Queyrament très beau

[Info pour ceux qui sont perdus : cet article relate notre séjour dans le Queyras, en Septembre dernier. Plus d’info sur la carte à ce lien]

Les dernières journées de route nous font traverser et dormir au sein d’un paysage de plus en plus montagneux. Du Vaucluse, nous franchissons les Alpilles plus à l’Est, pour rejoindre Apt, puis Digne-les-Bains.
Nous parcourons les Alpes-de-Haute-Provence par les routes départementales qui tournicotent et rejoignons le majestueux Lac de Serre-Ponçon aux eaux turquoise.

Il n’y a pas à dire, ces paysages montagneux nous enchantent profondément.

À mesure que la route quitte la vallée de la Durance pour longer le Guil, elle s’enfonce dans une gorge aux parois abruptes. La roche grise, le peu de végétation, les remous de l’eau fraiche de la rivière. Nous comprenons que la région du Queyras et les vallées affluentes du Guil sont longtemps restées recluses, perdues aux confins des Hautes-Alpes*, en bordure de la frontière italienne.

La gorge se rétrécie en approchant de Château-Queyras, place forte qui se dresse sur un piton rocheux en travers du val étroit.
La région est très peu urbanisée et les quelques villages qui parsèment les trois vallées sont encore « dans leur jus », malgré l’attrait touristique inhérent à ces paysages préservés.

Anne-Lise et Boris habitent au pied du château, sur les berges du Guil.
Et après de trop nombreux mois loin d’eux, nous sommes accueillis avec la plus grande chaleur.
Nous faisons enfin connaissance avec la très mignonne petite Marguerite et posons nos affaires pour quelques jours.

Conseillés et équipés par nos amis, nous avons hâte de (re)découvrir la région, reconnue comme étant un paradis pour les randonneurs.
Après deux mois et demi à s’engraisser de bonnes choses – on ne se plaint pas !, notre condition physique est loin d’être au top. Progressivement, on se remet en marche.

Ainsi, notre première balade nous conduit au Lac Souliers et au sommet de Tronchet à 2590m, pour 1000m de dénivelé. Remise en jambe sur fond de paysage champêtre montagnard, le village de Souliers semble si isolé.




Nous ne croisons que très peu de monde sur le chemin, et seulement une poignée de marcheurs au sommet. Peut-être parce que nous ne sommes en fin de saison… Dans tous les cas, nous comprenons bien vite pourquoi cette région est tant plébiscitée pour la randonnée.
Les paysages sont magnifiques et divers. Les sentiers sont en très bon état, extrêmement propres et bien balisés – ce à quoi nous n’étions pas habitués!

En arrivant sur le haut de la crête, nos yeux parcourent ces pentes désertiques, sur lesquelles s’accrochent mousses et petites herbes. Les marmottes en ont fait leur terrain de jeux, nous les entendons siffler quand elles ne fuient pas à toutes jambes, remuant leur gros popotins.


En contrebas, la vallée d’Arvieux contraste de ses cultures d’un vert éclatant, alors que devant nous, les massifs du Queyras s’entendent dans un camaïeu de gris rocheux.
Un grand bol d’air dans nos poumons, nous nous sentons vivants.




Qu’il est bon de profiter de cet environnement incroyable.
Nos journées de rando’ sont à chaque fois propices à parcourir de nouveaux paysages. La diversité géologique du Queyras offre une richesse de roches, textures et couleurs qu’il est magique de découvrir, comme cette Demoiselle coiffée, cheminée de fée qui se dresse majestueusement au milieu de nulle part, image mystique du temps qui passe et de l’érosion.




La route qui rejoint le mythique col Izoard (2360m alt.) est impressionnante, notamment le passage par Casse Déserte où un long éboulement de roche s’écoule comme un fragile tas de sable.

