On voulait comprendre…

Alors que nous cherchions un peu plus d’informations sur les différentes dynasties qui se sont succédées dans la région de Hyderabad, nous nous sommes perdus dans les limbes de Wikipédia. Nos digressions nous ont fait toucher du bout du doigt cette passionnante histoire des peuples qui ont gouverné cet immense territoire.
Très vite, cette recherche nous a menés bien au-delà des frontières actuelles de l’Inde, ouvrant sans cesse de nouvelles portes de l’extraordinaire Histoire de l’Asie Centrale, Méridionale et parfois même Orientale, plus intense et haletante encore qu’une fiction bollywoodienne.

Cette modeste étude nous a permis de reconstruire une chronologie, d’y localiser certaines figures historiques, et de les relier aux zones géographiques que nous avons eu l’incroyable chance de parfois traverser.
Comme dans les bandes dessinées de notre enfance, nous avons vu l’ampoule qui s’allume soudainement ! Comme si nous mettions en lumière le sentier que nous avons cheminé au cours des six dernières années.
Le contexte prend forme, et on s’écrit soudainement: « Ahhhh, mais c’est donc ça !!! »

Ainsi, nous avons tenté de faire un résumé ultra concis et non exhaustif des méandres des dynasties de la région. Du plateau du Deccan à celui du Tibet, en passant par le désert du Taklamakan, de la vallée de la Fergana au delta du Gange…
On ne commence qu’au XIIème siècle, et pourtant c’est déjà dense et fantastique.
Accrochez-vous bien !

Nous prenons l’histoire en cours avec les Mongols…

Timour, plus connu sous le nom de Tamerlan (1336-1405), est un chef de guerre turco-mongol du XIVème siècle qui a conquis une grande partie de l’Asie Centrale et Occidentale.

Son père se distingua en étant le premier de la tribu à s’être converti à l’Islam.
Il a mené ses armées des Dardanelles au Gange, et de la Sibérie au golfe persique.
Il profita du chaos au sein du sous-continent indien pour traverser l’Indus en 1398 et conquérir Delhi aux Tughlûq – alors, sous le Sultanat de Delhi et l’une des villes les plus riches du monde.
C’est l’une de ses plus grandes victoires.

S’en suivit trois jours de révolte des citoyens, réprimée dans le sang, précipitant le déclin du Sultanat de Delhi et jetant le Nord de l’Inde dans un siècle de confusion jusqu’à l’arrivée de Babur – premier Moghol – en 1519.
Timour tenta de reprendre la Chine aux Ming, avec l’aide des Yuan, tribu mongole chassé par les Han, mais mourut bien avant d’en rejoindre la frontière.

Lors de notre passage à Samarcande, en Ouzbékistan, nous avions visité le mausolée Gour Emir, qui abrite la tombe de Timour.

Il fut également le fondateur de la dynastie des Timourides dont l’empire subsista jusqu’en 1507.
Ses successeurs firent face à de nombreuses révoltes dans les territoires conquis. Cependant, l’Histoire leur reconnait des régimes éclairés, portant une attention particulière aux sciences et aux arts (la Renaissance Timouride).

L’empire s’effondra à l’assaut final des Ouzbeks de la dynastie des Chaybanides.

Les Chaybanides forment une dynastie turco-mongole descendant de Chayban, un des fils de Djötchi, fils aîné de Gengis Khan. Leur peuple prit le nom d’Ouzbeks en référence à Özbeg, un de leurs parents, dirigeant de la Horde d’or (partie de l’Empire Mongol dans les steppes russes).

Gengis Khan (1155-1227) est le fondateur de l’Empire Mongol, le plus vaste empire continu de tous les temps.

Il utilisa son génie politique et militaire pour rassembler plusieurs tribus nomades de l’Asie de l’Est et de l’Asie Centrale sous l’identité commune de Mongoles. Il en devient le khan (dirigeant), avant même de se lancer à la conquête de la Chine. Après sa mort, l’empire est considérablement agrandi par ses successeurs qui le dirigent encore pendant plus de 150 ans.
Son petit-fils, Kubilaï Khan, est le premier empereur de la dynastie Yuan (1279-1368) en Chine.

C’est sous l’Empire Mongol que les premiers explorateurs européens arrivent dans l’Empire du Milieu, dont Marco Polo qui y restera de 1275 à 1291

Babur (1483-1530) est un descendant de Timour (arrière-arrière-arrière-petit-fils) par son père (3ème fils de Timour) et de Gengis Khan par sa mère (son père était roi de Fergana – dans l’actuel Ouzbékistan).

 

Il est surtout célèbre pour avoir conquis l’Inde du Nord en 1526 lors de la bataille de Pânipat sur Ibrahim Lodî, le dernier Sultan de Delhi.

