Clef à molek

Prologue : La carte au trésor

Notre vieil Allemand à Bukittinggi ne s’était pas trompé. On rêvait d’une aventure et on l’a eu ! Une ville qui n’a jamais vu aucun touriste, des gens qui ne parlent pas un mot d’anglais, une route défoncée, un train qui ne ressemble pas à un train… et une mine d’or !DSCF5318On est hyper motivés et excités à l’idée d’aller rejoindre cette vieille mine d’or. Une vraie chasse au trésor.
L’histoire raconte que ce sont les Hollandais qui la dirigeaient. Une mine d’or coincée dans la forêt primaire au milieu de l’état de Bengkulu, l’un des états les plus isolés de Sumatra.
La mine étant en permanence sous l’eau, les conditions d’extraction étaient trop compliquées.
Les Hollandais seraient partis, abandonnant la mine aux habitants qui l’exploiteraient désormais de manière artisanale. Bon, on n’y croit pas trop, mais on n’a pas réussi à avoir des infos plus précises.

On va voir ce qu’il est en est. Nous montons donc dans un minibus, à la sono’ toujours aussi proche du bruit d’un avion au décollage. On a peur de perdre en audition. Et même nos bouchons d’oreilles fait maison, ont du mal à compenser les décibels.
Mais ça n’a l’air de déranger que nous…

Ainsi, après une dizaine d’heure assis, à zig-zager sur les routes de Sumatra, longeant parfois l’océan Indien et nous faufilant sur des kilomètres à travers les plantations de palmiers à huile (c’est énorme ces grappes de fruits !), nous arrivons à la nuit tombée dans la petite ville de Ketahun sous une bruine fine.
Nous nous attendions déjà à un avant-poste du farwest, alors nous ne cachons pas notre joie d’y trouver un peu de vie et de lumière, et la faible activité qui y règne nous redonne du baume au cœur.
Une mosquée, un marché, une grande rue et un losmen (petite auberge) on ne peut plus propre. Parfait !
Après avoir retiré nos bouchons d’oreilles et posé nos affaires, nous partons nous renseigner pour rejoindre le village de Napal Putih, situé à 2h de route. On nous dit qu’il n’y a pas de bus. Pas d’oplet non plus. Mais finalement, ça s’appelle un mobil ici. On comprend qu’il y en a un à 7h, 8h, et 9h… suivant notre interlocuteur.

Le flou des informations à Sumatra – notamment celle concernant les transports – justifie notre stratégie de demander son avis à chaque personne que l’on croise sur cette longue et unique rue sombre mais où les gens sont des plus accueillants.
Et ici, pas besoin d’effort pour briser la glace, puisque chacun, du plus jeune au plus âgé, les mamies, les conducteurs de camion, les commerçants, tous nous remarquent et nous lancent des sourires, certes timides, mais décidés à nous répondre.
Et puis, poser ainsi des questions à chacun permet aussi de nous faire connaitre. Ce qui veut dire qu’on va s’occuper de nous.

Sans anglais et avec nos bases rudimentaires de bahasa indonesia, nous devons souvent utiliser ce merveilleux outil qui différencie l’Homme de l’animal : l’interprétation.
On ne sait pas comment on y parvient, mais on arrive étonnamment à se comprendre…
Le lendemain matin, on se réveille pour trouver le mobil de 8h00… les gens nous aident, nous indiquent où attendre… mais la réponse semble unanime, il ne part pas avant 10h, ou 11h, ou midi…
Pas grave, on se fera un teh et un gado-gado en attendant, assis sur notre banc en bois, à « papoter » avec les locaux plutôt étonnés de nous voir ici.
On apprend le mot mas, qui veut dire or.
Oui, car quand on dit qu’on cherche à rallier Lebong Tandai – notre Eldorado, les gens savent qu’on part trouver de l’or !

