu plus large, les planches un peu mieux agencées et rythmées (il attire plus de touristes… même si c’est relatif dans la région), mais tout aussi long et suspendu.
Nous reprenions notre profonde inspiration avant de nous élancer dans ce trajet acrobatique quand un villageois entame sa traversée – sans les mains, ne marchant que une planche sur deux – dans un élan déconcertant pour les aventuriers en herbe que nous sommes.

Arrivés à Husseini, nous remontons les pentes poussiéreuses de ce petit village, qui, tout comme Passu, est minuscule.
Une rue principale, une école, une Jamat Khana et de basses maisons de pierre dessinent le décor.

En chemin, nous rencontrons le chauffeur du minivan qui nous a mené de Tashkurgan à Sost, quelques jours plus tôt, et sommes conviés pour un thé/abricots secs chez lui en compagnie de son fils.

Les rencontres sont, encore une fois, simples et spontanées. Ces échanges sont riches et font du bien.

Et nous ne serons pas en reste puisque notre séjour à Passu nous a aussi permis de retrouver Quico,  funambule à velo rencontré quelques jours plus tôt à Tashkurgan, et de faire la connaissance d’Ursula et Januzs qui traversent pour la troisième fois le Pakistan en camion.
Les seconds (plus que le premier, nous ne sommes pas assez masochistes) nous donnent des idées de voyage en camion magique.

Quico ayant rencontré Liaquat à Sost par notre entremise, ce dernier nous invitera, tous les trois, à diner chez sa famille à Husseini.
C’est pour nous l’occasion de le revoir, de rencontrer sa famille et ses enfants aux cheveux blonds et aux yeux bleus, de partager un succulent repas (et comble du comble, de trinquer au baijiu, alcool que les locaux font rentrer illicitement – République Islamique oblige – de Chine.




Nous avons adoré ce village, un vrai coin de quiétude.
Pourtant dit touristique, nous nous attendions à y retrouver des visiteurs et les gargotes qui les accompagnent, nous avons l’impression d’être dans une bulle. Il n’y a personne ici. C’est calme et paisible.
C’est une nouvelle belle étape dans la découverte de cet étonnant pays.

Mais il nous faut partir et rejoindre Gilgit, la « capitale » de la région.
C’est d’abord en stop que nous rejoignons Aliabad, avant de nous entasser serrés-serrés (Marion côté fenêtre encore) dans un minivan qui nous dépose, deux heures plus tard, dans le chaos de cette ville installée dans la vallée.
Car demain, une nouvelle grande aventure nous attend pour les 15 prochains jours !

12 thoughts on “Si tu passes à Passu

  1. Je vais cesser de dire que c’est beau parce que je n’ai plus de synonyme!
    Pour les ponts ,même forcée je serais restée sur la rive☺️
    Ça doit vous faire du bien cette solitude après les hordes chinoises
    bises à vous deux

  2. Que les montagnes sont belles !!! Et felicitations pour le premier pont qui avait l’air particulierement technique. Continuez bien les copains on pense a vous fort !

  3. Monet était photographe ? J’en apprends des choses avec la bourlingue ! Sinon vous êtes bien courageux de passer sur ces ponts, jamais je n’aurais pu le faire, trop le vertige… Pour le meilleurs des Indiana Jones ça se discute, mon préféré n’étant pas le temple maudit mais plutôt la dernière croisade

  4. Bonjour les copaings ¡!

    Alors là vous m’avez scotché, avec du double face !!
    En voyant la toute première photo du post, je me suis dis « et ben ils vont galérer pour maintenir le niveau jusqu’au bout… » et bien vous avez relevé le défi avec brio.

    Ce coin du monde est simplement UNBELIEVABLE !

    Les paysages, le chemin, le pont, les pommes, l’architecture, la géologie, l’alpinisme, les rencontres, le road trip, la génétique, la famille… il y a quasiment tout ce que le monde offre de beau… franchement, vous m’avez ému…

    Simplement merci pour partager cela avec nous.

    PS : Mon nº1 post avec clef a Molek.
    PS 2 : J’ai lu le post en mettant une playlist en random, et il y a une chanson du roi lion qui est sortie, et qui va pas mal avec : https://www.youtube.com/watch?v=ILXcyPs5hAI (sans les cris d’animaux bien-sûr 🙂

  5. wouahou ces ponts ….
    j’ai voyagé à travers votre récit , et vraiment ce coin me donne envie … la quiétude des lieux , la beauté du paysage …
    bon ok il y a les ponts , mais quelle belle épreuve de dépassement de soi
    🙂
    bisou

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