À vue de nez

Retour obligé par Itanagar pour une nuit.
En arrivant à l’hôtel, on papote avec Karma le manager… qui nous propose de nous accompagner à Ziro le lendemain.
Super ! Pas besoin de se lever aux aurores pour prendre le sumo, pas de diesel bruyant, on ne sera pas entassés à 4 sur une rangée de sièges peu confortables, pas de poussière … et c’est gratuit !

En bonus, on est invités à déjeuner dans sa famille. Si Karma est Mongba (une tribu tibéto-bouddhiste), Mina sa femme est Apatani, originaire de la plaine de Ziro, et traditionnellement, les Apatani mangent beaucoup de viande, et surtout du cochon !

Un bon repas nous est offert. Cochon fumé, tripes, le petit bouillon qui va bien, le gras, le riz… enfin, tout ! Puis Karma nous dépose à l’hôtel, négocie pour nous, et hop, nous voilà installés pour les deux prochains jours. Et eux…et bien ils retournent à Itanagar ! Lui, sa femme et son fils se sont fadés 4 heures de route aller – et on ne parle pas d’autoroutes mais de routes défoncées des montagnes arunachali – pour bouffer du cochon en 5 min !
Mais le cochon était bon, alors peut-être que ces heures de routes le valaient bien… !

Le lendemain, on part se balader dans les villages environnants, accompagnés de Gudhi, notre guide pour la journée. DSCF9799 DSCF9837 Stitched PanoramaDSCF0008 DSCF9848Ça nous permet d’échanger avec les gens, et surtout, d’en apprendre un peu plus sur l’ethnie du coin.

Les Apatani habitent exclusivement la vallée de Ziro. La vallée est entièrement recouverte de rizières, dans lesquelles on part se promener. DSCF0024DSCF0199 DSCF0036DSCF01571 DSCF0043Elles sont sèchent en cette saison, mais elles laissent apparaitre un paysage entièrement sculptés et maitrisés.
La vallée est paisible, les gens travaillent dans les plantations, et comme à Kabu, la nature est beaucoup plus préserver qu’au Nagaland.

Pour protéger le riz des maladies, les Apatani ont mis en place un système de canaux, creusés dans les rizières, dans lesquels nagent quantités de petits poissons, qui se nourrissent des insectes parasites du riz, pas bête.

Les habitations dans les villages sont en bois (le bambou est encore une fois la star) et construites beaucoup plus densément que dans les régions traversées plus tôt. DSCF9858DSCF9998 DSCF9855 DSCF9874 DSCF9879 DSCF9967DSCF0002 Stitched PanoramaCette promiscuité procure une meilleure défense contre les attaques de tribus ennemies… mais à l’inconvénient de propager rapidement les flammes lors d’incendie.

À travers ces paysages sculptés et ces villages, on découvre les femmes Apatani.
Réputées pour être belles, elles étaient souvent capturées par la tribu voisine, les Nishi.
Ainsi, pour les « protéger », il a été décidé de les enlaidir… Et pour cela, rien de mieux qu’une bonne vieille technique de tatouage et piercing.DSCF01422Presque toutes les femmes de plus de 50 ans ont tatoué sur le visage, un trait bleu épais qui part de la racine des cheveux jusqu’au bout du nez, ainsi que 5 petites lignes sur le menton. Cela représenterait un bras et une main.
À cela, s’ajoute deux gros plugs situés sur les ailes du nez. Noirs. Ronds.

Apparemment, il fût un temps où cette métamorphose devenait presque un phénomène de mode et prenait de la valeur. Plus la fille était belle, plus les plugs étaient gros…

Aujourd’hui, certaines femmes les ont retirés, mais il reste tout de même les trous de part et d’autre. Tandis que certaines autres ont tentés de faire disparaitre le tatouage en se scarifiant… Pas sûr que le travail soit mieux réussi…
Beaucoup d’entre elles supportent mal leur apparence, se trouvent moches et défigurées. C’est compliqué d’imaginer l’angoisse qu’il pouvait régner dans ces villages quelques dizaines d’années auparavant ainsi que le choix des parents de marquer leurs filles.

Nous arrivons dans ces villages, aux allures paisibles, à la rencontre de cette culture, de ces femmes. Mais ces dernières ne ressentent aucune fierté, contrairement aux guerriers coupeurs de têtes du Nagaland.

Sur le perron des maisons construites en bambou et en pin, les mamies Apatani font sécher le riz, et nous regardent passer. On salue d’un ayado-a (bonjour), certaines sourient de leurs 3 dents, quand d’autres nous regardent dubitatives… mais toutes refuseront que nous les prenions en photos par gêne.
DSCF0180DSCF0185 DSCF0202 DSCF0089DSCF0159 DSCF0086 DSCF0067Stitched Panorama Stitched Panorama DSCF0082 DSCF0083 Et même accompagnés de Gudhi, les échanges sont rares et distants.