Vers 11h, on s’entasse finalement dans une toute petite camionnette remplie à ras-bord de chips, œufs, sucre et poissons séchés, ainsi que quelques passagers pour les 39km qui nous séparent de Napal Putih. DSCF4829S0024845 S0114857 S0274905Ce mobil sert de camion de ravitaillement pour les deux-trois échoppes du village (un peu comme à Khetchapuri), et après 2h de piste boueuse et accidentée qui longe la mine de charbon à ciel ouvert, après avoir déchargé toutes les victuailles et les passagers à travers le village, nous sommes enfin déposés à la « gare», faisant ainsi connaissance avec… LE molek !DSCF4933

Le train de la mine

Posé sur un châssis corrodé en acier de seconde main, la caisse de ce petit transport précaire est construite en bois. Il mesure un bon gros mètre de large pour trois de long et les passagers sont installés sur trois banquettes en bois très dures… Un moteur à essence fumant et bruyant propulse poussivement l’engin sur des rails à l’écartement aléatoire d’une soixantaine de centimètres.
Voilà. C’est tout. Pas de fioriture, pas de 3AC, de « couché-mou », de 2nd Class, ici tout le monde est logé à la même – rude – enseigne.DSCF4949 S0344923À l’époque des Hollandais, il y avait bien une vraie motrice diesel (plus tard, on nous montrera fièrement les plans d’avant-guerre un brin nostalgique) mais, le manque de maintenance du matériel roulant et de la voie ferrée ont dû avoir raison d’elle et c’est seulement avec cette petite voiture que nous pouvons désormais nous rapprocher un peu plus de notre ultime objectif, situé à moins de 40km et pourtant plus de 4h de voyage.

Il n’existe aucune alternative. Et ce chemin de fer de fortune constitue l’unique moyen de communication permettant de rejoindre et d’approvisionner ce village isolé. La famille qui s’occupe de cette « gare » nous informe qu’il n’y a pas de molek pour le jour même, mais que quelques-uns partiront le lendemain matin. Elle nous invite gracieusement à dormir chez eux. On pose donc nos affaires.DSCF4944 DSCF4968Il est 13h, il est encore tôt, alors nous lézardons tranquillement…
Jusqu’à ce qu’une grosse voiture s’arrête. Trois hommes en débarquent (Syahril, Suswandi-se et Taslim – nous apprendrons par la suite qu’ils sont d’anciens du village). Ils veulent rejoindre Lebong Tandai le soir même pour y porter des tracts électoraux.
Quelle chance pour nous !
Un molek est donc spécialement affrété. Et nous sommes invités à nous joindre à eux. On se laisse porter, on les suit.DSCF4981

C’est ainsi que nous nous retrouvons vers 16h, assis à l’avant du molek, découvrant la rudesse de ce nouveau moyen de transport peu ordinaire (on nous demandera par hasard si on a des molek en France « … »).
Oubliez l’inconfort des trains indiens de 2nd Class et la poussière omniprésente, oubliez les trains birmans bondissant, oubliez le vacarme des mono-cylindres assourdissants sur le lac Inle.
Ici, c’est pire.
On circule en pleine jungle, l’élagage des voies n’est plus entrepris depuis bien longtemps, et les branches d’arbres s’écartent sur le passage du molek, raclent les flancs du wagon, et nous fouettent le visage à travers les ouvertures. On se retrouve alors avec toute sorte de fougères, et rameaux, quand ce ne sont les sangsues – se laissant choir des feuilles – qui s’invitent.DSCF4533 DSCF4472 DSCF5694DSCF4472 DSCF5666DSCF4574 DSCF4489 DSCF5036DSCF5688 DSCF4599