Lors de balades dans des paysages de clairières et de prairies où vaches et moutons paissent placidement dans de beaux écrins verdoyants, nous surplombons la route qui redescend du Col Agnel (2744m alt.), observant les cyclistes aux mollets saillants mais au souffle court, qui s’attaquent à cette route sinueuse et les invite à rejoindre le Piémont italien.





Nous traversons le cœur des forêts, apercevant parfois une biche qui s’y balade, tandis que nos pas foulent les épines des mélèzes, libérant cette odeur douce et sucrée.
Les steppes désertes, au-delà de Clapeyto aux couleurs mordorées, nous rappellent la traversée du plateau de Deosai, au Pakistan… sans les motos et le froid.









Le ciel se couvre dangereusement, les nuages noirs menaçants se rapprochent tandis que le tonnerre raisonne par-delà les montagnes qui nous entourent. Nous pressons le pas et évitons la pluie de justesse.

À mesure que les jours passent, notre appétit de randonnées grandit, tout comme les dénivelés.

La randonnée qui nous mène aux eaux limpides des Lacs du Malrif, nous transcende de bonheur.
Le joli chemin qui nous mène tranquillement à travers une forêt de conifères déboule au pied d’un impressionnant mur concave.

Nos yeux peinent à y suivre le sentier qui se perd en d’innombrables zigzag jusqu’au sommet du cirque. La grimpette est harassante.


Essoufflés, nous rejoignons finalement les berges du lac de Malrif, lové au creux de la montagne.
Ses eaux calmes au bleu profond nous invitent à la contemplation, tel un tableau dans lequel on cherche à s’imprégner.

Nous continuons notre ascension jusqu’au sommet dominant ce paysage à 2900m de haut, après 1600m d’ascension.
Les dernières centaines de mètres le long d’une crête sont vertigineux, mais une récompense magnifique nous attend au point culminant.


Une vue à couper le souffle sur le lac en contrebas, et en arrière-plan, les sommets des montagnes alentours dessinant un horizon en dents de scie.
Un paysage immense.
Vaste.
C’est ce que nous adorons en montagne.
Dans nos têtes, les souvenirs du Népal et de notre fabuleux tour des Annapurna se réveille. Alors que nous marchions quelques 2000m plus haut, nous étions en permanence entourés de sommets toujours plus haut que nous.
Nous sommes pris et surpris d’un sentiment de hauteur, alors que nous dominons notre environnement.
D’ici, nous apercevons les toits, les pics, les cols, les arêtes. Peut-être plus encore qu’au Népal, nous nous sentons sur le toit du monde. Nous avons atteint le sommet.
Le caillou le plus haut.
Autour de nous, rien ne nous dépasse.
L’impression d’immensité est grande avec la possibilité de porter notre regard très loin. Un état de satisfaction, de bonheur et d’humilité face à la majestuosité de ce paysage.

La descente n’en est pas moins fatigante, et encore plus que la montée, elle se fait dans la plus grande intimité.

En revanche, les genoux de Brice souffrent de la déclivité ininterrompue, un mal connu depuis plusieurs années mais qui semble s’accentuer.
Ainsi, nous profitons d’être établis un temps pour conduire quelques examens sur ses articulations rouillées. Docteur, radio’ et prise de sang. Le diagnostic tombe. Il n’y a rien à faire.

Problèmes mécaniques aussi pour notre auto’. Les routes aux pentes sévères ont usé nos plaquettes plus vite que prévu, jusqu’à avoir mangé toute la garniture sur l’une d’elle.
Jean-Luc, le voisin gentil et bavard, nous est d’une grande aide, tout comme son garage rempli d’outils en tout genre.

Et heureusement, car un second problème apparait avec le froid précoce. Frileuse, notre voiture refuse de démarrer les matinées humides et frisquettes…
Ce n’est pas de chance, car dans le Queyras, l’hiver arrive tôt. Ainsi, les nuits sont de plus en plus fraiches (les températures nocturnes fleurtant déjà avec le zéro mi-septembre) et les rayons du soleil tardent de plus en plus à passer au-dessus des montagnes. Nous changeons ainsi les filtres et les bougies de préchauffage… mais il s’avère que le problème viendrait du démarreur, sous-dimensionné.