Le Sultanat de Delhi est le royaume musulman qui s’étend sur le Nord de l’Inde de 1210 à 1526 à partir de sa capitale, Delhi. Plusieurs dynasties turco-afghanes règnent successivement sur le sultanat : la dynastie des esclaves ou dynastie des Muizzî (1206-1290), la dynastie des Khaljî (1290-1320), la dynastie de Tughlûq (1320-1413 / contemporaine à Timour), la dynastie des Sayyîd (1414-1451), et la dynastie des Lodî (1451-1526).
Leur territoire s’est étendu sur une grande partie du sous-continent jusqu’en Inde méridionale, et en lisière du royaume hindou de Vijayanâgara (dont on parlera dans de prochains articles, au sujet d’Hampi notamment).

C’est sous le Sultanat de Delhi – puis par la suite sous l’Empire Moghol – que la langue perse s’établie comme celle de la culture, au détriment du sanskrit et l’hindustani (hindi-urdu) et devint la lingua franca à travers le territoire.

Nous étions passés à Multan, au Pakistan, visitant le tombeau Shah Rukn-e-Alam, construit par Ghias-ud-Din Tughlak (1320-1325), fondateur de la dynastie des Tughlûk.

On ne sait pas si vous suivez encore l’histoire labyrinthique que nous essayons de résumer, mais nous trouvons passionnant de recoller ces invasions, ces familles, ces cultures, et l’aventure des peuples à travers ces territoires couvrant la moitié de l’Eurasie.

Et voilà donc que 130 ans après la prise de Delhi par son ancêtre Timour, Babur (1483-1530) s’accapare le Sultanat et les territoires du Nord, et fonde la fameuse dynastie des Moghols.
Les voilà enfin les Moghols !

On ne vous a pas perdu ?
Nous, nous on adore, alors on poursuit encore un peu.

Bien que les premiers Moghols aient conservé des coutumes turco-mongoles, ils ont majoritairement été «persianisés». Ils introduisirent les bases d’une culture indo-persane durable dans le sous-continent.

Afin d’étendre son empire, Babur s’engage dans plusieurs batailles, notamment celle décisive à Chittorgarh avec le prince Rajput.

Le fort de Chittor, installé sur une crête, nous avait beaucoup impressionné et nous y avions appris la pratique du Jauhar, suicides de masse des femmes et des enfants en cas de défaite.

Babur devient ainsi le maitre absolu du l’Inde du Nord.
Il s’installe à Agra et en fait la capitale de son Empire.

Babur privilégia son héritage culturel turc plutôt que la religion. Et bien qu’à dominance musulmane, l’organisation politico-juridique de l’Empire Moghol, dominé par un courant soufiste, s’affranchi progressivement de la charia et tout comme le Sultanat de Delhi, Babur incorpora nombre de notions extra-islamiques dans la politique, l’économie et la justice de son Empire.

À sa mort, se succèdent :
– son fils Humayun, qui consolide et maintient l’Empire (on peut voir son mausolée à Delhi)

  • son petit-fils Akbar (1556-1605), qui est considéré comme « le plus grand Moghol » – d’où provient son nom.

 

Il étend l’Empire jusqu’au Baluchistan et au Kashmir à l’Ouest, et au Bengale et Orissa au Sud-Est et en centralise l’administration. D’une ouverture intellectuelle et religieuse, il invite des représentants des grandes religions à débattre de questions religieuses.

Il épouse une princesse hindoue d’Amber, puis supprime le jizya – impôt religieux des non-musulmans. Il promulgue la Dîn-i-Ilâhî, « religion universelle et philosophique du Dieu unique », syncrétisme unifiant le Coran, la Bible et les textes hindous.
En 1571, l’empereur fonde Fatehpur-Sikrî et en fait sa capitale.

On lui doit aussi le fort de Lahore.

  • son petit-petit-fils Jahangir (qui fit construire les jardins Shalimar Bagh de Srinagar entres-autres),
  • son petit-petit-petit-fils Shah Jahan (1627-1658), célèbre pour avoir fait édifier le Taj Mahal (en la mémoire de sa femme Mumtaz Mahal) et le Fort d’Agra,

la mosquée Wazir Khan et le pavillon Naulakha à Lahore, le Fort Rouge de Delhi, …

Il étendra le territoire de l’Empire en s’emparant des royaumes du Deccan de Bijapur (dont nous parlerons dans de prochains articles) ainsi que Daulatabad (ancienne capitale de la dynastie des Tughlûk et Orcha.
Les Moghols attaquent aussi Golkonda et Hyderabad.
Il sera emprisonné par son fils Aurangzeb au Fort Rouge d’Agra, ou il y mourra.