La voie est en piteux état, les glissements de terrain successifs ou les mouvements des racines l’ont lentement déformée.
Parfois non fixées au sol, les traverses en suspensions permettent néanmoins d’assurer un écartement constant, mais le roulis vertigineux alors pris par le molek a de quoi nous surprendre.
DSCF4556DSCF5685 Quand le rail n’y est plus fixé, le parallélisme n’est plus garanti et notre véhicule roule au pas pour prévenir la casse.
Parfois ça passe à renfort de grandes secousses, parfois nous sommes stoppés net dans notre élan quand le boggie vient à buter sur un rail trop « en dedans », notre visage terminant sa course sur le fin pare-brise en plexiglas.
Alors, on recule, et on réessaie.
Si ça ne passe toujours pas, le chauffeur met pied à terre et installe une entretoise de fortune, réalignant provisoirement le rail à l’aide d’un morceau de bois.DSCF5670DSCF5644DSCF4529DSCF5695DSCF4593Et quand l’écart est trop important, que la vitesse ou l’angle d’approche n’est pas adapté, on déraille.
Tout simplement.
À ce moment, tout le monde descend et met la main à la pâte.
On soulève le chariot, on le balance, et hop, on le remet sur la voie, facile.Stitched PanoramaDSCF4542 DSCF5725 DSCF4547

Enfin, il n’y a aussi le cas « sans rail ». Des rails disjoints de 10~15 cm. Et même à très petite vitesse, ça ne passe pas. Qu’à cela ne tienne, les conducteurs ont eu l’idée de combler ces trous par des tasseaux de bois… pourquoi pas, ça marche, et on repart.
DSCF4635DSCF4533DSCF5633DSCF4619On accélère, on ralenti, et à petit rythme, nous rejoignons un pont cassé, toujours en pleine forêt vierge.
Il n’est plus utilisable, la rivière l’a embarqué il y a de cela quelques années. Il faut donc descendre à pied dans le lit du cours d’eau et remonter de l’autre côté pour attraper un autre molek.DSCF5089 DSCF5759Les sacs et cargaisons sont transbordés d’un côté à l’autre par un câble suspendu… Tout le monde se réinstalle, le « fret » est posé sur un petit wagonnet, arrimé au molek à l’aide d’une simple corde.
Il transporte les sacs de riz, de farines, d’oignons, et toutes denrées et équipements nécessaires au village. Car là-bas, mis à part l’or, (et les œufs fournis par les deux-trois volailles) rien n’est produit, il faut tout importer.
En 20min, la correspondance est faite. Et nous repartons de plus belle sur les rails déglingués de cette voie improbable. Les ponts se multiplient et leurs hauteurs décuplent – et l’angoisse avec elle, exacerbée par le grincement de la structure rouillée du viaduc sous le passage de notre trépidant moyen de transport.DSCF5069DSCF5621 DSCF4495 On n’est pas rassurés, d’autant qu’il commence à faire nuit, et que lorsque le faible phare du molek faiblit, on se retrouve plongés dans les ténèbres hostiles de la jungle.

Mais après deux tunnels, nous commençons à ralentir (enfin aller encore moins vite que la vitesse à laquelle nous roulions alors).
Quelques lumières scintillent au loin, de part et d’autre d’une rivière et quelques habitations en bois apparaissent.
Le chemin de fer se faufile le long des maisons, des visages apparaissent aux fenêtres à mesure que nous les longeons. Les lampes de poches sont allumées. On entend le bruit de l’eau de la rivière. On se demande tout de même où nous sommes.DSCF5132DSCF5557 DSCF5575 Ça y est. On est arrivés à Lebong Tandai.
On a l’impression d’avoir fait un voyage dans le temps. Ici, c’est le farwest. On se croirait à l’époque de la ruée vers l’or, mais sans Charlie Chaplin, l’obscurité ne nous aide pas à nous sentir à l’aise.
Il ne manque que les cowboys.DSCF5563 DSCF5565 Heureusement, nos compagnons de route nous invitent à les suivre.
Ils vont dire bonjour ici et là, et nous propose un passage éphémère dans un buibui vraiment buibui, chez la femme du fils de l’Iman (Enfin, c’est ce qu’on a compris).DSCF5101 DSCF5113On a encore les oreilles qui sonnent dû au vrombissement du moteur.
Et l’ambiance définitivement sous éclairée, le sol en terre battue, les cloisons en bois placardées de papier journal, la fumée des cigarettes qui s’allument, tout cela fait de cette minuscule gargote un endroit hors du temps.Stitched PanoramaEt toujours pas un mot d’anglais, nous sommes ivre de la fatigue de cette longue journée. Communiquer, essayer de comprendre, de tirer l’information utile dans une langue intégralement étrangère pompe beaucoup de notre énergie.
Mais la chaleur des sourires et du thé nous réconfortent rapidement.
On est pas mal tombés, et même bien accueillis.

