Dans la gueule d’Ella

Nous quittons notre petit îlot de quiétude de Dolosbage.
Le bus de tôle rivetée rouge serpente sur les routes qui redescendent vers Nawalapitiya.

La gare déserte augure d’un confortable voyage vers Ella. Nous nous réjouissons d’avance de pouvoir trouver une place dans le train.
Nous sommes bien naïfs !
Le train arrive bondé. Les portes bagages sont pleins et surtout, nous sommes surpris par la proportion importante de laowai.
Au bout de quelques arrêts, nous trouvons enfin une place assise qu’un gentil papy en sarong nous offre avant de quitter le train. Certains voyageurs n’ont pas cette chance et restent debout durant les six heures du trajet.

Le convoi progresse lentement dans un paysage vert émeraude.

Tantôt sur une crête, la voie ferrée embrasse les vallées, ponctuées de petites villes ou villages où le train ne manque pas de s’arrêter. Tantôt parmi les collines de buissons de thé, le train serpente, passant au plus près des piqueuses qui, comme à Dolosbage, travaillent toute la journée sous le soleil.


C’est alors dans les longues courbes que les touristes se penchent pour prendre les photos du magnifique paysage. Et nous faisons de même.

Lourde de son train de wagons, la poussive locomotive évolue difficilement alors qu’elle grimpe parmi les plus hauts sommets du pays – qui ne dépassent pas les 2550m, et atteint péniblement les 15 km/h.
Le paysage est alors totalement différent, beaucoup plus sauvage.
Nous sommes au cœur d’un massif forestier de conifères.
Pendant de longs moments, nous ne croisons plus aucun village, ni même de maisonnette, permettant ainsi de limiter nos arrêts.
Les bois sont pris dans un frais brouillard, et les Sri Lankais sortent bonnets et doudounes.

Dans les tunnels, de plus en plus nombreux, les locaux jouent à se faire peur en sifflant lors de ces sombres traversées. Et c’est amusés que les voyageurs sourient et se marrent des cris des uns et des autres.

Enfin, les côtes deviennent pentes, et les saccades reprennent alors que le train semble difficilement contrôler sa vitesse. Au sortir du plateau forestier de Horton, les paysages verts des montagnes nous ressautent au visage et notre arrivée à Ella se fait imminente.


Le train s’arrête… et se déverse alors un flot, une vague, ou plutôt un raz-de-marée de voyageurs avec leur sac-à-dos.
Sur les quelques 300~400 personnes descendues sur le quai, on ne compte pas plus d’une dizaine de Sri Lankais. Marion en a le souffle coupé, et hésite momentanément à remonter dans le train avant de lancer, la mine renfrognée, « on s’est jetés dans la gueule du loup ».

Nous arrivons tant bien que mal à nous extirper de la masse stagnante et nous mettons en quête d’un logement sans trop savoir à quelle sauce nous allons être croqués.
Nous tombons sur une petite auberge en retrait, qui après négociation, baisse son tarif de 60%, mais ne le répétez à personne et trouvons finalement nos habitudes dans l’un des seuls bui bui de la ville qui offre des prestations à des prix trop-cher-mais-acceptables.

Le village d’Ella n’est aujourd’hui plus qu’une rue bordée de part et d’autre de restaurants et bars à la musique bruyante, de guesthouses et de magasins de souvenirs, devant lesquels de non-chalands chauffeurs de tuk tuk attendent lascivement leurs proies.
Bon, le tableau est peut-être un peu exagéré, mais c’est ainsi que nous le ressentons.

Passée cette déconvenue, le cadre qu’offre Ella dépasse l’a-priori de cette rue très touristique. Les montagnes et collines environnantes regorgent de petits chemins qui, traversant des forêts de pins, nous offrent un panorama nouveau.

Après avoir franchi le fameux pont aux neufs arches (construit en 1921), niché dans une vallée luxuriante, nous évoluons parmi les plantations de thé qui font toujours partie du tableau.