Certains villages se préparent à accueillir les festivités de Myoko. Et de grands mats sont érigés dans la ville pour honorer Donyi Polo, le double dieu Soleil/Lune.DSCF0097Nous sommes accueillis avec des sourires timides, mais nous aurons la chance d’être invités à un wida, l’une des cérémonies de mariage. Et quel drôle de moment.Stitched PanoramaPour honorer la famille de l’époux, la famille de la mariée offre des morceaux de viande. De grands morceaux de cochon séché et fumé. Bien carrés. Ça fait quelques mois qu’ils sèchent, et c’est un travail très difficile puisqu’il faut empêcher les insectes d’en profiter, et bien faire fumer la viande. DSCF9961 DSCF9915 DSCF9916 DSCF9963 DSCF9934Le morceau mesure environ 1x1m, et 5cm d’épaisseur. Tout plat et rigide, il faut tout de même deux hommes pour le porter.
Le morceau est déposé devant un représentant de la famille du marié, et les négociations cérémoniales commencent. Si celui-là trouve le morceau pas assez ceci ou pas assez cela, il peut le refuser. Dans ce cas, on lui en apporte un nouveau ou on lui propose de l’argent en compensation. Apparemment, ça peut couter environ 10000 Rs. C’est très cher.
De nombreux morceaux de cochons passent devant l’assemblée, et ce cérémonial durera toute la journée.

Comme on est invités, on nous offre un bon repas de cochon : foies, gras et viande, et du riz bien gras ainsi qu’un verre d’alcool de riz (c’est pas mal dis donc !).
Dans la salle, tout le monde assiste avec plus ou moins de concentration à la « cérémonie de la viande de cochon » ! Le shaman accompagné de son écureuil mort (offrande) supervise le moment. Parfois, certains invités se mêlent à la conversation. Tandis que d’autres papotent dans leurs coin, en grignotant des chips.
Assis sur le côté (avec les femmes), on assiste en silence. On est très loin des cérémonies de mariage de chez nous. Les invités sont différenciés par la couleur d’un châle qu’ils portent. Ocre pour la famille de la mariée. Blanc pour celle de l’époux.
Mais l’idée d’un bon morceau de cochon comme dot est intéressante ! À étudier !

La famille du marié a refusé le 3ème morceau de viande. On lui apporte en échange de bon gros morceaux de gras, également fumés… On ne sait jamais !
Il est temps pour nous de partir.

Avant de quitter Ziro, nous imprimons quelques photos de Holi. On a décidé de faire un crochet par Tezpur pour aller les offrir à Megha et sa famille, et se quitter en terme moins flous !
Le détour est long et fatigant, mais la route est magnifique, on longe les vallées des fleuves himalayens. Cependant, la végétation tropicale nous rappelle que nous sommes en Inde, pas si loin du Bengale.
On entame notre dernière escapade en Arunachal Pradesh, en terre Tibétaine cette fois-ci.

9 thoughts on “À vue de nez

  1. moi, pour une fille, j’aurais donné du boudin !

    que ces cultures sont singulières, et ignorées
    pourquoi le porc est-il ce qu’ils ont de plus cher
    parce dans tous les peuples du monde, le porc existe
    ou alors pour le père, ça veut dire que la fille ne valant pas plus qu’une escalope, autant s’en débarrasser autour d’un bon repas

    il y a des frites-mayo avec ?
    bises bises
    évouzétoulà

  2. C’est très beau ! c’est quoi les jolis trucs en bambous avec des plumes (ou de la fourrure) avec des boules blanches ? un piège à poisson ou des œuvres d’art ? Bisous

  3. « Mais l’idée d’un bon morceau de cochon comme dot est intéressante ! À étudier ! »
    Brice, je doute que l’idee passe hyper bien dans une famille juive, meme si, si j’ai bien compris, c’est a ta famille qu’on offrira le cochon.
    A part ca, le manque commence serieusement a se faire sentir, on vous voit quand punaise? Arretez un peu de decouvrir le monde, venez donc redecouvrir vos amis (ou alors faite un chti detour par Bangkok le 2-3-4-5 Avril.

  4. Très sympa cette petite déco de cochon qui pendouille au plafond tiens je vais faire ça à la maison c’est super chic, j’aime beaucoup je ne comprend même pas pourquoi on y à jamais penser:)))
    et moi je suis d’accord avec le meilleur pote de Brice on veux vous voir en vrai:)

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