Mais il nous faut trouver un endroit où dormir. Taslim nous « dit » qu’il a un ami. Pas de problème. De toute manière, il n’y a pas d’hôtel, pas de losmen.
Ici au bout du bout du monde, on n’attend pas de voyageur.

On les suit, encore, on se laisse porter, encore, dans l’unique rue du village, saluant les locaux qui nous observent. Il fait nuit et ce village est quasiment plongé dans l’obscurité.DSCF5116DSCF5585DSCF5124DSCF5541Mais nous entendons un bruit continu. De l’eau qui coule, des moulins et des cuves qui tournent, des cailloux charriés… Partout ce bruit, devant, derrière nous. Et partout de l’eau.
Ça fait vraiment beaucoup de bruit et il semble y avoir des installations partout.

Dans le noir, nous rejoignons la maison de Yuneli, le chef de la mine.
Ah ouais ! Il y a un chef de la mine !
Chez lui, même atmosphère figée dans le temps, lumière blafarde, des échantillons de cailloux, un casque…DSCF5392 DSCF54901 DSCF5395Mais il n’est pas là, alors nous allons poser nos affaires chez la sœur de Suswandi-se, Mulyani (et le neveu, Muhardi), trop contents d’accueillir les deux bule avec un bon repas. Et puis tient, on les gardera aussi pour dormir.DSCF5598DSCF5154Stitched Panorama

La soirée se passe bien, on « discute » tant bien que mal, et nous filons nous coucher.
Brice dans une chambre, à même le sol avec Muhardi et Suswandi. Marion dans une autre avec Mulyani. Il y a 20min, on ne se connaissait pas. Là, je dors sur un petit matelas une place avec elle…
Mais dehors, il y a toujours le vacarme incessant d’eau qui coule, de cuves qui tournent et de cailloux charriés… Et quel vacarme, surtout avec ces maisons sans fenêtres. Les habitants s’y sont habitués, s’en accommodent.

La ruée vers l’Or

Le lendemain, ce n’est pas le bruit des mélangeurs qui nous réveille mais celui d’un marteau pilon bien matinal.
On découvre enfin ce village à la lumière du jour. De vétustes bâtiments de béton de l’époque des Hollandais, cohabitent avec de brinquebalantes et modestes maisons en bois plus récentes.Stitched PanoramaDSCF5434 DSCF5457 DSCF5466 DSCF5365 DSCF5462On se croirait dans une cité ouvrière. Notre maison est mitoyenne d’une autre, identique. Elle-même mitoyenne d’une autre identique. On doit être dans l’ancien quartier des contremaîtres.
En face de nous, la voie du molek, et tout autour ce bruit perpétuel avec, en arrière-plan, la forêt tropicale d’un vert profond.DSCF5601 DSCF5294 DSCF5229Stitched PanoramaUn riche petit déjeuner avalé, et voici que nous prenons conscience de ce qu’est ce bruit.
Partout dans le village, chaque famille possède ses installations.
Partout on voit de l’eau qui coule, des tuyaux pour la canaliser, et des grosses turbines pour récupérer son énergie.
Par d’ingénieux systèmes de poulies, toutes les machines sont entraînées par les turbines à eaux.DSCF5505Stitched Panorama DSCF5356 DSCF5472 DSCF5480 DSCF5460C’est aussi l’eau qui permet d’apporter de l’électricité dans chaque maison. Chacun ayant un petit générateur, suffisant pour alimenter la lumière blafarde (chez nous, nous avions 3 ampoules en tout et pour tout et constamment allumées – pour éteindre, on dévisse l’ampoule, pas besoin d’interrupteur) et extrêmement rarement le poste de télévision ou le frigidaire.

