Moto, Photos, Momos, Dodo (Partie 2)

Au matin du second jour, le réveil se fait au son paisible des moulins à prières que les quelques habitants déjà en activité font tourner.

Nous refermons nos sacs, accrochons le tout sur nos motos. Il nous faut astucieusement utilisés les tendeurs : avec les secousses perpétuelles de cette piste défoncée, on ne voudrait pas perde quoique ce soit (qui ont déjà percé deux de nos bidons d’essence).
Petit-déjeuner avec Tundup, on remplit nos bouteilles d’eau directement à la source et nous démarrons nos engins.
Le ciel est bleu, le temps est beau, notre motivation est à son maximum, nous sommes requinqués.

Le village n’est pas quitté que les rebonds reprennent. Le paysage démesuré de la veille prend d’autres couleurs à cette heure matinale.

Tantôt, nous sommes à flanc de colline, et longeons les larges landes de marécages, d’étang et de tourbe d’un vert étincelant. Tantôt, nous sommes au cœur même du tableau, traversant les étendues grises de cailloux charriés par la rivière heureusement à sec, et dont quelques ponts salutaires nous font enjamber les méandres.

Nous rejoignons le gompa de Rangdum, majestueusement juché au sommet d’un tertre et au pied duquel se tient… un nouveau checkpoint militaire. Enregistrement, papotage rapide, on a de la peine pour ces pauvres bougres Tamuls que l’on assigne pour 6 mois à 2600km de leurs cocotiers.

Pour compenser, leur bureau a définitivement la plus belle vue du monde.

Et puis, cette fois, nous sommes repartis pour de bon. La piste continue dans le lit rocailleux d’une rivière asséchée.

Nous continuons de rouler sur cette piste et prenons progressivement de la hauteur. En contrebas, la rivière Suru ressemble à un immense tressage de canaux ensablés.


Plus encore qu’hier, nous sommes seuls dans cette nature sauvage… si ce ne sont une multitude de marmottes qui se dressent au passage de nos motos pétaradantes.
Pataudes dans leurs démarches, elles portent un épais pelage presque roux. Elles gambadent à travers le vert pâturage que cette vallée offre. On coupe le moteur pour mieux les observer ou les écouter, puis elles disparaissent dans leur terrier et nous continuons notre chemin.

Notre route bifurque vers un ciel nuageux, laissant la Suru et ses eaux argentées s’évanouir parmi d’imposantes montages sur notre droite. Lentement, nous poursuivons notre difficile épopée, qui nous permet de tester les qualités inébranlables de nos motos.

Au bout de deux heures, nous arrivons à l’entrée du col, dont le stupa bienveillant nous accompagne le temps d’une pause fruits secs. Abricots, amandes, figues, noix et mûres seront nos fidèles en-cas énergétiques.


C’est ainsi que nous quittons la vallée de Suru. La route serpente de nouveau, passant quelques lacs d’altitude au milieu d’une lande verte et 15 minutes plus tard, nous arrivons enfin au col de Pensi-La (4494m alt.), porte d’entrée de la vallée de Zanskar, et nous sommes émerveillés.


Sous nos yeux se découvre l’immense glacier de Darung Drung (long de 23km) qui allonge sa large langue parmi de puissantes montagnes aux pics immaculés. Incroyable. Nos yeux peinent à se détacher du spectacle hors d’échelle qui nous est offert. Le massif semble ridicule comparativement au glacier qui vient de tellement loin, dans l’infinité blanche des hauts sommets enneigés.

Le même sentiment de vertige nous touche quand, un peu plus loin, nous apercevons la route que nous devons emprunter.
Située 400m plus bas, la rivière Doda et ces affluents dessinent une immense et large vallée qui se profile sur des kilomètres à l’horizon.

La descente est raide, la chaussée est étroite, caillouteuse et boueuse et les nombreux lacets glissants ne rendent pas le moment des plus agréables.
Marion est hyper concentrée, et s’interdit de regarder en contrebas, les croisements avec les rares véhicules se font du côté du mur, et Brice lui fait du coaching-virage.
Cela semble à Marion interminable. Elle repense au mec sur son scooter…

En rejoignant la plaine, nous pensions naïvement que la route serait de meilleure qualité, mais quelle erreur. Nous enchainons des kilomètres et des kilomètres de piste caillouteuse, qui bien que large nous impose de zigzaguer entre les nids de poules que nous ne comptons plus, les ornières, les flaques de boues ou d’eau, les patchs de sable et les restes d’éboulement. Cette route qui file droit, à travers ce paysage magique, mais qui nous demande tant d’effort, et nous empêche de rouler vite.