S’y s’ajoutent quantités de pins, de palmiers et d’arbres en tout genre, et surtout des collines partout. Nous continuons le long du chemin du fer. La ligne sinue à travers la dense végétation et il nous est agréable de marcher le long de la voie ferrée, partiellement recouverte de mousse et jeunes pousses.


Nous ne sommes pas les seuls, mais le calme général du décor nous apaise.
Ce paysage est magnifique.

Devant nous se dresse Le Rocher d’Ella, alors que nous nous apprêtons à suivre la crête du Petit Pic d’Adam, pareille au dos d’un chameau.
Cette succession de collines recouvertes de hautes herbes touffues offre un paysage superbe que nous arpentons en sueur et avec joie.
Chacune des descentes sur l’étroit sentier poussiéreux est vertigineuse, mais une fois les sommets de chaque butte atteints, le décor change et nous motive davantage à continuer encore un peu plus loin.


Nous grimpons essoufflés, et redescendons abruptement avec lenteur.
À mesure que le premier sommet s’éloigne, nous sommes de plus en plus isolés et rejoignons le dernier promontoire, seuls.
Il y a un peu de vent, l’air est frais malgré le soleil de plomb.


Du bout de ce chemin qui mène nulle part, nous embrassons un camaïeu de verts, des hautes herbes qui dansent sous la brise, de la végétation dense tout autour, et en toile de fond, ce dégradé de bleu qui s’enfonce vers l’océan : le paysage devant nous est beau, et nous fait aisément oublier la ville.

En forme dans nos baskets, nous grimpons également au sommet du Rocher d’Ella, depuis lequel la vue sur le Petit Pic d’Adam est tout aussi belle.
Encore une fois, nous nous émerveillons des prouesses géologiques de la nature.

Après deux jours sur place, il est temps de quitter Ella. Nos devoirs administratifs nous attendent.

Afin de nous assurer une place assise dans le train pour le très long trajet entre cette région et Colombo, nous faisons un saut par la ville de Badulla, située en amont et beaucoup moins peuplée.

Départ aux aurores de cette bourgade de bout de ligne. Il fait encore nuit alors que nous nous installons confortablement sur nos assis-mou Ô luxe ! Nous nous sommes octroyés plus de confort en choisissant des sièges de seconde classe.



Nous pensions ainsi pouvoir profiter pleinement du paysage.
Mais la pluie et le brouillard sont au rendez-vous.
Peu importe, nous sommes tout de même charmés par ces paysages vaporeux, ces courbes, ces collines, ce vert, ces arbres et ces gares minuscules.


Nous arrivons éreintés à Colombo, après onze heures de trajet – et 300km !

Nous retrouvons alors les chaleurs suffocantes de la côte, les généreuses portions de rice & curry et quantités de jus de fruits.

Plus encore que lors de notre premier passage, Colombo n’est qu’une étape administrative.
Nous repassons voir l’aimable équipe de l’Ambassade de France et Marion reçoit son nouveau passeport au format Grand Voyageur !
Nous passons également une journée à l’Immigration où nous étendons notre visa pour deux mois supplémentaires.

Demain, nous repartons en direction du Sud et vers Galle.
Nous y retrouverons Charles et Maneyika, chez qui nous pensons nous installer un temps.

8 thoughts on “Dans la gueule d’Ella

  1. Ella Ella ouhouhou
    Tellement magiques les trajets en train. J’ai uniquement le souvenir en Turquie et c’était génial. Trop beaux vos paysages tout de vert (et du bleu des wagons)

  2. Coucou les jeunes !

    Malgré vos commentaires un ep’s négatifs, je trouve que l’ambiance est plutôt luxuriante et agréable. En tout cas, c’est ce que vous m’avez transmis.
    Paysages magnifiques, découvertes de pourquoi la ptite bosse que les hommes ont sur la gorge s’appelle la Pomme d’Adam (du nom du petit pic…), et petit voyage en train… je suis quasiment jalou 🙂

    Big Bisou !

  3. Hello les bourlingots! c’es magnifique et en temps de confinement, vous lire est encore plus agréable que d’habitude, ça fait tellement de bien, encore merci

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