Et ainsi, dès le matin, tout le monde se remet au turbin.
Et nos hôtes ainsi que leurs voisins se font un plaisir de nous expliquer ce qu’ils font, et comment on peut avoir… de l’or !

Tout est totalement artisanal, le temps de la production industrielle est révolue, et chaque famille travaille – en gros – dans son coin.
Si nous ne sommes pas allés visiter les galeries de la mine, on a pu voir le ballet matinal des mineurs chargés de leurs fardeaux de cailloux.DSCF5235 DSCF5234 DSCF5327Stitched PanoramaChacun concasse le minerai à sa manière, plus ou moins fin, au marteau ou au pilon pour les mieux équipés.DSCF5287Stitched PanoramaUne fois concassé, on introduit ce gravier dans des tambours, avec de l’eau, du mercure, et des « trucs » pour aider à mélanger et donc améliorer les surfaces de contacts (parfois de vieux bouts de ferraille, parfois de simples cailloux).DSCF5177DSCF5158DSCF5173DSCF5163
On referme de manière étanche le tambour, on réembraille la courroie sur l’arbre constamment mu par la turbine et tourne tourne tourne…
… pendant près de 24 heures, cette opération va permettre de soutirer l’or de la roche.

À chaque fois que l’on ouvre le tambour et y plonge son bras, l’ouvrier prend bien soin de nettoyer chacun des outils et ses mains afin de récupérer le maximum du précieux alliage.
Car en effet, la solution grisâtre à l’intérieur des tambours possèdent de l’alliage en suspension.DSCF5491On collecte donc cette eau et par décantation, le mercure pur et l’alliage (mercure (mercuri) / argent (perak) / or (mas)) tombe au fond de la bassine…
À travers un morceau de tissu, on récupère le mélange mercure pure / alliage, et on le presse et le malaxe pour en extraire le mercure liquide et ainsi ne récupérer qu’une boule d’alliage très malléable et amusante à toucher – si l’on fait abstraction de sa toxicité.DSCF5500DSCF5168DSCF5502DSCF5504DSCF5174DSCF5161
Wouah, c’est de l’or ?!
Ben nan.
Ce n’est pas encore de l’or, on doit désormais séparer le mercure de l’alliage.
Pour cela, la boulette est introduite dans un petit tube chauffé sur un brasier.
L’élévation de température va faire couler le mercure, pour que l’on ne conserve que l’alliage or/argent et quelques impuretés.
Pour se débarrasser de ces dernières, on transfert cet alliage dans un creuset que l’on passe à haute température au chalumeau.
DSCF5176DSCF5183 DSCF5202 DSCF5204
Donc ça y est c’est de l’or ?
Non plus.
Nous aussi croyions que cette nouvelle pastille était de l’or.
On s’en serait limite contenté…
Mais au détour d’une rencontre, et alors qu’une averse bat son plein dehors, on est accueillis chez un ami avec tout plein de gens.
Et là on comprend (toujours sujet à interprétation bien sûr) que la pastille récupérée plus tôt… n’est qu’un « vulgaire » alliage argent/or (à 30%)
Et que pour le séparer de l’argent, il faut finalement réaliser un dernier traitement à l’acide nitrique, pour enfin avoir l’or pur (mas murni). Et là, notre ami d’ouvrir son tiroir cadenassé, de déplier un morceau de papier et une pastille d’or d’un centimètre et demi de diamètre glisse dans sa main.DSCF5508

Et ça mon pote.
Ça, c’est de l’or à 99.99%
Et on comprend notre bêtise plus tôt.
L’or, c’est incroyablement lumineux.
Ça brille, ça a une puissance, une chaleur… même dans le noir, ça luit.
…et c’est diablement lourd…
C’est peut-être la seule fois de notre vie que nous verrons de l’or pur.
Et de le voir dans ces conditions, dans une simple cahute en bois, de la terre au sol, une demi-douzaine de types, le sourire aux lèvres et la clope au bec rigolant et heureux de montrer quelque chose au bule, une atmosphère de bout du monde, la pluie qui tape sur les toits de tôle ondulée, les machines qui tournent dehors… rendent la chose encore plus unique.