Au bout de cette longue ligne droite frustrante, le calvaire n’est pas terminé.
Bien que le panorama soit incroyable et émouvant, il n’en demeure pas moins inhospitalier. À mesure que la rivière se creuse et amorce de nombreuses boucles, et que la vallée nous fait passer parmi d’imposantes montagnes, le plafond nuageux se réduit et le vent se lève. Notre radio grésille à chaque fois que l’un de nous passe un virage et que le signal est obstrué par la paroi rocheuse. La chaussée n’est toujours pas de meilleure qualité et nous fait faire des circonvolutions autour du relief accidenté de ce paysage désolé fait de mornes pâtures, et d’éboulis de roche.
Nous roulons tête baissée et genoux serrés autour du réservoir dans cette vallée que Brice, fatigué et démoralisé, qualifie de Mordor.
Il est près de 13h00 (nous sommes partis à 8h30) lorsque, enfin, le premier village pointe au détour d’une boucle. Des maisons, des gens, des cultures !  La civilisation.

Nous nous posons le temps d’une double Maggi Soup préparée par un gentil papy édenté, et fermons les yeux quelques minutes alors que dehors le vent souffle sur les drapeaux multicolores tibétains et que le soleil refait son apparition.


Requinqués par ce break et par le temps radieux, nous redémarrons nos motos, motivés.
Le village d’Akshu n’est plus qu’à 50 km de Padum, mais au train où l’on va, il nous reste trois bonnes heures de route.

Les stupa s’égrènent sur le chemin. Des hameaux parsemés de maisons blanches se succèdent de plus en plus fréquemment.
Nous longeons les murets de cailloux délimitant les parcelles et les champs entourés de fleurs de toutes les couleurs. La route rectiligne n’en est pas moins meilleure, et nous sommes extenués. Quelques panneaux de signalisation font leur apparition dont le très agaçant « limité à 30km » quand notre compteur peine à dépasser les 20… car encore des cailloux, des routes inondées par des rivières, des gués pierreux et surtout la fatigue qui nous fait ralentir tant nous peinons à accepter ses tressauts.


Néanmoins, ce paysage nous met du baume au cœur, car nous savons désormais qu’au bout de cette large vallée fertile, au confluent de la Doda et de la Zanskar se trouve Padum, notre destination.

Douze kilomètres avant la ville, nous traversons un pont de fer quand soudain, une route d’un asphalte frais se déroule sous nos yeux. Ô joie !
Nous n’en revenons pas.
C’est doux, c’est lisse, on a l’impression que nos motos remuent de joie du pot d’échappement.
Nos fessiers et nos avants bras sont ravis.

Le village de Padum se rapproche. On sent le vent caresser notre visage.
Les derniers kilomètres se font en quatrième vitesse – dans les deux sens du terme. Nous y sommes presque !

Rangdum – Padum : 117km (08h25’) – done

Notre dernière mission est de retrouver nos amis Sjoerd et Manon.
Lors de leur départ de Gagangir, nous nous étions promis de nous retrouver à Padum, qu’ils ont rejoint quelques jours plus tôt.
Padum est beaucoup plus gros que nous ne le pensions. Elle a des allures de gros bourg formé de deux rues marchandes qui se croisent et dont les faubourgs rejoignent une multitude de petits villages ou de hameaux éparpillés à travers les champs fleuris du large delta à la confiance des fleuves.

L’électricité est délivrée sporadiquement, il n’y a pas de réseau téléphonique, et internet n’est disponible qu’à faible débit, par satellite dans les deux onéreux taxiphone de la ville.
Pas facile donc de rentrer en contact avec nos amis.

Éreintés par notre trajet, nous choisissons néanmoins de passer au taxiphone, pour laisser un message aux copains. Quelle belle coïncidence : alors que nous descendions maladroitement de nos montures, retirions nos casques et nous époussetions de la poussière accumulée depuis deux jours, le minuscule van pimpant immatriculé à Goa apparait au bout de la rue.

Heureux de les retrouver, et las de tant d’efforts, nous nous laissons porter, suivant le petit camion pour aller nous installer dans un hôtel au calme, situé au pied de la colline du hameau de Pibiting.

Nous sommes tellement contents d’être là.
Ça va être bien.

6 thoughts on “Moto, Photos, Momos, Dodo (Partie 2)

  1. Hellou coucou ! Malgré votre faible allure aviez-vous la joie de profiter de ces pittoresques paysages que vous nous avez fait admirer ? Merci et bravo, vous avez dû vous sentir bien seuls parfois. Un peu de repos bientôt ? Nous attendons avec impatience le prochain post…!!! Ils sont tellement fréquents maintenant que nous y prenons goût. Gourmandise ..quand tu nous tiens.!!!! A bientôt….

  2. Coucou les amis !
    Le Mordor??!!
    Bon je ne vis cette aventure qu’à travers vos photos et votre récit, mais bien qu’inhospitalier, le paysage est incroyablement beau et majestueux.
    Je penserais plutôt à un monde magique habités par des êtres enchantés mi-elfe, mi-marmotte, mi-tamoul :))

    En tout cas je suis content que vous et vos destriers soyez arrivés de toute pièce.

    Un abrazo fuerte a los dos!

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