  • son petit-petit-petit-petit-fils Aurangzeb (1658 à 1707), est considéré comme le dernier des Grands Moghols.

C’est une figure très controversée de l’histoire de l’Inde. Il se proclame Âlamgir IerConquérant du monde.
Sous son règne, l’Empire Moghol atteint son apogée territoriale s’étendant de l’Afghanistan à l’Assam et l’actuel Bangladesh et au Sud jusqu’au milieu du Tamil Nadu.
Régnant sur 158 millions de sujets, avec un revenu annuel 10 fois supérieur à celui du royaume de Louis XIV au même moment, son Empire devient la première économie du monde avec un quart du PIB.

Aurangzeb laisse derrière lui quelques monuments.
On lui doit la mosquée Moti, au sein du Fort Rouge de Delhi, Bibi Qa Maqbara, dit le « Taj Mahal du pauvre » à Aurangabad, mais aussi la mosquée Badshahi à Lahore et celle de Srinagar, alors reconstruite après un violent incendie survenue durant le règne de son grand-père Jahangir.

Mais son Empire ne connaît pas la paix et entame son déclin.
En 1669, Aurangzeb, musulman orthodoxe, s’oppose au soufisme, proscrit les arts, réinstaure la jizya et adopte une politique de prohibition de la religion hindoue et de destruction des temples à travers son territoire, en rupture avec ses prédécesseurs (la réutilisation les matériaux pour construire des mosquées sur les mêmes emplacements sont ainsi à l’origine de certains problèmes intercommunautaires qui subsistent de nos jours).

Cette intransigeance religieuse attisera les révoltes des Marathes et des Sikhs, multipliant les instabilités dans tout l’Empire.
Il reprendra Golkonda et Hyderabad aux Qutb Shahi (on y revient enfin !).

Asaf Jah (petit-fils d’un Saint Sufi de Bukhara) y sera installé par l’Empire en tant que Vice-Roi du Deccan.

 

Avec la perte d’influence de l’Empire Moghol, l’État princier d’Hyderabad deviendra indépendant et Asaf Jah fondera la dynastie des Nizam qui prendra terme en 1967 à la mort de Osman, souverain adoré par ses sujets.

Ouf !
C’est captivant d’ouvrir tous ces tiroirs de l’Histoire.

Et on n’a pas parlé des conquêtes et incursions d’Alexandre le Grand (contre les Gandhara) au IVème siècle av. JC, de l’Empire Maurya (au IIIème siècle av. JC qui s’étendait de l’Hindukush au Sri Lanka et dont la figure la plus importante fut l’empereur Ashoka), ou des invasions des Arabes au Sind au VIIIème siècle…

Nous replonger dans cette histoire nous donne envie de retourner visiter ces lieux et d’y porter un nouveau regard, pour mieux comprendre et relire l’Histoire.
Ça nous démange de revenir en Iran, de voyager au Kazakhstan, en Mongolie, ou en Afghanistan, et de revoir l’Asie Centrale et Mineure.
Et nous voilà avec de nouveaux projets en tête!

6 thoughts on “On voulait comprendre…

  1. Merveilleuse, fabuleuse et déconcertante Inde …
    Belles photos et illustrations, et savante leçon d’histoire, pour un pays si riche !

  2. On se demandait pourquoi ils étaient tellement à la bourre sur le blog, maintenant on comprends mieux. Vous êtes comme tout le monde, vous passer 2 minutes sur la page wiki de Gengis Khan et vous vous retrouvez 3h à mater des vidéo de chats rigolo. C’est passionnant effectivement, mais c’est vrai de pleins d’autres endroits aussi. L’angleterre Par example. Peut être vous devriez venir y faire un tour.

  3. Si je ne suis pas un grand fan de l’Histoire, c’est vraiment sympa ce post : ça change et ça se lit vite.
    Par contre, je garantis pas d’avoir la moyenne si jamais y’a interro° surprise 😉

  4. « Ahhhh, mais c’est donc ça !!!  »

    Non, j’avoue j’ai pas retenu la moitié de ce que vous avez expliquez, mais, ayant visité quelques’un des sites mentionnés, et étant un gran fan de Genghis Khan, j’ai trouvé ça passionant.

    Je vous conseille d’ailleurs le livre « The Silk Roads de Peter Frankopan ».
    Un livre historique comme on en étudie peu en cours d’histoire-geo de « l’Europe de l’ouest ».

    Gros bisous !!

  5. Ouch j’avais zappe cet article !! Les peintures sont extraordinaires, l’histoire fascinante, l’architecture a la hauteur de tout ça… ! Superbe … Merci ! 🙂

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