C’est l’occasion pour Brice de replonger les mains dans le cambouis et de remplacer le démarreur par un plus puissant**. L’hiver nous dira si cela sera suffisant, nous croisons les doigts.

Ces aléas mécaniques nous conduisent à faire du stop pour rejoindre les points de départ de nos rando’, ce qui, en plus de nous offrir d’intéressantes rencontres et discussions avec les accueillants habitants de la région, a pour avantage de nous libérer de l’habituelle boucle pédestre. Ainsi, nous traversons les vallées dans toute leur longueur, longeant parfois canaux et rivières aux eaux fraiches.

Comme à nos habitudes, nous prenons nos aises. Nous nous plaisons bien dans le Queyras.
Comme à nos habitudes, nous pensions initialement ne rester qu’une demi-douzaine de jours, mais rapidement, cette demie devient entière.
Il est bon d’être chez les copains. Anne-Lise et Boris nous font partager leur quotidien, et les contraintes de la vie en montagne***. Nous sociabilisons, prenons le temps. Nous suivons les progrès de Marguerite, cuisinons, visitons les ruches de Boris, et retrouvons jeux de société et apéro’.


En ayant passé six années loin de France, nous avons noté que les consciences environnementales ont changé en Europe. Les habitudes ont évolué vers une recherche de consommation plus raisonnée. C’est en tout cas comme cela que nous le percevons. Nos amis ne dérogent pas à la règle. Potager, seconde-main, produits cosmétiques et ménagers, conserves et confitures, le tout fait maison.
Il est intéressant de revoir nos habitudes de consommateurs.

Nous repoussons notre départ, afin de croiser Pierre et Patricia, les parents d’Anne-Lise. C’est ainsi l’occasion de passer un peu de temps ensemble et de nous émerveiller tous les quatre, alors que nous rejoignons la Gardiole de l’Alp (2786m alt.) et de longer la crête des Bataillers.

La montée est sévère.
Petit à petit, nous laissons derrière nous bergeries, prairies et marmottes pour rejoindre cette surprenante arête, nous offrant une vue dégagée sur la vallée de l’Aigue Agnel. Le terrain est aride, le promontoire sur lequel nous évoluons tombe à pic sur plusieurs centaines de mètres.




Un casse-croute bien mérité à 2805m alt. Nous sommes face à un paysage à couper le souffle, dévoilant un panorama à 360°, dégagé sur l’intégralité du Queyras.
Au loin, les sommets du massif des Écrins, blanchis par les récentes précipitations, brillent de leurs clairs manteaux neigeux.


Mais, les températures se rafraichissent subitement. Et nous sommes même surpris par la neige lors d’une visite à Saint Véran.
Il est joli ce petit village.
L’architecture traditionnelle des fustes en bois, les trois-quatre rues étroites, les fontaines qui abreuvent chacun des cinq quartiers.
Pas de barre en béton dans ce village du bout de la route/station de ski qui a su se protéger des affres du tourisme de masse. Ici aussi, le tourisme « au naturel » est privilégié.









Quelle belle récompense et chance que nous avons de profiter autant de cette région.
Nous avons adoré les paysages du Queyras en Été. C’est autour de l’Automne de s’installer. Progressivement, la lumière et les couleurs changent, ponctuant le tableau de touches rouge orange tandis que les pics blanchissent, faisant réveiller en nous des envies de montagnes enneigées.

En réfléchissant à nos projets de voyage, nous pensons ne pas quitter la France d’ici la fin de l’hiver (à l’époque, il n’était pas encore question de seconde vague pandémique, ni de confinement), et attendre le printemps pour ensuite émigrer quelque part, ailleurs.
Nous réalisons que l’on aimerait profiter plus encore de ce genre de paysage. Nous nous sentons bien dans cette région, les gens y sont sympas. Nous y sommes bien accueillis.
Cela fait également très longtemps que nous n’avons pas fait de ski. Cela nous manque.