Le procédé est loin d’être efficace, un peu dangereux (le mercure à malaxer et ses vapeurs… sans parler du passage à l’acide nitrique) et la récupération n’est pas du tout maximisée.
Mais de toute manière, ils n’ont pas l’air d’être là pour devenir des Picsou. Les types travaillent un peu et papotent beaucoup.
Et puis mine de rien, ils arrivent à vendre le gramme d’or à 445.000 IDR quand le cours actuel (très bas à cette date, il est vrai) est de 485.000 IDR… pas mal…
Ils sont aussi sur un filon exceptionnel (semble-t-il), à un rendement incroyablement élevé, à la limite de l’entendement…

Et toujours la même richesse de ces gens à Sumatra et cette hospitalité si généreuse.
On a été nourris, logés, baladés sans même que l’on ait à le demander… Tout le monde, très vite dans le village nous connaissait. Aucune animosité. Nous qui craignions d’être vus comme des intrus.Finalement, tout le monde nous a reçu avec une grande joie, les questions habituelles, la curiosité indonésienne, mais tout en retenu (ou timidité due à la barrière de la langue ?).
DSCF5206 DSCF5225 DSCF5232 DSCF5258 DSCF5259 DSCF5265Les enfants qui courraient avec nous, s’ébahissent des croquis de Marion, nous tiraient par le bras pour nous montrer ceci ou cela, en nous expliquant des choses que l’on ne comprenait pas, nous montrant fièrement qu’ils peuvent sauter du haut du pont ou aller cueillir tel fruit en haut d’un arbre.DSCF5279 DSCF5267 DSCF5292 DSCF5346DSCF5293 DSCF5426 DSCF5444 DSCF5454 DSCF5457
Le molek du retour est long, et plein de déraillements, sangsues et branches en tout genre. DSCF5613Mais en arrivant à Ketahun, on réalise doucement le voyage dans le temps que nous venons de faire.

Nous aurons passés deux jours sans parler un mot d’anglais. Et pourtant… on n’a aucun souvenir d’une quelconque incompréhension.
Encore une fois, il existe des gens qui vivent si loin de nous, de nos références, de notre culture qu’il en est parfois déroutant de découvrir cette simplicité de contact et d’échange.

Tout le village vit autour de l’or. Les hommes partent le matin pour creuser et ramasser les cailloux, qui sont concassés, mélangés, liés, séparés, assemblés, brûlés… pour quelques grammes d’or.

Nous, on remarque tout de même qu’il n’y a pas de vieux dans ce village. Le mercure au quotidien ne doit pas aider.
La quête du précieux. D’une richesse impossible…

C’était un beau voyage dans le temps, au beau milieu du 21ème siècle…

 

16 thoughts on “Clef à molek

  1. bin vla !
    ça, ça troue le cul !
    même koh lanta à côté c’est cheap
    purée,
    et donc, vous voilà immensément riche…en or
    et surtout par ces rencontres du bout du monde
    parait que le club med veux y réaliser un village, avec des animations, des touchers de gens en vrai

    dans le texte, (je ne sais pas qui écrit), il y a des sangsues qui se laissent « choir »
    à ce moment, du voyage, le train pourri, les branches, le pont cassé, le pout pout pout du moteur,
    eh bien tu sais quoi, les sangsues choissent, si!
    chez nous elles seraient tombées comme des m…
    là-bas, non les sangsues choissent…quoâ !
    le contact avec le club med sera plus facile…

    on vous aime
    vous êtes beaux
    bises bises

    ps quand vous faites un petit film, faites causer les autochtones, qu’on ait un peu « d’eux »
    re bises

  2. Super ce molek ! ça donne des frissons…et c’est pour ça qu’un lingot d’or vaut plus de 32 000€. Bisous

  3. INCROYABLE. Ce post est juste dingue. On a en meme temps envi de faire le voyage dans ce petit train, et en meme temps on sait que vous avez du en baver. Bravo.

  4. sacrée aventure ! Au final, avec ce que vous avez trouvé en or, vous avez gagné de quoi continuer votre voyage pendant combien d’années ??

    sur une des photos on dirait que le train penche à 45° !! Dis moi que t’as penché l’appareil photo sinon, je te croirai jammaaaaaaaiiiss!!!

  5. Salut la bourlingue!
    Je rattrape le fil de vos aventures, c’est passionnant de vous suivre.
    Et le train « express » pour aller chercher l’or, ça, c’était vraiment un post magique.
    Grosses bises

  6. Oh la la.
    Mais c’est quoi ce post d’extraterrestre.

    Vous me faites pensez aux émissions :
    Des trains pas comme les autres – mais en mieux parce que même dans l’émission je n’ai jamais vu des trains de ce niveau la.
    Nus et culottés – mais en mieux parce que eux ils ont été chercher de l’or qu’en Suisse et ils y ont été en voiture sur des routes alsphaltées
    Indiana Jones – mais en plus sympa parce que lui il a tendance a tuer les autochtones alors que vous vous devenez copains avec eux.

    Et le tout me fait penser à la bourlingue. ..MAGIQUE.
    La vidéo elle top également. Et puis les ponts quoi…Oh la la!
    Peut être n’êtes vous pas au niveau du baroudeur Allemand, mais vous êtes tout de même de sacrés baroudeurs.

    Et j’ai l’impression que quelque soit le peuple et la culture, les croquis de Marion sont un super moyen de contact avec les guosses. A tous les coups tous les guosses se rassemblent et échangent avec vous.

    Ne changez rien à votre manière de voyager.
    Sauf peut etre le mercure. (Faites gaffe et puis pauvre environnement quand même). Et la barbe..??

    Bref, bravo. Je vous admire.

  7. Absolument génial ! Par contre le capitalisme occidental c’est vraiment le plus fort, parce que pour aller mettre une publicité pour la Playstation 3 là-bas…
    Pas mal le « Express » sur le molek, assez relatif !

    1. … Je n’ai pas forcément idée de la pub dont tu parles… Mais en général (et le constat se fait aussi en Inde) et c’est souvent l’inverse. Les gens récupères les panneaux publicitaires, pour s’en servir comme simples bâches… Le caractère publicitaire disparaît, et surtout l’identité du produit et son message.
      Par exemple, cela ne se voit pas trop mais une des nattes du salon de nos hôtes était…un panneau publicitaire pour des clopes… On posait donc notre séant sur une grosse tête de mort pour prendre le thé.

      1. La 3e photo au-dessus de la video « casser des cailloux ».
        Oui je sais, c’était pour faire du mauvais esprit 🙂 J’imagine bien que Sony ne cherche pas à échanger des Playstations contre des galettes d’or. Mais je suis toujours quand même étonné de voir à quel point nos merdes peuvent se retrouver partout. Dans votre post il y a un gars avec un débardeur California et un vieux avec une casquette des Chicago Bulls mal imitée…
        Bises

  8. « Le procédé est loin d’être efficace, un peu dangereux » – eh mais faites faites gaffe à vous! Le mercure c’est hyper toxique, et j’ose même pas imaginer comment ils utilisent leur acide nitrique (y’a pas un seul gant sur vos photos!!)

  9. WOuaaaaahhhhhh !
    Mais … je sais même pas quoi dire !!!
    Mon post préféré depuis le début !
    C’est plus un voyage, c’est plus une expérience, c’est plus une aventure là, c’est carrément….un truc de ouf !!!
    J’ai tellement été absorbé par ces quelques lignes et ces quelques photos qui décrivent ces deux jours, que j’ai l’impression que c’est un de MES souvenirs ! J’aimerai tellement pouvoir vivre ça, que j’en suis nostalgique !
    Vous m’avez subjugué les amis !

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