C’est ainsi que de fil en aiguille, nous nous retrouvons à mettre à jour nos CV, à rassembler les très nombreux contacts que nos amis (et Chantal !) possèdent, et entamons la recherche de boulot à Saint Véran pour la saison d’Hiver à venir. Nos dégotons même quelques entretiens.
Ça aussi, ça faisait longtemps !

Boris termine sa saison de guide et met en hivernage le potager et les ruches. Les manches courtes deviennent longues. Même le poêle se met à ronronner.
Ainsi, contraints** par le froid qui arrive à grands pas, nous devons quitter le Queyras.
Nous chargeons notre camionnette, prêts à reprendre la route.
Un dernier passage par la fromagerie, nous laissons le château derrière nous.

À dans quelques mois !

 

‘* À l’époque révolutionnaire où la Savoie n’était pas française, les plus hauts sommets du territoire se trouvaient dans les Hautes-Alpes, d’où le nom donné à ce département.

** Ce n’est qu’une dizaine de jours plus tard, à Blaye, que nous changerons le démarreur de la voiture. Avant cela, il nous faut viser juste pour partir quand il ne fait pas trop froid et que le soleil a suffisamment réchauffé le capot.
Tout comme les marins à voile, notre départ dépend aussi des éléments naturels !

*** Quotidien pas toujours évident de la vie en montagne.
Le supermarché le plus proche est à Guillestre, dans la vallée de la Durance, soit à 23km et 40min de route aller. C’est aussi là-bas qu’arrivent les colis déposés en point-relais.
Aller faire une radio ou changer ses lunettes doit se faire à Briançon ou à Gap, à près de 1h30’ de route.
En hiver, le col Izoard, qui permet aussi de rejoindre Briançon, est fermé de mi-octobre à fin mai.

9 thoughts on “Queyrament très beau

  1. Quelles belles balades, où l’on passe des shorts sous le soleil, aux blousons et neige ️ d’ailleurs aussi sous le soleil ☀️.
    Encore de belles photos et des commentaires lyriques et enthousiastes !

  2. Quelle belle randonnée de couleurs, de nuages, de ciels et de pentes douces ou raides ! Je garderai toujours le souvenir de nos pas partagés sur le versant de la Gardiole. La panorama de nos retrouvailles y était aussi grandiose que le Queyras…

  3. Votre reportage photo dans le Queyras confirme tout le bien qu’on m’en a dit et donne encore plus envie de venir vous voir cet hiver, même si les paysages auront une autre couleur.
    Super de vous voir sous la neige ou en apiculteur. Etonnant aussi de voir à quel point les cols, arêtes et plateaux sommitaux sont pelés (pas vraiment de végétation) alors que ce n’est pas si haut en altitude (2500-3000 m.).

    Et vous nous avez fait un petit Giraudol sans nous prévenir ;p

  4. Que c’est beau .!!! La montagne est bien votre ADN. Toujours aussi émouvant de vous savoir en harmonie avec ce et ceux qui vous entourent. Très jolie la grande piscine à débordement au sein des montagnes. Et que dire de cette photo en pleine crise sanitaire en tenue de lutte contre Ebola . Et la petite dernière de Briçou jouant de la poussette …!!!! Bises à vous . Nous vous aimons. ppf.

  5. Coucou les amis,

    Je connais le coin en fait. J’avais un projet de station d’épuration aux Contamines-Chatelard, et je passais souvent sur le barrage du lac de Serre-Ponçon.

    Mon dieu mais c’est trop beau le Queyras. J’avais eu un pti aperçu avec les photos que vous nous aviez envoyées mais en version complète c’est magnifique.
    On dirait presque le Pakistan
    LAC DE MALRIF. Le jour où je viens vous voir il faut absolument qu’on y aille. Le paysage est simplement magique (de) là-haut.

    Hâte de venir vous voir !

    Gros bisous.

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